À la Sorbonne, Emmanuel Macron livre (quand même) un discours de campagne pour les européennes

Pourquoi le discours de Macron à la Sorbonne ressemblait quand même à un discours de campagne
CHRISTOPHE PETIT TESSON / AFP Pourquoi le discours de Macron à la Sorbonne ressemblait quand même à un discours de campagne

POLITIQUE - Ceci n’est pas un meeting. Mais tout de même. Emmanuel Macron a prononcé un discours-fleuve sur l’Europe ce jeudi 25 avril dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, là où il avait tenu une première adresse sur le sujet il y a sept ans. Officiellement, le chef de l’État français venait présenter ses ambitions pour le Vieux Continent et les années à venir. Officiellement…

Dans son discours de la Sorbonne, Emmanuel Macron persiste et signe face à la Russie

En réalité, le président candidat a profité de cette occasion rêvée pour entrer de plain-pied dans la campagne des élections européennes, sans le dire vraiment. À l’offensive pendant près de deux heures, Emmanuel Macron a vanté son propre bilan, alerté sur les dangers qui guettent l’Europe et dessiné les contours d’un programme pour y répondre.

Une façon de mettre la lumière sur le projet de réforme que porte son camp, à l’heure où les « temps sont troubles. » Comprendre : au moment où sa candidate Valérie Hayer est à la peine dans les sondages. Et où les idées eurosceptiques, incarnées par la liste de Jordan Bardella en France, ont le vent en poupe.

Dramatiser les enjeux

Le président de la République a donc insisté sur les choix « à faire maintenant » face au danger « immense d’être fragilisé voire relégué ». Quitte à dramatiser ou à insister sous la forme de cet avertissement : « notre Europe peut mourir. » Une formule qu’il a répétée à plusieurs reprises et sur divers sujets. Ainsi, l’Europe vacillera « si elle ne tient pas ses frontières » ou si « elle reste dépendante d’autres puissances. » Une façon de marquer les esprits et de mobiliser son camp.

En ce sens, Emmanuel Macron a longuement évoqué le risque de décrochage économique face à la Chine ou les États-Unis, mais également les enjeux de défense avec la guerre que mène la Russie en Ukraine et les risques que le Kremlin fait peser sur la sécurité de l’Europe.

« Les événements les plus récents ont démontré l’importance des défenses antimissiles, des capacités de frappe dans la profondeur (...) face à des adversaires désinhibés », a notamment illustré le président de la République, appelant l’UE à se doter d’une « défense européenne crédible ». Ce qui passe (entre autres) par la mise sur pieds d’une capacité commune en matière « de cybersécurité et de cyberdéfense » ou par l’instauration d’une « préférence européenne dans l’achat de matériel militaire ». Et pourquoi pas, pour atteindre cet objectif, s’endetter ensemble, comme lors du Covid.

Soucieux de défendre son bilan et ses idées, Emmanuel Macron n’a pas hésité à revenir par petites touches, sur les quelques sujets qui agitent la campagne des européennes en France. Concernant le libre-échange par exemple, il s’est fait le premier défenseur de l’accord avec le Canada (le « Ceta ») en critiquant la « démagogie » de ceux qui « tombent dans le rejet de tout accord commercial ». « Je suis chagrin de ce que j’ai pu voir dans le débat français », a-t-il ainsi lancé.

« Le 9 juin, les Européens ont le choix »

Mais parmi ces propos très politiques ce jeudi, le chef de l’État s’est fait virulent avant tout contre « les nationalistes » ou les « antieuropéens », qui prônent une sorte de désengagement au niveau du continent. Pour lui, l’Europe fait face à une « menace existentielle » alors qu’elle « pense son déclin » et « ne s’aime pas » à nouveau.

« Vous l’avez compris, nous vivons un moment décisif. (...) Les nationalistes ne proposent plus de sortir de l’immeuble, ils proposent juste de ne plus avoir de règle de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer le loyer », a ainsi fustigé le président de la République, avant d’ajouter, virulent : « La réponse n’est pas dans le constat de dire les nationalistes montent partout, la réponse c’est de dire on a le choix. Cette année les Britanniques, les Américains vont choisir leur avenir. Le 9 juin, les Européens aussi. »

Enfin, Emmanuel Macron ne s’est pas privé pour donner à son allocution des airs de discours programmatique. « Choc d’investissement commun », numérique, biodiversité, environnement, « Europe de l’atome », souveraineté industrielle… Sans reprendre le slogan « Besoin d’Europe » utilisé par son camp, le chef de l’État a déroulé le logiciel macronien en la matière, offrant ainsi une exposition incomparable aux idées portées par sa candidate Valérie Hayer.

Difficile, dans ces conditions, de ne pas lier ce discours de deux heures (ou presque) à la campagne électorale. De près ou de loin. Qui plus est avec la scénographique qui accompagnait le chef de l’État, puis les selfies et le bain de foule qui ont conclu sa prise de parole. Dans ce contexte, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ainsi que l’Arcom sont appelées à trancher. Le président Les Républicains Éric Ciotti annonce les avoir saisies pour réclamer le décompte de cette prise de parole de la campagne de Renaissance.

À voir également sur Le HuffPost :

Avec le Variétés Club de France, Emmanuel Macron a été buteur mais surtout tacleur

Europe : un eurodéputé slovaque relâche une colombe en plein milieu du Parlement pour appeler à la paix