Élections européennes : l’Arcom concentre tous les regards dans la dernière ligne droite avant le scrutin

Avant l’interview d’Emmanuel Macron jeudi, l’Arcom rappelle les règles en matière de temps de parole
IAN LANGSDON / AFP Avant l’interview d’Emmanuel Macron jeudi, l’Arcom rappelle les règles en matière de temps de parole

POLITIQUE - Saisies en pagaille. Dans les dernières semaines avant les élections européennes, l’Arcom, gendarme de l’audiovisuel, est sursollicitée. En cause : des questions de temps de parole et de pluralisme politique, avec en particulier le cas d’Emmanuel Macron et son implication dans la campagne.

Sur le plan légal, les règles sur le temps de parole s’appliquent depuis le 15 avril. Les télés et radios décomptent ces temps pour les candidats et leurs soutiens, et les transmettent à l’Arcom pour contrôle. Elles sont tenues d’assurer un « accès équitable à l’antenne » entre les listes. Mais équité ne veut pas dire égalité : le temps d’antenne de chaque liste dépend de ses résultats aux précédentes élections, des sondages ou de sa capacité à « animer la campagne » (via par exemple des réunions publiques).

« Il y a une grosse tension », soupire un cadre de l’audiovisuel interrogé par l’AFP, qui décrit une « fébrilité » au sein de l’exécutif comme dans les états-majors des chaînes.

Discours de la Sorbonne et interview(s) présidentielle(s)

Concernant Emmanuel Macron, les déclarations du président en période d’élections sont régies par des règles particulières : les interventions qui « relèvent du débat politique lié aux élections, notamment celles qui comportent l’expression d’un soutien envers un candidat ou une liste de candidats » doivent spécifiquement être comptabilisées comme du temps de parole lié au scrutin. Ce qui implique un tri de la parole présidentielle pour identifier quelle partie d’un discours ou d’une interview relève de la propagande électorale.

Depuis le début de la campagne officielle, la question s’est posée à deux reprises pour l’actuel locataire de l’Élysée. La première fois fin avril, lorsque le président de la République a livré depuis la Sorbonne sa vision de l’Europe pour les années à venir. Avant l’allocution, l'Élysée défendait une « parole de président » décorrélée des élections à venir. Sauf que l’Arcom, saisie par Les Républicains, en a décidé autrement et a considéré que le discours devait être décompté dans son intégralité du temps de parole pour son camp. Ce qui se comprend lorsque l’on voit la proximité entre ce discours et le programme de Valérie Hayer.

Bis repetita ce jeudi 6 juin au soir ? Le chef de l’État sera interviewé au 20 heures de TF1 et France 2, où il doit s’exprimer sur l’international. Mais « cet entretien, la veille de la fin de la campagne, sur des sujets qui sont au cœur de la campagne, est contraire au respect du pluralisme politique », s’est indigné le premier secrétaire du PS Olivier Faure en saisissant l’instance.

Ce mercredi 5 juin, c’est la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier qui a annoncé un recours à l’instance, sur le cas d’Emmanuel Macron mais pas uniquement : elle vise aussi l’ancien président de la République François Hollande, soutien de la liste de Raphaël Glucksmann et réclame que ses interventions soient comptabilisées sur le temps de la liste PS/Place Publique.

Avant de statuer sur le fond des saisies concernant l’interview d’Emmanuel Macron, l’Arcom a adressé une mise en garde aux chaînes ce mardi 4 juin en les appelant au « strict respect des règles ». L’instance a fait savoir que « tout ou partie des propos tenus pourra être pris en compte » dans le temps alloué à la liste du camp présidentiel.

Les « petites listes » dénoncent les règles « folkloriques » de l’Arcom

Il y a donc d’un côté ceux accusés de monopoliser les antennes, et de l’autre ceux qui désespèrent de se faire entendre. C’est le cas des « petites listes », comme le Parti animaliste d’Hélène Thouy, celle de Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne), de Guillaume Lacroix (Parti radical de gauche)…

Un incident en particulier les a fait bondir : la diffusion fin mai à une heure de grande écoute de deux clips de campagne de Valérie Hayer et Jordan Bardella (en deuxième et première positions dans les intentions de vote) à la place des leurs. France Télévisions a plaidé l’erreur et l’Arcom s’est saisie du dossier. Mais cela n’a pas suffi à calmer la colère des listes concernées, qui dans une tribune publiée dans Libération le 2 juin ont dénoncé « la passivité » de l’autorité de régulation qui « se contente d’enregistrer les temps de parole des candidats (...) sans jamais utiliser les outils de régulation que lui donne la loi. »

Elles jugent floues, voire « folkloriques », les règles qui déterminent l’équité du temps de parole entre les 38 listes en course. « Dans le dernier décompte officiel des temps de parole, les listes de Renaissance et du Rassemblement national cumulent à elles seules plus de quatre jours de temps d’antenne en continu en six semaines, tandis que toutes nos listes ensemble n’ont eu que six heures d’antenne », ont-elles déploré. Les signataires ont été reçus à l’Arcom lundi 2 juin. Mais « on nous a expliqué qu’il est trop tard pour taper du poing sur la table », a rapporté à l’AFP Caroline Zorn, tête de liste du Parti Pirate.

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