À Mayotte, la démolition du bidonville Talus 2 commence après un mois de suspension
Dans le cadre de l’opération « Wuambushu », les autorités ont débuté le « décasage » de Talus 2, le plus grand bidonville de Mayotte. Sur place, les habitants désespèrent.
MAYOTTE - Un mois après la suspension, le « décasage » commence à Mayotte. À la faveur d’une nouvelle décision de justice, les pelleteuses sont entrées en action ce lundi 22 mai pour démolir les cases en tôle insalubres de Talus 2, l’un des plus importants bidonvilles de ce territoire français de l’océan Indien, département le plus pauvre de France.
L’intervention a commencé vers 07 h 30 locales (06 h 30 à Paris) dans le quartier de Majicavo, sur la commune de Koungou (nord). Il signe le vrai départ de l’opération sécuritaire « Wuambushu », qui était quasiment au point mort depuis son lancement il y a près d’un mois.
Entre les cases du bidonville, les habitants tentent de préserver ce qu’ils peuvent avant la destruction totale de leurs habitations. « On est en train de voir tout ce qu’on peut sauver », se désole Ahmed Daoud, marteau et pince coupante à la main. En situation régulière, le gaillard de 50 ans, en sueur de devoir démonter la tôle, affirme que les autorités françaises lui ont proposé un relogement à Chembenyoumba, à l’autre bout de Grande-Terre, principale île de ce département français de l’océan Indien.
Réduire l’habitat insalubre et expulser les migrants
« Les enfants ne peuvent pas être scolarisés, à deux mois des vacances. Je préfère qu’on reste ici, que les enfants continuent d’aller à l’école. On peut dormir sur la terrasse », soupire-t-il.
Les autorités ont déployé depuis avril des centaines de policiers et gendarmes à Mayotte, 101e département et le plus pauvre de France, pour préparer et mener une série d’interventions regroupées sous le nom de Wuambushu (« reprise » en mahorais). L’opération vise à réduire l’habitat insalubre et à expulser les migrants en situation irrégulière, pour la plupart venus de l’archipel des Comores voisines.
Prévue initialement pour le 25 avril, la démolition de l’important bidonville baptisé Talus 2 avait été suspendue par le tribunal administratif, avant que deux nouvelles décisions de justice ne donnent raison à l’État, la dernière datant de mercredi. Il s’agit de « décaser », c’est-à-dire démolir, 135 cases en tôle dans ce quartier informel, sur un millier de logements insalubres promis à la destruction dans les prochains mois à Mayotte.
« Là on va détruire toute ma vie »
Les va-et-vient s’enchaînent dans les chemins sinueux de Talus 2, où les portes des habitations sont marquées à la peinture rose. Des femmes remplissent des sacs de vêtements pendant que des hommes descendent de la tôle quasi neuve et des planches de bois.
Une mère âgée de 70 ans et sa fille sont assises, l’air perdu dans ce bidonville qu’elles connaissent depuis près de 30 ans. Elles désignent du doigt leur maison en dur, construite dans les hauteurs de Talus 2. « Beaucoup des personnes qui sont parties m’ont dit que leurs enfants ne vont pas à l’école. J’ai cinq enfants, je ne sais pas s’ils seront scolarisés. Et ils n’ont pas de proposition de relogement pour ma mère. Donc je préfère rester ici pour l’instant », confie la jeune femme en foulard noir et tenue orange, qui préfère garder l’anonymat.
Un peu plus haut, après des escaliers colorés, Fatima Youssouf erre devant son habitation, sans savoir par où commencer. « Là on va détruire toute ma vie. On casse ma maison, mes biens. On casse tout. Il vaut mieux que j’enlève tout », soupire la femme de 55 ans originaire des Comores, arrivée par voie légale et cumulant deux jobs pour vivre.
Tôt lundi matin, des gendarmes équipés de pied de biche sont entrés dans les habitations pour vérifier que personne ne se trouvait à l’intérieur avant le début des démolitions. L’électricité et l’eau ont été coupées.
La démolition de Talus 2 « devrait durer toute la semaine », a précisé devant la presse Psylvia Dewas, chargée de la résorption de l’habitat illégal à la préfecture de Mayotte. Il s’agit de détruire 135 cases en tôle dans ce quartier informel, sur un millier de logements insalubres promis à la destruction dans les prochains mois à Mayotte.
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