À Mayotte, la pénurie d’eau oblige le gouvernement français à dévoiler un « plan Marshall »

En attendant la saison des pluies attendue d’ici novembre sur l’archipel, le ministre délégué aux Outre-mer a dévoilé une série de mesures d’urgence pour éviter une crise sanitaire.

Une photo prise le 23 mai 2023 à Koungou où un habitant rempli des jerricanes d’eau potable près du bidonville du quartier « Talus 2 ».
Une photo prise le 23 mai 2023 à Koungou où un habitant rempli des jerricanes d’eau potable près du bidonville du quartier « Talus 2 ».

FRANCE - Face à la sécheresse la plus importante depuis 1997, le gouvernement a dû sortir les grands moyens. Le ministre délégué aux Outre-mer Philippe Vigier a dévoilé ce samedi 2 septembre à Mayotte, où l’eau est sévèrement rationnée, le plan du gouvernement pour éviter une crise sanitaire face aux pénuries d’eau.

Et pour faire face à cette situation, le ministre a annoncé « un véritable plan Marshall pour Mayotte ». Pour cela, des bouteilles d’eau gratuites pour les publics fragiles vont être distribuées et des citernes d’eau potabilisée ainsi que des rampes d’eau vont être installées en urgence.

Cette île de l’océan indien est en effet soumise à sa plus importante sécheresse depuis plus de 25 ans alors que son approvisionnement dépend essentiellement des eaux pluviales. Mais depuis plusieurs mois, l’eau est distribuée au compte-goutte aux habitants de l’île, soit 300 000 personnes selon l’Insee, sans compter la population de sans-papiers.

Pour ménager les ressources restantes avant la prochaine saison des pluies qui n’arrivera pas avant novembre, les autorités ont encore resserré la vis depuis lundi en ne donnant plus accès à l’eau potable qu’un jour sur trois.

« Toutes les personnes qui sont vulnérables, notamment les femmes enceintes, les enfants, bénéficieront chaque jour d’une distribution d’eau, deux litres par personne. Il y a déjà 30 000 personnes qui ont été identifiées », a ainsi assuré Philippe Vigier, ajoutant que la liste des publics bénéficiaires sera affinée avec l’Agence régionale de santé et les communes de l’archipel.

Quinze citernes seront dans les jours qui viennent réparties sur le territoire et remplies grâce à une « station de traitement de l’eau » pour qu’il y ait « zéro risque sanitaire ». Une situation d’urgence qui implique d’ailleurs un budget d’urgence chiffré à 2,5 millions d’euros, a fait savoir le ministre délégué aux Outre-mer.

« De plus, 200 rampes d’eau vont être déployées sur le territoire », a-t-il ajouté. « Ça, c’est l’urgence », a-t-il expliqué avant de rappeler les travaux en cours, « un travail considérable à faire sur les fuites, sur l’interconnexion », entre le nord et le sud moins riche en eau, d’ici la fin octobre.

La hausse de la capacité de l’usine de dessalement est quant à elle prévue pour novembre, et cinq ingénieurs ont également été dépêchés auprès du syndicat des eaux pour l’accompagner au niveau ingénierie, selon le cabinet du ministère.

Pas de résolution à long terme

Bien qu’exceptionnelle, cette sécheresse à Mayotte est loin d’être une première. Après une première grave crise en 1997, le deuxième épisode majeur de sécheresse remonte à 2017, concentré sur la partie sud de Grande Terre, l’île la plus étendue de Mayotte. Et une nouvelle sécheresse a frappé l’archipel en 2020, dans des proportions similaires à 2017.

Des crises qui sont d’ailleurs accentuées par la déforestation -qui empêche les nappes phréatiques de se recharger- et la démographie galopante à Mayotte. De plus, les décisions prises en urgence pour subvenir au besoin en eau de la population mettent à mal une résolution complète du problème.

C’est ce que souligne notamment mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) de Mayotte qui regrette que « ces actions ont chaque fois été engagées dans l’urgence ». Ils citent pour cela l’exemple de l’usine de dessalement inaugurée en 1998 (qui fournit 8 % de l’alimentation en eau de l’île) mais qui n’a jamais tourné à plein régime, la faute à des problèmes de conception. Pire, les travaux d’extension décidés en 2017 ne sont toujours pas achevés.

À plus long terme, le préfet chargé de gérer la crise de l’eau à Mayotte, Gilles Cantal, a toutefois annoncé la semaine dernière la mise en chantier d’une deuxième usine de dessalement et assuré que le projet d’une troisième retenue collinaire était toujours d’actualité.

VIDÉO - Mayotte: Talus 2 est le premier bidonville à être détruit dans le cadre de l'opération "Wuambushu"