Écolo, engagé, controversé... Quel roi va être Charles III?

Le style du nouveau roi, Charles III, risque de trancher avec celui de sa mère, la reine Elizabeth II. Il pourrait être un souverain moins discret, mais aussi moins apprécié des Britanniques.

À l'heure où la plupart des gens songent à la retraite, Charles vient de commencer son "vrai" travail. Il est devenu roi, jeudi 8 septembre, à la mort de sa mère, la reine Elizabeth II. Charles Philip Arthur George, 73 ans, désormais Charles III, a la difficile tâche de succéder à une reine très appréciée des Britanniques, fédératrice et rassurante, un "phare", dans les périodes tourmentées, garante d'une certaines stabilité.

Personnage original, maniant l'humour et l'ironie comme une seconde nature, Charles promène depuis plus de 60 ans, sa silhouette un peu maladroite, d'inaugurations en rencontres officielles. Et se prépare à être roi depuis à peu près autant de temps.

Devenu prince de Galles à l'âge de 3 ans, lorsque sa mère est devenue reine, il a vécu une enfance à la fois assez solitaire - ses parents le laissent parfois de longs mois pour des voyages officiels - et sous l'œil du public.

Toute son enfance, son père, le prince Philip a tenté de l'endurcir, l'envoyant dans l'institution écossaise qu'il avait lui-même fréquentée enfant, et où Charles a été victime de harcèlement scolaire. Mais Charles, très proche de sa grand-mère, la "queen mother", est resté l'enfant doux et rêveur qu'il était, passionné de pêche, de campagne, d'art, et s'imaginant devenir acteur.

Un prince mal-aimé

Après cette enfance privilégiée mais pas franchement heureuse, son mariage avec Diana, en forme de conte de fée, tourne rapidement au fiasco. Il est jaloux de la princesse de Galles, bien plus populaire que lui, et surtout, il est toujours amoureux de Camilla Parker Bowles, son amour de jeunesse et sa maîtresse depuis des années, qu'il n'a pu épouser.

L'Eglise s'en mêle également. Pour l'archidiacre d'York, "le prince n'a pas respecté son serment devant Dieu": "S'il ne l'a pas respecté à cette occasion, comment pourrait-il aller à l'abbaye de Westminster et à nouveau prêter serment lors de son couronnement?"

Lors d'une interview événement en 1994, Charles confirme avoir trompé Diana et entretenu une relation extra-conjugale avec Camilla. A la question de savoir s'il s'est montré fidèle envers son épouse, le prince de Galles répond "oui"... "jusqu'à ce qu'il soit devenu clair que le mariage était un échec sans espoir".

L'interview de Diana à la BBC en 1995, révélant qu'ils ont "toujours été trois" dans ce mariage, puis la mort de la mort de la princesse en 1997, n'arrangent pas la popularité de Charles.

Les Britanniques ne lui pardonnent pas d'avoir rendue Diana malheureuse. La série The Crown, dont la 4e saison en mars 2021 révélait les dessous du mariage de Charles et sa liaison avec Camilla, a rouvert ces plaies, écornant l'image que le prince avait réussi à faire évoluer au fil des années.

Située dans les années 1980, cette quatrième saison "fait de Diana la victime et de Charles le méchant, alors qu’ils étaient tous deux victimes", avait expliqué l'année dernière à l'AFP, la spécialiste de la royauté Penny Junor.

S'il a fini par épouser Camilla en 2005, et par la faire accepter par les Britanniques, il n'a jamais conquis leur cœur. Est-ce son âge, sa gaucherie, ou ses passions trop bavardes jugée parfois à la limite de l'ingérence politique? Il n'était qu'à 56% d'opinions favorables dans un récent sondage YouGov en mai, loin derrière la reine (81%), son fils le prince William (77%) sa belle-fille Kate Middleton ou sa sœur la princesse Anne. Camilla plafonnait à 48% d'opinions positives.

Camilla, reine consort

Charles a réussi, ces dernières années, à réhabiliter son image et à faire accepter Camilla, un temps la femme la plus détestée d'Angleterre. "Sa position a certainement évolué et il y a eu un énorme et très long processus de réhabilitation depuis l'époque où elle était décrite comme un rottweiler à l'époque de Diana", estimait ainsi l'historienne spécialiste de la famille royale Anna Whitelock au Daily Express en novembre dernier.

Signe important de cette réhabilitation, la reine avait annoncé en février dernier, à l'occasion du 70e anniversaire de son accession au trône, que Camilla serait reine consort aux côté de Charles lorsqu'il deviendrait roi.

Lorsque le couple s'est marié en 2005, Clarence House avait émis un communiqué indiquant que Camilla deviendrait "princesse consort". Mais il s'agissait alors d'apaiser l'opinion publique, divisée sur l'union de Charles et Camilla, comme le rappellait le Sunday Times.

Selon Richard Fitzwilliam, expert de la royauté, "les gens se rendent compte que Camilla est idéale pour Charles et que l'équipe qu'ils forment marche merveilleusement".

Les passions de Charles

Homme de passions, Charles a occupé au mieux cette très longue attente, défenseur avant l'heure de l'environnement, amateur de médecines douces, passionné d'urbanisme durable et jardinier inspiré qui parle à ses arbres. Depuis 2007, il publie son "empreinte écologique" (total 3.133 tonnes de CO2 en 2020 contre 5070 en 2019).

Il est au total président ou bienfaiteur de plus de 420 organisations caritatives, dont la principale, le Prince's Trust, a aidé depuis sa création en 1976 plus d'un million de jeunes en difficulté. Ces passions l'ont mené à faire intrusion dans les affaires de l'Etat, et sortir parfois de son rôle.

Un roi intrusif?

Alors que la reine Elizabeth n'a jamais exprimé son opinion en public, le prince Charles n'a pas eu la même réserve. Il est ainsi beaucoup intervenu sur les sujets qui lui importent. "Il écrivait des mémos aux ministres et aux membres du gouvernement sur des sujets qui lui tenaient à cœur, sur l'écologie, sur l'architecture, ou sur le bien-être des soldats", souligne ainsi Sylvie Berman, consultante diplomatie sur BFMTV.

De l'équipement des troupes britanniques en Irak aux traitements grâce aux plantes médicinales, en passant par l'abattage des blaireaux pour lutter contre la tuberculose bovine, le prince Charles s'est fendu entre 2004 et 2005 de 27 lettres manuscrites à destination du gouvernement travailliste de Tony Blair.

Baptisées "black spider memos" en raison de l'écriture si particulière du prince - truffée de points d'exclamations et de ratures - ces lettres ont été rendues publiques en 2015 sur décision de justice, 10 ans après la révélation de l'affaire par le quotidien de gauche The Guardian.
Si elles ne contiennent aucune révélation fracassante, ces lettres mettent à mal le principe de neutralité, qui impose au futur monarque de s'abstenir de toute ingérence dans la politique du gouvernement issu d'élections démocratiques.

"Là il suivra la règle, en étant moins interventionniste, mais peut-être du fait de sa personnalité et de ses compétences, il sera peut-être tenté de jouer un rôle, non pas politique, mais différent de celui de la reine, analyse Sylvie Berman .

En 2018, le prince Charles avait d'ailleurs déclaré dans une interview à la BBC: "Le rôle de monarque et celui de prince de Galles sont totalement différents. Je ne serai pas un roi intrusif. Je ne suis pas aussi stupide".

Eclaboussé par des affaires

En 2021, le prince Charles est éclaboussé par une affaire qui touche sa fondation. Des intermédiaires sont soupçonnés d'avoir monnayé accès au prince ou faveurs pour obtenir des titres honorifiques pour de riches donateurs.

L'ancien valet adjoint du prince Charles, Michael Fawcett, est soupçonné d'avoir usé de son influence pour aider l'homme d'affaires saoudien Mahfouz Marei Mubarak bin Mahfouz, généreux donateur à des oeuvres caritatives liées à la monarchie britannique, à obtenir une décoration.

Selon le Sunday Times, M. Mahfouz, 51 ans, a été fait commandeur de l'Empire britannique par le prince Charles lors d'une cérémonie privée à Buckingham Palace en novembre 2016, un événement qui n'avait pas été publié dans la liste officielle des engagements royaux. Bénéficier d'une telle distinction permettait d'appuyer la demande de nationalité britannique du Saoudien. M. Mahfouz, qui nie toute faute, aurait donné de fortes sommes d'argent à des projets de restauration intéressant particulièrement le prince de Galles, selon l'hebdomadaire. Michael Fawcett démissionne en novembre 2021.

La presse révèle que la fondation du prince Charles aurait accepté de recevoir plusieurs centaines de milliers d'euros d'un donateur russe, entraînant l'ouverture d'une enquête de l'organisme indépendant qui régule l'activité des associations caritatives en Ecosse. Le président de la fondation Douglas Connell a démissionné, tout en se défendant de toute faute.

Enfin, en juillet dernier, le Sunday Times a également révélé que le prince Charles aurait accepté un don d'un million de livres sterling - environ 1,1 million d'euros - destiné à sa fondation et versé par deux membres de la famille d'Oussama Ben Laden.

Article original publié sur BFMTV.com

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