À Cannes, « Les Graines du figuier sauvage », film sur le pouvoir des femmes iraniennes, a tout d’une Palme d’or

Soheila Golestani, Mahsa Rostami et Setareh Maleki, ici dans « Les Graines du figuier sauvage ».
Pyramid Films Soheila Golestani, Mahsa Rostami et Setareh Maleki, ici dans « Les Graines du figuier sauvage ».

CINÉMA - « Femme, vie, liberté. » Ce vendredi 24 mai, le mouvement de soutien au peuple iranien a résonné haut et fort au Festival de Cannes, où a été présenté en compétition Les Graines du figuier sauvage, dernier long-métrage de Mohammad Rasoulof, cinéaste iranien de 52 ans en fuite.

L’histoire de ce nouveau film tourné clandestinement, c’est celle d’une famille de classe moyenne de Téhéran, dont le patriarche vient d’être nommé enquêteur. Si aux yeux de ses deux filles, c’est un fonctionnaire comme un autre, dans la réalité ce nouveau poste l’intègre aux rouages de la justice répressive de son pays.

Et alors que le mouvement de protestation éclate dans le pays contre l’actuel régime autoritaire en place, sa hiérarchie lui confie une arme à feu pour qu’il se protège. Rangée soigneusement dans le tiroir de sa table de chevet, elle disparaît un beau jour.

Un thriller inattendu

C’est impossible. Qui a bien pu la voler ? C’est forcément l’une de ses filles. Et très certainement la plus grande. Sa nouvelle meilleure amie a été aperçue dans l’une des manifestations. Et s’il s’agissait en réalité de sa propre épouse ? Malgré les vingt ans de vie commune, le mari est tracassé. Et très vite, il sombre dans la paranoïa.

Comme ceux de beaucoup d’autres alliés du régime, son nom et son adresse viennent de fuiter sur les réseaux sociaux. Il est certain qu’on veut sa peau. Il embarque alors femme et enfants avec lui en direction de la campagne, où il sera sans doute plus en sécurité. Au programme du road trip familial improvisé : course-poursuite en voiture, séquestration et chasse à l’homme. Les deux jeunes femmes et leur mère - pourtant loin d’être une révolutionnaire - s’unissent dans ce qui est en train de se transformer en un étonnant thriller.

Standing ovation de plusieurs minutes, applaudissements et cris du cœur… À l’issue de la projection cannoise où nous étions, Mohammad Rasoulof et une partie de l’équipe, qui a pu se déplacer jusqu’ici, ont reçu un accueil hors du commun. Et on comprend pourquoi. Le nouveau film du réalisateur d’Au Revoir prône haut et fort le pouvoir et l’impact des femmes iraniennes dans le mouvement actuel de dénonciation du régime et de l’oppression.

Un sérieux candidat à la Palme d’or

Car derrière le pitch que l’on vient de décrire, se trame un film social bouleversant qui, à coups de véritables vidéos filmées au téléphone (souvent sanglantes) pendant les émeutes, nous empêche de détourner le regard de l’écran et de la situation en Iran. Le spectateur revit l’actualité, comme peut en témoigner l’évocation frontale de la disparition de Mahsa Amini, cette étudiante d’origine kurde arrêtée quelques jours avant sa mort parce qu’on lui reprochait d’avoir mal ajusté son voile.

Condamné à la veille du Festival de Cannes à huit ans de prison pour « collusion contre la sécurité nationale », Mohammad Rasoulof a bien failli ne pas être présent, ce vendredi. Alors même qu’il a longtemps fait partie de ces artistes iraniens restés sur place, le cinéaste a récemment pris la fuite, sans son passeport (confisqué par les autorités en 2017).

Passé par l’Allemagne (où il devrait obtenir asile), il est arrivé il y a quelques jours en France. Ce samedi, date de la cérémonie de clôture de cette 77e édition du festival, son film Les Graines du figuier sauvage est un sérieux candidat à la Palme d’or.

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