« Les élus locaux s’épuisent à pallier les défaillances de l’État » - Tribune

Photo prise le 3 juillet à Lyon, lors d’un rassemblement à l’appel de l’Association des Maires de France après l’attaque du domicile du maire de l’Haÿ-les-roses
OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP Photo prise le 3 juillet à Lyon, lors d’un rassemblement à l’appel de l’Association des Maires de France après l’attaque du domicile du maire de l’Haÿ-les-roses

La grande régression frappe notre pays. Celui des chefs étoilés où il était permis de penser qu’au-delà du droit fondamental de se nourrir, il était question de bien manger. Or voilà qu’inflation aidant, le bien manger n’est plus qu’un leurre. Il s’agit pour des millions de nos concitoyens de manger tout court.

Après l’alimentation, viendront les débats sur les factures d’énergie qui avaient tant agité la sphère médiatique à l’automne dernier. Et bien sûr, ceux sur le logement, la santé, l’accompagnement des personnes âgées. Tel un château de cartes, l’édifice de notre cohésion sociale n’a jamais paru aussi fragile. À la base de l’édifice, une multiplicité d’acteurs locaux, associatifs mais aussi services publics de proximité, tiennent l’ensemble à bout de bras. La question est de savoir jusqu’à quand.

« Les collectivités locales tentent de maintenir un vivre ensemble »

En cette rentrée, un réseau associatif bien connu des Français a sonné l’alerte. Les donneurs de chèques ont été appelés à la rescousse pour colmater les brèches d’un modèle social tourné vers la réparation permanente. Au bord de la rupture, cet appel des associations renvoie aux limites d’un système où la prévention est réduite à la portion congrue faute de moyens. Où le principe de redistribution perd de son efficacité. Où le travail ne paie plus.

Sur le terrain, aux côtés des associations, les collectivités locales tentent de maintenir un vivre ensemble dans nos villes, nos quartiers et nos villages de l’hexagone et d’outre-mer, abîmés par un quotidien fait de privations, de renoncements, de difficultés à boucler les fins de mois de trop nombreux de nos concitoyens. Selon l’Insee, neuf millions de personnes étaient en « privation matérielle et sociale » en 2022. Soit « le plus haut niveau depuis 2013, première année où cette proportion a été mesurée ». Dans les territoires ultramarins, l’Institut dénombre pas moins de 940 000 personnes en situation de pauvreté.

L’inquiétude grandissante des élus locaux

Une inquiétude légitime grandit parmi les élus locaux, au premier rang desquels les maires et leurs adjoints aux solidarités réunis au sein de l’UNCCAS. Des élus qui s’épuisent à mesure qu’ils inventent, testent, mettent en œuvre tous les leviers possibles pour répondre à la progression des besoins de leurs administrés. Ils pallient ainsi les défaillances d’un État sur lequel ils ne peuvent plus compter qu’au travers d’appels à projets ponctuels.

Lorsque l’État érige ou dit se porter garant d’une solidarité de droits, ce sont bien les communes et les intercommunalités qui, au nom d’un principe d’accessibilité territoriale et financière, se substituent et en assurent la mise en œuvre de fait. Répondre et agir quoi qu’il en coûte. Oui. Mais pour combien de temps ?

À moyens constants, les demandes de domiciliation des personnes en précarité adressées aux centres communaux d’action sociale (CCAS) augmentent. Leurs subventions communales épongent les déficits structurels de leurs EHPAD. Les crises à répétition sur fond de transitions en tous genres – démographique, écologique, etc. - mettent leurs moyens tant humains que financiers à rude épreuve.

Considérer les élus locaux comme de vrais partenaires

Madame la Première ministre, soyez la partenaire des collectivités ! Sans doute le Pacte des solidarités ou la prochaine conférence sur la question majeure des salaires, apporteront-ils des réponses ponctuelles. Les lois de finances de l’automne seront également un bon signal de la façon dont Bercy envisage la question des solidarités dans notre pays. Mais pour une action structurelle à la hauteur de la situation à laquelle nous sommes collectivement confrontés, la question de la gouvernance dans son ensemble devra également être posée au travers du prochain acte de décentralisation annoncé par le Président de la République.

Plutôt qu’une énième confrontation mortifère entre l’État et les seules collectivités locales, faisons de ce rendez-vous un acte novateur, qui conforte les communes et les intercommunalités dans leur pouvoir d’agir, notamment au travers d’une fiscalité locale renouvelée et plus adaptée. Associons à ce rendez-vous démocratique l’ensemble de leurs partenaires locaux - économiques, associatifs, privés, etc. mobilisés pendant la crise sanitaire – mais aussi les citoyens eux-mêmes, encouragés dans leurs propres capacités d’engagement.

Consolidons sans attendre la base du château de cartes avant qu’il ne s’effondre. Les élus locaux sont prêts à prendre toute leur part. Sous réserve d’être considérés et reconnus par l’État comme de vrais partenaires et non des pompiers permanents ou de simples supplétifs dans un monde en crise.

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