"Pas élus pour leur taper dans le dos": la macronie inquiète après les propositions des LR sur l'immigration

Le casse-tête sur le futur projet de loi immigration se complexifie encore un peu plus pour le gouvernement. L'exécutif se retrouve coincé entre les députés LR qui ont dévoilé une ligne dure ce dimanche et sa propre majorité qui veut défendre un texte équilibré. Au risque d'échouer à convaincre l'Assemblée nationale.

"Je ne sais pas trop comment on va s'en sortir entre la droite qui nous propose des choses qui viennent de Marine Le Pen et nos députés qui, après les retraites, ont envie d'avoir un peu la main sur cette réforme", résume un conseiller ministériel, visiblement inquiet, auprès de BFMTV.com.

"Rien de républicain dans les propositions" de la droite

Les propositions de la droite ce dimanche dans les colonnes du JDD ont donné des sueurs froides au gouvernement qui veut présenter sa copie au Parlement en juillet. Fin de la primauté du droit européen, rétablissement du délit de séjour clandestin, retour de la double peine, inscription de l'assimilation... Après s'être divisée sur la question des retraites, la droite est bien décidé à se réunir autour de l'un de ses marqueurs.

Quitte à piocher du côté de Marine Le Pen dont l'un des députés a dénoncé des députés LR "recopieurs". Autant dire que le texte vanté par Gérald Darmanin qui voulait "être gentil avec les gentils et méchants avec les méchants", semble s'éloigner.

Après de fortes crispations en 2018 sur le projet de loi asile- immigration dans son propre camp, la macronie avait veillé à porter un texte qui se voulait équilibré entre titres de séjours pour les travailleurs sans papiers dans des métiers en tension et meilleure exécution des obligations de quitter le territoire.

"La droite est en train de glisser vers le Rassemblement national. En l'état, un accord est impossible. Il n'y a rien de républicain dans leurs propositions", s'agace le député Renaissance Ludovic Mendes, membre de la commission des Lois.

"Pas été élus pour taper dans le dos de la droite"

Mais dans un contexte de majorité relative, l'exécutif ne peut pourtant pas se passer des voix des LR pour faire passer la réforme. Bien consciente de l'ornière, Élisabeth Borne avait dans un premier temps repoussé la réforme avant de finalement annoncer son retour au début de l'été.

C'est sur les épaules de Gérald Darmanin chargé par la Première ministre de mener "des concertations" pour "proposer une stratégie permettant rassembler la majorité présidentielle" que reposent désormais les discussions. Au risque d'une mission impossible pour cet ancien membre des LR.

"On va pas commencer à dealer ligne par ligne avec la droite. Ce n'est pas possible. Nous n'avons pas été élus pour taper dans le dos de la droite. Leur permettre d'enrichir le texte, c'est oui. Leur tendre le stylo pour tout rédiger, c'est non", résume Prisca Thévenot, porte-parole du groupe Renaissance à l'Assemblée.

Le coup de "bluff" de la droite

Du côté du parti d'Éric Ciotti, on assume une approche qui ressemble à un jeu de billards à quatre bandes, bien conscient que le gouvernement ne pourra pas aller aussi loin qu'ils l'espèrent.

"On a fait une liste de courses impossibles à tenir, on le sait très bien. Je vois pas comment la majorité pourrait dire oui à nos propositions", reconnaît un député de droite.

La manœuvre vise plutôt à faire pencher le texte plus à droite que prévu initialement, en espérant faire disparaître de la version présentée devant le Parlement le titre de séjour dans les métiers en tension, considéré comme "un appel d'air" pour le patron des LR.

"La droite n'aura pas tout ce qu'elle veut mais elle aura un peu plus que si elle n'avait pas joué le bluff", résume un député macroniste.

"Sacrément dans la mouise"

Au risque pour Élisabeth Borne de se fâcher avec sa propre majorité? Olivier Dussopt a déjà veillé à rassurer les troupes en fermant la porte à la réforme de la Constitution pour durcir la politique d'immigration défendue par la droite. Le ministre du Travail l'a jugé ce lundi "inenvisageable", sans pourtant totalement rassurer.

"C'est sûr que si on arrive à convaincre les LR mais pas nos députés de voter le texte, on est sacrément dans la mouise", résume un conseiller ministériel qui aurait préféré qu'on se passe de cette réforme "pour l'instant".

En cas de trop fortes secousses, Élisabeth Borne garde cependant un atout dans sa manche: le 49.3 qu'elle n'a pas encore utilisé en dehors des textes budgétaires. Tout en réaffirmant son "objectif" de ne pas s'en servir dans les prochains mois, la Première ministre avait défendu un "outil constitutionnel et légitime" en avril. De quoi lui permettre éventuellement de faire adopter la réforme sur l'immigration sans vote des députés.

Article original publié sur BFMTV.com