Élections européennes : un casse-tête pour élaborer la prochaine coalition ?
Selon les derniers sondages d'Euronews avant les élections européennes, le prochain Parlement européen devrait avoir une nette majorité à droite.
Mais les différentes forces du camp conservateur - du centre-droit à l'extrême-droite - devront surmonter certaines divisions et contradictions pour former une alliance fonctionnelle.
Les partis socialistes connaissent eux une croissance légère et régulière depuis trois mois, tandis que les libéraux-démocrates de Renew sont en perte de vitesse.
Les seuls pays où l'on s'attend à ce que l'extrême droite fasse un mauvais score sont Chypre, le Luxembourg et Malte.
Boyd Wagner, analyste en chef du Centre de sondages d'Euronews, nous aide à mieux comprendre les résultats de notre dernier grand sondage dans neuf pays représentatifs de l'UE.
Euronews : En Allemagne, la plus grande économie de l'UE, les chrétiens-démocrates (CDU) sont en tête des sondages d'opinion. Une bonne nouvelle pour le PPE ?
Boyd Wagner : Le PPE (Parti populaire européen) continuera à bénéficier de la coalition allemande de la CDU et de la CSU (chrétiens-démocrates allemands et bavarois, respectivement).
Nous prévoyons qu'ils atteindront environ 30 %. Et cela devrait booster le groupe PPE.
Euronews : Le parti d'extrême droite AfD semble perdre de son attrait auprès de l'électorat allemand et pourrait être dépassé par les sociaux-démocrates (SPD) en tant que deuxième parti. Est-ce dû aux récents scandales et aux accusations contre certains de ses membres d'être des agents d'influence russes, ainsi qu'aux déclarations controversées sur les SS de la tête de liste Maximilian Krah ?
Boyd Wagner : Lorsque les gens iront voter en Allemagne, le scandale des SS pourrait avoir un impact plus important. Il a provoqué l'exclusion de l'AfD du groupe d'extrême droite Identité et Démocratie au Parlement européen. Cela aura donc un effet sur le long terme.
Euronews : En France, la victoire écrasante de Jordan Bardella, du Rassemblement national de Marine Le Pen, semble acquise. La course à la deuxième place entre deux candidats pro-UE, Valérie Hayer de Renaissance et Raphaël Glucksmann du Parti socialiste, est passionnante. N'est-ce pas ?
Boyd Wagner : On peut voir le Parti socialiste en France faire de gros progrès sur les talons de Renaissance. Je pense que cela va devenir une préoccupation majeure pour Emmanuel Macron et son groupe. Je pense que Renaissance ne pourra pas se rapprocher du RN ; ils doivent s'assurer qu'ils resteront à la deuxième place et qu'ils ne laisseront pas les socialistes les talonner.
Euronews : Le Parti socialiste de Raphaël Glucksmann est-il une menace réelle pour la "majorité présidentielle" en France et en Europe ?
Boyd Wagner : Le parti Renaissance n'a pas intérêt à laisser les socialistes se rapprocher, comme c'est le cas actuellement, à un peu plus d'une semaine de l'élection. La liste Macron est à 16,6 %, et les socialistes à un peu moins de 14 %. Les deux partis sont donc très proches.
Euronews : L'Italie est l'autre pièce importante du camp ultra-conservateur d'extrême droite de l'UE. La Première ministre post-fasciste Giorgia Meloni occupe régulièrement la première place. Ces dernières semaines, nous avons assisté à un rapprochement prudent entre Mme Meloni (son parti est membre de l'ECR) et la numéro un de l'opposition française, Mme Le Pen (son parti est affilié à Identité et Démocratie). Pensez-vous qu'ils pourraient être tentés d'unir leurs forces, de créer un nouveau groupe et d'abandonner le projet d'une coalition conservatrice "pro-von der Leyen" (sans Le Pen) ?
Boyd Wagner : Je ne pense pas que Giorgia Meloni abandonne cette possibilité. Si nous incluons tout le monde, mis à part l'AfD - maintenant que le parti a été exclu du groupe Identité et Démocratie - vous avez 60 à 65 sièges de l'ID, et vous pouvez envisager plus de 80 sièges de l'ECR. Ensemble, ils deviennent un formidable potentiel numéro deux ; ils pourraient être plus importants que les sociaux-démocrates du S&D au Parlement européen. Et cela signifierait qu'il y aurait une droite forte qu'il faudrait prendre en compte.
Le PPE peut-il encore régler cela ? C'est une question qu'il doit examiner.
Euronews : Passons maintenant à l'Espagne. Selon le sondage Euronews, le Parti Populaire (PP) est légèrement en tête des sondages, suivi par le Parti socialiste, le PSOE. L'Espagne est-elle le dernier bastion des grands partis traditionnels ?
Boyd Wagner : Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) est le plus grand parti, celui qui gouverne actuellement en Espagne. Nous ne prévoyons pas qu'il soit le parti vainqueur. Mais on n'assiste pas à une montée de l'extrême droite Vox aussi forte qu'on aurait pu le penser.
Au lieu de cela, on assiste à une lutte entre les deux partis de l'establishment, le Parti Populaire et le PSOE. Et, à l'heure actuelle, il semble que ce soit le PP qui prenne la tête, mais ce n'est pas encore gagné.
D'après nos projections, le PPE et le PP en Espagne compteraient 25 députés, contre 20 pour le PSOE et le S&P. Encore une fois, c'est un cas unique.
Euronews : Le groupe PPE sera, semble-t-il, une affaire germano-polono-espagnole. Quelle est votre analyse à ce sujet ?
Boyd Wagner : Il est très clair qu'il sera dirigé par les Allemands et les Espagnols. Et, je pense qu'en troisième position, il y aura probablement les Polonais. Je pense que vous avez raison.
Je pense que sur le flanc oriental de l'Europe, les partis traditionnels devraient obtenir plus de voix qu'ils n'en avaient auparavant. Je pense donc que le PPE y obtiendra de meilleurs résultats.
Euronews : La Roumanie est un autre exemple intéressant dans l'art de la conception de coalitions politiques. Le prochain Parlement européen pourrait-il s'inspirer de la structure de l'actuelle coalition au pouvoir en Roumanie ?
Boyd Wagner : C'est bien possible. Nous prévoyons que le PPE soit le leader avec environ 11 membres dans le prochain Parlement européen. Nous prévoyons que le S&D suive de près avec neuf membres. Il y en a sept pour l'ECR. Enfin, le groupe Renew en compte cinq.
La particularité de la Roumanie, c'est qu'il y a également l'élection de leur propre Parlement national.
Euronews : J'en viens aux Pays-Bas. Vont-ils confirmer les résultats des récentes élections nationales ?
Boyd Wagner : Les Pays-Bas sont intéressants parce qu'ils ont mené leurs propres batailles internes pendant un certain temps, et il semble qu'ils arrivent à certaines conclusions.
Je pense qu'ils confirmeront leur propre gouvernement en temps voulu, très bientôt. Vous avez neuf eurodéputés néerlandais pour l'ID, c'est important.
Euronews : Et la Belgique ? Les élections fédérales auront lieu le même jour que les élections européennes.
Boyd Wagner : Il est toujours difficile de faire des projections sur la Belgique. Mais on constate également une forte progression de la droite, tout comme aux Pays-Bas et en France.
Ce sera très bien proportionné. En Flandre (région néerlandophone), nous verrons la plupart des électeurs pencher à droite. En Wallonie (région francophone), la proportion d'électeurs de gauche sera plus importante.
Euronews : En Hongrie, le parti ultra-conservateur Fidesz du Premier ministre Viktor Orbán est en tête des sondages, mais pour la première fois, un nouveau parti d'opposition semble se développer. Le mouvement de Péter Magyar pourrait-il devenir une menace politique pour Orbán ?
Boyd Wagner : Nous les plaçons actuellement à près de 20 % dans les sondages. C'est un chiffre très important pour un groupe qui n'est pas techniquement une opposition unie. Il y a deux ans, lors des dernières élections parlementaires nationales en Hongrie, ils se sont présentés en tant qu'opposition unie et ont obtenu plus de 30 % des voix. Mais cela n'a pas suffi pour remporter une victoire sur le Premier ministre Orbán.
Nous prévoyons toujours que le Fidesz obtiendra plus de 40 % des voix en Hongrie. Il conservera sa place de leader incontesté. En ce qui concerne Magyar, je pense que la plupart de ses électeurs viennent en fait des autres partis de l'ancienne opposition ou des autres partis d'opposition.