À Boutcha en Ukraine, des cadavres photographiés depuis plusieurs semaines

Les journalistes du "New York Times" mettent à mal la défense des Russes, qui assurent que les Ukrainiens ont mis en scène la désolation dans la ville proche de Kiev.

GUERRE EN UKRAINE - Au cœur de la guerre de communication entre la Russie et l’Ukraine. Depuis le début de l’invasion, à mesure que les Ukrainiens dénoncent les exactions commises par l’envahisseur, ce dernier n’a de cesse de nier. Une attitude qui se retrouve encore une fois après la retraite de Boutcha, non loin de Kiev, où des dizaines de cadavres de civils ont été découverts, choquant le monde.

Lundi 4 avril, Volodymyr Zelensky est allé jusqu’à dénoncer un “génocide” et des “crimes de guerre”, alors que le monde occidental réclame une enquête sous l’égide de l’ONU face au faisceau d’indices concordants.

De son côté, le Kremlin répète inlassablement ses dénégations, assurant que l’Ukraine a “mis en scène” ses macabres découvertes de civils abattus avec les mains liées dans le dos. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a même promis des révélations ce mardi 5 avril, expliquant qu’il s’apprête à dévoiler des documents faisant le jour sur cette sordide affaire.

Des cadavres qui apparaissent à la mi-mars

Sauf que pour la première fois de l’Histoire, les belligérants sont loin d’être les seuls à disposer d’une capacité à prendre des images sur les lieux d’affrontements. La preuve avec les dernières révélations des journalistes du New York Times.

Ce lundi 4 avril, le média new-yorkais a effectivement mis en ligne une enquête fondée sur des clichés pris par l’entreprise Maxar, spécialiste de l’imagerie satellite.

Des photographies sur lesquelles on voit clairement, qu’au cœur de l’occupation russe de Boutcha à la mi-mars, des cadavres jonchaient déjà les rues de la bourgade. Et qu’ils se trouvaient à l’endroit même où les Ukrainiens les découvriront près de deux semaines plus tard, lorsqu’ils pénétreront dans la ville désertée par des troupes russes parties se réorganiser en vue d’une offensive dans le Donbass.

Comme le montre la vidéo ci-dessous, publiée par Malachy Browne, l’un des auteurs de cette enquête, le parallèle entre les images et les clichés satellites de Maxar en date du 19 mars est éloquent.

Au milieu des rues jonchées de débris et de véhicules calcinés, la dizaine de cadavres sont déjà là, à l’exact endroit où ils seront filmés le 2 avril. Bien loin donc de la propagande russe, qui évoquait ce jour-là une ”énième mise en scène” et réclamait au Conseil de sécurité de l’ONU d’enquêter sur ce qu’elle appelait “les provocations d’Ukrainiens radicaux”.

Quelles circonstances pour ces morts ?

Rappelant que les Russes eux-mêmes communiquaient alors sur leur contrôle de la ville de Boutcha, les journalistes dénombrent au total onze corps inanimés le long de la rue Yablonska, celle-là même où les images montrées plus haut ont été tournées.

D’après l’enquête du New York Times, qui est remonté dans les archives de Maxar, ces formes de corps ont commencé à apparaître à partir du 9 et du 11 mars. Elles ne bougeront plus jusqu’au 1er avril, date à laquelle les forces ukrainiennes finiront par pénétrer à nouveau dans la ville, et où ces formes se révéleront être des cadavres de civils.

Néanmoins, s’ils confirment donc l’apparition de ces morts, les journalistes américains refusent de se prononcer sur les circonstances des décès. “Certains se trouvent à côté de ce qui ressemble à des cratères causés par des explosions, d’autres gisent à côté de leur voiture ou d’une bicyclette, certains ont les mains liées dans le dos avec du tissu blanc”, écrivent-ils.

Au cœur de la guerre des images et de communication que livre la Russie à l’Ukraine et au monde occidental, il faudra encore rassembler d’autres éléments quant aux conditions dans lesquelles la population civile de Boutcha a été décimée. D’après les sources gouvernementales ukrainiennes, mais aussi les nombreux témoignages collectés sur place par la presse et même des ONG comme Human Rights Watch, la responsabilité de l’envahisseur russe ne fait toutefois que peu de doute.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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