Élections européennes : derrière l’échappée de Bardella, des matchs dans le match aux enjeux cruciaux
POLITIQUE - Des classes de niveau. La campagne des élections européennes est bel et bien lancée. Après les joutes par meetings interposés, les différents candidats se sont retrouvés jeudi 14 mars, sur l’antenne de Public Sénat, pour le premier débat télévisé de cette course électorale.
Des échanges souvent tendus qui sont venus confirmer la teneur de ces premiers émois de campagne. Derrière le Rassemblement national de Jordan Bardella, donné largement en tête le 9 juin prochain, avec plus de 10 points d’avance sur le camp présidentiel, plusieurs matchs particuliers occupent les candidats.
Des compétitions parallèles pourrait-on dire, qui, en dépit de l’avance confortable du parti d’extrême droite sur ses adversaires, offre à cette campagne des enjeux inattendus, sinon cruciaux. Pour Strasbourg et au-delà.
Glucksmann - Hayer : « concurrence électorale »
C’est un fait : Valérie Hayer, la cheffe de file du camp présidentiel, a choisi deux cibles pour son début de campagne. Le Rassemblement national, bien sûr, qu’elle pilonne sans cesse dans le sillage d’un Gabriel Attal qui en a fait son adversaire principal. Mais également Raphaël Glucksmann, le chef de file de la liste socialiste.
Dès sa première interview comme candidate, l’eurodéputée Renaissance s’est fait fort de mettre la lumière sur la proximité idéologique du fondateur du petit parti Place Publique avec le camp présidentiel. « On vote ensemble à 90 % », répète-t-elle à l’envie pour faire infuser cette idée dans le débat, au grand dam du premier concerné.
Il faut dire que le danger existe pour le camp présidentiel. Leur candidate est en tout cas plus proche de la liste PS - Place Publique que de celle du Rassemblement national selon les sondages. Dans la dernière vague de l’étude YouGov pour Le HuffPost, 10 points la séparent de Raphaël Glucksmann tandis qu’elle accuse un retard de 13 longueurs sur Jordan Bardella. Une tendance qui s’observe également dans notre compilateur. Et qui a de quoi donner des sueurs froides au camp Macron.
« Quand Hayer parle de vote commun avec Glucksmann, elle fait ça car on a parfaitement identifié la menace d’érosion sur l’aile gauche de la majorité », décrypte un élu Renaissance auprès du HuffPost. Et d’évoquer une « concurrence électorale » avec la tête de liste PS puisque « les gens n’hésitent pas entre Bardella et Macron, mais entre Glucksmann et Macron. » Avec le risque qu’ils délaissent le second.
L’un des objectifs pour la majorité est donc de consolider sa base, sans brusquer les électeurs macronistes de centre gauche et ainsi éviter le phénomène des vases communicants avec la liste des socialistes, voire des écologistes. « Quand vous ajoutez le score des Verts et du PS, ça fait autant que nous. C’est la première fois depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir », souffle encore notre source.
Le match des gauches : qui pour sortir du marasme ?
Un cran plus bas, le match des différentes gauches promet donc d’être intéressant. Les quatre formations qui formaient feu la Nupes à l’Assemblée nationale sont parties en ordre dispersé, malgré les appels à l’union presque désespérés des Insoumis. Depuis, la clause de non-agression - qui devait lier les différentes chapelles - a volé en éclat entre le PCF (représenté par Léon Deffontaines en tête de liste), EELV (représenté par Marie Toussaint), LFI (représentée par Manon Aubry) et la liste Place Publique - PS de Raphaël Glucksmann.
Outre les invectives multiples et variées, presque quotidiennes sur les réseaux sociaux ou les plateaux de télévision, les différents candidats estampillés « gauche » s’opposent presque frontalement sur plusieurs sujets : la diplomatie, l’agriculture, le libre-échange. Le débat, jeudi, leur a une nouvelle fois permis de confronter leurs visions… Et de rappeler, dans une certaine mesure, pourquoi ils ne font pas liste commune.
Raphaël Glucksmann a ainsi repris de volée le communiste Léon Deffontaines, qui expliquait ne pas vouloir « mourir » pour Kiev. L’insoumise Manon Aubry a, elle, fustigé le soutien prétendu des écolos et de Marie Toussaint aux accords de libre-échange, ou à l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne. Car, en réalité, les enjeux pour la gauche ne se limitent pas au 9 juin prochain. En creux, c’est la question du futur qui peut se jouer, du chef de file pour les années à venir, et de la force motrice qui entraînera les autres derrière elle.
Duel à droite : il n’en restera qu’un
Autant de questions qui gagnent également l’autre bord du spectre politique. Comme les partis de l’ex-Nupes, les candidats qui représentent la droite dure (François-Xavier Bellamy pour Les Républicains et Marion Maréchal pour Reconquête), sont dans un mouchoir de poche à en croire les sondages.
Problème : leur espace politique apparaît similaire, et fort réduit, loin derrière la popularité insolente de Jordan Bardella. Il n’est donc pas anodin de voir la cheffe de file du parti d’Eric Zemmour assumer une stratégie qui vise à marcher sur les plates-bandes du parti gaulliste, tout en épargnant la formation lepéniste.
Après avoir fustigé les « incohérences » de l’eurodéputé, réputé pour être sur la même ligne que l’ancienne élue du FN, lors de ses passages télé, Marion Maréchal a poursuivi son entreprise, jeudi lors du premier débat sur Public Sénat. « La droite a voté l’exemption des droits de douane sur les importations ukrainiennes », a-t-elle par exemple fustigé en visant François-Xavier Bellamy et sa difficulté à assumer les votes de son parti (le PPE) à l’échelle européenne.
Pour l’instant, les deux candidats sont dans le même étiage, entre 5 et 7 % d’intentions de vote selon les sondages, soit juste au-dessus de la barre fatidique pour obtenir des élus au Parlement européen. Malheur au perdant, et à celui qui tombe en dessous.
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