À Cannes, « Kinds of Kindness » comporte trois films en un, mais ce n’est étonnamment pas indigeste

Margaret Qualley, Jesse Plemons et Willem Dafoe dans « Kinds of Kindness »
Searchlight Pictures Margaret Qualley, Jesse Plemons et Willem Dafoe dans « Kinds of Kindness »

FESTIVAL DE CANNES - Le nouveau projet du réalisateur grec fraîchement oscarisé est l’un des films les plus attendus de ce 77e Festival de Cannes. C’est un ovni divisé en trois parties, qui se déguste non sans curiosité. Yórgos Lánthimos a une nouvelle fois choisi de s’entourer de sa muse Emma Stone et de Willem Dafoe, entre autres, pour donner vie à des personnages pour le moins perturbés. Nous avons vu Kinds of Kindness à Cannes ce vendredi 17 mai, et il est plein de saveurs.

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Si vous avez vu Pauvres Créatures, La Favorite, ou encore The Lobster, vous le savez : lorsqu’on pénètre dans une salle de cinéma pour voir un film de Yórgos Lánthimos, on ne sait jamais à quoi s’attendre. Kinds of Kindness ne fait pas exception à la règle.

Le long métrage est divisé en trois chapitres ou trois épisodes, qui n’en sont pas vraiment puisqu’ils n’ont rien à voir ou presque les uns avec les autres : les histoires qu’ils racontent sont différentes, les personnages également. Et pourtant, ces trois morceaux s’imbriquent parfaitement pour former un ensemble non seulement cohérent, mais fluide et indivisible.

Les trois parties de Kinds of Kindness

Le premier tiers suit le destin de Robert, employé (trop) modèle qui ne vit que pour servir les désirs de son patron Raymond. Même les plus absurdes. Un jour, Robert décide que les exigences de ce dernier vont trop loin et décide de tout raconter à sa femme. Sa vie bascule en un claquement de doigts.

La seconde partie de ce triptyque se penche sur un couple en apparence bien sous tous rapports. Daniel est policier et vit dans l’angoisse suite au naufrage du bateau de sa femme biologiste et chercheuse. Son retour va faire basculer leur vie.

Le troisième et dernier tiers de Kinds of Kindness plonge les spectateurs au cœur d’une secte. Andrew et Emily, deux fidèles, sont à la recherche d’une jeune femme très spéciale, destinée à changer le monde.

Le fil rouge de Kinds of Kindness

Sur le papier, ces trois récits n’ont rien en commun. Et pourtant, tous racontent à leur manière des histoires d’amour et de dépendance affective, et de gentillesse dans ce qu’elle peut avoir de plus tordu. Celles d’hommes et de femmes profondément brisés, qui cherchent l’approbation et la reconnaissance de l’autre - qu’il s’agisse d’un ami, d’un amant, d’un gourou, d’un patron - ou au contraire, la fuient.

Emma Stone et Joe Alwyn dans « Kinds of Kindness »
Atsushi Nishijima / Atsushi Nishijima Emma Stone et Joe Alwyn dans « Kinds of Kindness »

Et puis il y a le casting. Yórgos Lánthimos a confié les rôles aux mêmes comédiens qui effectuent au fil du film des métamorphoses. Emma Stone qu’il a déjà dirigée dans La Favorite et Pauvres Créatures, Jesse Plemons récemment vu dans Civil War, Willem Dafoe qui était son Dr. Frankenstein dans Pauvres Créatures, mais aussi Margaret Qualley, Hong Chau, Hunter Schafer ou encore Mamoudou Athie.

Il est par ailleurs impossible de perdre le fil grâce aux nombreux éléments très spécifiques à la réalisation de Yórgos Lánthimos. Les passages en noir et blanc, les nombreux (très) gros plans sur des objets ou des visages, la prégnance de la musique et notamment du piano, mais aussi le travail sur la lumière et les couleurs.

Et il faut le reconnaître, Kinds of Kindness est aussi par moments très drôle, tirant au public, par l’absurde, des rires parfois gênés, parfois choqués, mais des rires tout de même, particulièrement dans le premier tiers.

Un menu en trois plats avec du liant

S’il est impossible ou presque de diviser ce film en trois sous parties, c’est aussi car il existe entre ces différents chapitres de très nombreux points communs et thèmes récurrents, autres que l’amour.

La nourriture en est un, mis beaucoup plus en avant dans le tiers du milieu, au risque d’en donner quelques nausées. Autres thèmes qui reviennent à plusieurs reprises : la gémellité, le sexe et la fluidité de ce qui définit un couple, la parentalité et la filiation également. C’est une anthologie complète, solide, sans aucun doute destinée à provoquer un public qui adoube le réalisateur depuis plusieurs années maintenant, comme le montrent plusieurs scènes volontairement choquantes.

Une chose est sûre, Kinds of Kindness ne laissera personne sur sa faim. Mais le menu unique en trois plats proposé par Yórgos Lánthimos avec ce film ne sera sans doute pas du goût de tout le monde.

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