Édouard Philippe à Angers : un horizon bleu… Pour évacuer les premiers nuages dans la course à 2027 ?
POLITIQUE - Pas un nuage dans le ciel d’Angers. Ils seraient plutôt dans la salle des Congrès. Édouard Philippe conclut, ce vendredi 15 septembre, la rentrée de son parti Horizons dans la préfecture du Maine-et-Loire. Au total, une trentaine de parlementaires et 500 maires se sont réunis deux jours durant dans la ville du ministre Christophe Béchu, fidèle parmi les fidèles de l’aventure Philippiste, pour discuter éducation, écologie, illibéralisme.
Avant la star du jour, l’eurodéputée Nathalie Loiseau disserte sur la politique internationale, Christian Estrosi, maire de Nice, se fait le chantre de la décentralisation et le sénateur Claude Malhuret dresse l’éloge funèbre de la Nupes, qui serait, à écouter sa verve, à l’état du « don d’organe. » Le tout, devant une assemblée de quadra-quinquagénaires où seuls les profils des petites mains du parti tranchent avec les têtes blanches.
En somme, tous les voyants sont au bleu, du même bleu affiché en code couleur partout, pour l’ancien Premier ministre qui se déplie de son fauteuil sous les applaudissements et s’installe à la tribune. Le président « adoré », d’Horizons (selon les mots de Christian Estrosi et Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons à l’Assemblée), goûte son moment. Il est à domicile pour la nouvelle étape de sa rentrée littéraire, de son offensive médiatique… Et de sa course à 2027.
« Je vous aime »
« Il faut savoir rester modeste », s’applique à nous dire Pierre-Yves Bournazel quand on l’interroge sur la bonne passe de son chef, marqué par des sondages qui lui sont toujours plus flatteurs. « Il faut des fondations solides, une structure qui tient, et surtout rester humble face à une situation politique qui n’est pas simple, face aux défis importants qui attendent le pays », temporise-t-il, avec la mesure - apparente - et la discrétion chère aux philippo-jupéistes.
À la tribune, l’ancien locataire de Matignon ne dira rien de ces sondages. Ni de la course à l’élection présidentielle 2027, ou presque. Ni de son ambition personnelle. Juste, une petite boutade sur son livre Des lieux qui disent (JC Lattès) dont il assure la promotion depuis plusieurs jours et qu’il « conseille d’acheter » car « Noël approche et qu’on s’y prend toujours trop tard. » L’un des rares traits d’humour d’un discours fleuve. Une heure.
Loin du satisfecit que cette rentrée pourrait essaimer, sans doute malvenu face à une Élisabeth Borne assise au premier rang, l’ancien locataire de Matignon dresse la liste des préoccupations de la population, pour montrer qu’il en prend le pouls. Il brasse large et évoque les « combats » à mener, les « convulsions » de la société, comme une ébauche de programme ou de priorités. « Les Français sont inquiets », répète-t-il à de nombreuses reprises, face à l’insécurité, l’impuissance présumée de l’État, ou la baisse de leur pouvoir d’achat : « Si les plus nombreux (les classes moyennes) s’écrasent contre les murs de la société, elle les fait tomber. »
Dans la salle, l’assistance est conquise par ce discours de politique générale. Il faut dire que le principal orateur ne lésine pas pour convaincre son auditoire du jour, uniquement des élus, lâchant aux maires de son parti - et d’ailleurs - un « je vous aime » à l’accent chiraquien. Une déclaration d’amour répétée à plusieurs reprises. Pour mettre l’accent sur le parti des territoires qu’il essaie de bâtir ou pour dissiper les premiers doutes en interne ?
Cuisine interne, et plainte gênante ?
Car une petite musique de déception commence à monter chez certains élus qui suivent la route de Philippe : « On arrive parfois à se demander si nos discussions et nos débats en commission servent à quelque chose et si elles remontent vraiment au pôle central… », s’inquiète un élu expérimenté de l’Ouest. « Parfois on nous écoute, parfois non », abonde l’une de ses comparses, philosophe, dans la file d’attente de l’auditorium, avant les discours.
« On est le seul parti politique à leur donner cette place, à travers des groupes d’idées, pour que nos parlementaires s’appuient sur leur travail », répond le responsable des élections du parti, Pierre-Yves Bournazel, quand on lui évoque les exemples de remontrances ou de regrets qui ont émaillé les réunions des maires quelques heures plus tôt et qui nous sont revenus aux oreilles.
Un peu plus loin, le maire de Gauchy (Aisne), Jean-Marc Weber est au contraire très enthousiaste : « C’est un parti fait pour les élus et les territoires », assure l’élu, satisfait d’avoir pu évoquer les moyens à mettre dans l’éclairage public de ses rues avec le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Reste, malgré tout, un nuage potentiellement délicat. Sur le terrain judiciaire cette fois.
Au-delà des questions de cuisine interne, qui pourraient révéler un manque d’huile dans les rouages, il apparaît bien difficile de faire réagir un élu ou un lieutenant du maire du Havre à la plainte révélée jeudi soir visant Édouard Philippe. Selon Le Monde, une ancienne collaboratrice l’accuse de « contournement des règles de passation des marchés publics » pour l’exploitation de la Cité numérique de la ville normande. « Adviendra ce qui adviendra », nous glisse simplement son entourage. L’ancien Premier ministre, lui, se gardera bien de l’évoquer pendant son discours d’une heure. Pour que l’horizon reste bleu.
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