À Cannes, « Maria » montre que le silence était déjà roi, 50 ans avant le #MeToo du cinéma

Anamaria Vartolomei, ici dans « Maria » de Jessica Palud.
Guy Ferrandis Anamaria Vartolomei, ici dans « Maria » de Jessica Palud.

CINÉMA - Bien avant Adèle Haenel, Judith Godrèche ou Charlotte Arnould, il y a eu Maria Schneider. Ce mardi 21 mai, un film délicat retraçant le destin brisé de l’actrice française - 50 ans avant la naissance du mouvement #MeToo du cinéma en France - a été projeté au Festival de Cannes.

Le film s’intitule Maria et a été réalisé par Jessica Palud, cinéaste et scénariste du film Revenir avec Adèle Exarchopoulos. Dans celui-ci, c’est Anamaria Vartolomei qui incarne celle dont la carrière et la vie ont été détruites après son rôle dans Le dernier tango à Paris, de Bernardo Bertolucci.

« On m’a prise par surprise »

Le long-métrage n’élude rien de la scène qui, en 1972, a fait polémique. On voit Marlon Brando (incarné par l’Américain Matt Dillon) utiliser une motte de beurre en guise de lubrifiant pour sodomiser Maria Schneider, 19 ans à l’époque. Allongée à plat ventre sur le sol, elle ne bouge plus. Elle est en état de choc, elle pleure. Autour d’elle, le réalisateur et l’équipe la regardent. Personne ne réagit ou ne demande à stopper cette séquence insoutenable. Le silence a envahi le plateau. Maria, elle, se relève et s’enfuit dans sa loge.

Cette scène n’était pas prévue au scénario. Elle a été discutée sans l’avis de l’actrice quelques minutes plus tôt entre Brando et Bertolucci. C’est ce que Maria Schneider a déclaré dans la presse au moment de la promotion du film, dénonçant par là même des conditions de tournage humiliantes.

Et c’est ce que raconte Maria Schneider dans Maria : « On m’a prise par surprise. Je n’ai pas joui. Mes larmes étaient vraies. Ils ne m’ont pas laissé le choix », y explique l’actrice à un journaliste. Cette parole n’est pas prise au sérieux ni même écoutée. Pire son agent lui demande de ne plus parler de tels abus. Dans les journaux, Maria Schneider est moquée, insultée et stigmatisée.

Maria, un portrait sensible

Cela « s’inscrit dans une époque où il était impossible de remettre en cause la parole, la position de certains réalisateurs, de l’artiste tout-puissant, raconte Jessica Palud dans les notes de production du film Maria. On n’évoquait pas la place de la femme dans le cinéma, ni les dérives que l’on passait sous silence au nom de l’art. »

Son film, pour lequel elle a eu accès au script original du Dernier tango à Paris, est très documenté. Il rappelle qu’après ce tournage, la carrière de Maria Schneider s’est vue brisée. Seuls des rôles lui demandant de se dénuder lui ont ensuite été proposés, à quelques exceptions près, comme Profession : reporter de Michelangelo Antonioni ou Merry-Go-Round de Jacques Rivette.

Alcool, héroïne, overdoses… Détruite, Maria Schneider a ensuite connu une longue descente aux enfers, sans pour autant se résumer à ça. Le film de Jessica Palud pose un regard sain et admiratif sur le destin de l’actrice, mettant en avant une vie en demande d’amour et de respect, qu’elle trouvera difficilement, si ce n’est dans sa rencontre amoureuse avec une jeune étudiante du nom de Noor. Un portrait sensible à retrouver au cinéma, le 19 juin.

À voir également sur Le HuffPost :

Festival de Cannes : dans « Marcello Mio », Catherine Deneuve est pleine d’autodérision et c’est savoureux

Festival de Cannes : Dans « Les Linceuls », Vincent Cassel et sa garde-robe sont ce qu’il y a de plus captivant