À l’école, « l’arrivée des IA suppose de repenser le rôle des enseignants », selon cette chercheuse

ÉDUCATION - L’IA s’est frayée une place de choix dans le vaste plan pour relever le niveau des élèves présenté par Gabriel Attal ce mardi 5 décembre 2023. Le ministre de l’Éducation a annoncé, entre autres, la mise à disposition d’un outil d’intelligence artificielle pour les élèves de classes de seconde.

Quelque 200 000 élèves disposeront donc dès le mois de février de « MIA Seconde » (Modules interactifs adaptatifs) pour réviser dans deux matières clés : le français et les mathématiques. Un logiciel utilisé à la maison, fort de 20 000 exercices, avec la possibilité d’un contrôle à distance par les enseignants.

Pour Fabienne Serina-Karsky, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à la faculté d’éducation et de formation de l’Institut Catholique de Paris, cette mesure s’inscrit dans une ère où les IA sont amenées à être de plus en plus présentes. L’arrivée de cet outil soulève des questions, notamment autour du rôle de l’enseignant.

Le HuffPost. Gabriel Attal vient d’annoncer la mise en place d’un outil d’intelligence artificielle à destination des élèves de seconde pour aider à la remise à niveau à travers des exercices de maths et de français. Que pensez-vous d’une telle mesure ?

Fabienne Serina-Karsky. Elle s’inscrit dans un continuum. Cette mesure est en lien avec le plan d’action de la Commission européenne et avec la stratégie du numérique et de l’éducation, présentée par Pap N’Diaye début 2023. Cette dernière vise à renforcer les compétences numériques des élèves, accélérer l’usage des outils, etc. C’est aussi une mesure qui s’inscrit dans l’accompagnement personnel : c’est un outil de remédiation et d’approfondissement qui s’adaptera au niveau de chaque élève.

Quels pourraient être les risques d’une telle initiative ?

Ne pas comprendre comment sont faites ces machines et manquer d’esprit critique. Cela peut entraîner un sentiment de dépassement. Mais cela n’a pas lieu d’être à partir du moment où on comprend ces outils. Les enseignants peuvent eux aussi se retrouver démunis car ils n’ont pas été formés et ne maîtrisent pas les outils. La méfiance et les mythes qui entourent l’intelligence artificielle peuvent aussi avoir un impact. Il y a également une vigilance à avoir sur les élèves. Ceux qui sont issus de familles favorisées peuvent bénéficier d’un accompagnement à la maison que n’auront peut-être pas des enfants de familles défavorisées. Ce qui peut créer un décalage.

La mise en place d’un tel logiciel (et l’arrivée massive d’autres outils IA comme ChatGPT) ne nécessitent-elles pas une éducation aux nouvelles technologies pour les élèves en parallèle ?

L’arrivée des IA suppose de repenser le rôle des enseignants : ils devront être formés pour accompagner au mieux les élèves. À terme, le but est que les jeunes apprennent à se servir de ces outils avec un esprit critique. Si les IA ont beaucoup de connaissances, elles n’apportent pas de réflexions et ne sont pas créatives. Nos jeunes ne doivent pas être dépassés par ces machines et doivent s’en servir au mieux. Une éducation à l’intelligence artificielle doit donc être mise en place dans les années qui viennent pour accompagner au mieux les élèves. Et l’enseignant doit pouvoir dispenser cette éducation dans le cadre de son cours.

Justement, avec ce nouvel outil, comment s’articulent les rôles de l’enseignant et des IA dans l’apprentissage ?

Ici, l’IA sera un outil de remédiation et pas d’apprentissage qui proposera des exercices répétitifs adaptés au niveau de chaque élève, afin qu’il s’améliore. L’enseignant est là pour lui apporter les savoirs et lui donner les moyens de les acquérir. C’est une posture pédagogique que la machine ne peut pas avoir. La machine est un appui pour le travail de l’enseignant, mais elle ne le remplacera pas. On demande à nos élèves d’apprendre des choses qu’ils utiliseront dans leur vie professionnelle et leur vie d’adulte. C’est-à-dire qu’ils puissent développer un esprit critique qui leur permettra de savoir quelles connaissances utiliser à quel moment. Et ce n’est pas une machine qui va leur apprendre.

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