Élections européennes : le RN s’arrange avec la réalité du bilan famélique de Jordan Bardella au Parlement

Alors que la tête de liste RN est attaquée sur son maigre bilan au Parlement européen, le RN tente de riposter avec un visuel (très) trompeur.

Jordan Bardella photographié le 16 janvier au Parlement européen à Strasboug (illustration)
FREDERICK FLORIN / AFP Jordan Bardella photographié le 16 janvier au Parlement européen à Strasboug (illustration)

POLITIQUE - La mémoire sélective. Alors que les adversaires politiques du Rassemblement national pointent le maigre bilan de Jordan Bardella au Parlement européen, le parti d’extrême droite a décidé de répliquer. À l’appui, une infographie partagée par les parlementaires RN, visant à démentir l’accusation selon laquelle la tête de liste lepéniste aux élections européennes ressemble davantage à un eurodéputé fantôme qu’à un élu assidu.

Depuis plusieurs jours, les députés RN (Edwige Diaz, Julien Odoul, Laure Lavalette etc.) partagent massivement sur les réseaux sociaux cette infographie présentant Jordan Bardella en eurodéputé parfaitement productif. Encore ce lundi 4 mars par les députés Emmanuel Blairy et Jordan Guitton, en guise de réponse au ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, qui a décrit sur RTL le dauphin de Marine Le Pen en « monsieur selfie » qui « a déposé sur toute la législature 21 amendements ».

La riposte du RN met en avant des chiffres flatteurs : Jordan Bardella y affiche un taux de présence de 93,95 % et un nombre d’initiatives (questions écrites, interventions en séance plénière, explications de vote) supérieur à la moyenne des eurodéputés français. Sauf que... son contenu est plus que trompeur.

Un nombre d’amendements ridicule

Premier élément, une présentation (très) parcellaire des choses, puisque l’activité d’un parlementaire européen ne se résume pas à sa présence en plénière, aux explications de vote et aux questions écrites. Même si, comme le souligne franceinfo, le RN est l’un des partis les plus prolifiques en termes d’interventions en séances plénières, se hissant à la deuxième place des élus français sur ce terrain (derrière la gauche).

Et pour une raison bien précise : ces interventions filmées, qui seront dans la foulée découpées et diffusées sur les réseaux sociaux du RN, permettent au parti lepéniste de se monter comme bataillant au cœur de l’institution européenne. Une activité davantage calibrée pour parler à l’électorat français que réalisée au bénéfice de l’institution européenne.

En revanche, dimanche 19 novembre 2023, Le Parisien avait publié un comparatif des amendements déposés par les eurodéputés sortants pour chaque camp politique. À cette date, on apprenait que Jordan Bardella n’avait déposé que 21 amendements au total depuis 2019. Un chiffre ridicule si on le compare à celui de ses concurrents : 1 200 pour le LR François-Xavier Bellamy, 1 313 pour le macroniste Stéphane Séjourné (aujourd’hui ministre des Affaires étrangères), 2 033 pour Raphaël Glucksmann et 3 460 pour l’insoumise Manon Aubry.

Jordan Bardella n’a par ailleurs participé à la rédaction d’aucun rapport, et son nombre de contributions en séance plénière (mis en avant dans le visuel du RN) n’écrase pas celle de ses concurrents. À titre d’exemple, en novembre 2023, Manon Aubry en comptait déjà 98, soit 25 de plus de ce que revendique quatre mois plus tard l’eurodéputé RN.

« On n’y a jamais vu Bardella »

Cette absence d’investissement avait été évoquée dans l’émission « Complément d’enquête », consacrée à Jordan Bardella. Pour justifier le fait que la star montante du RN n’avait participé à aucun rapport parlementaire, l’eurodéputé RN Thierry Mariani avait évoqué un « cordon sanitaire » excluant les élus lepénistes de la rédaction de ces documents. Or, comme le souligne Mediapart le 2 mars, l’argument ne tient pas, puisque son collègue Gilles Lebreton en a cosigné six depuis 2021. « Il ne fait rien ici, juste rien. Il est en Erasmus Premium, il croise des gens, il a le restau gratos, il suit des cours d’anglais, de com’, donc il progresse, mais ce n’est pas du fait de son travail de parlementaire », dénonce auprès du site d’investigation l’eurodéputé écolo David Cormand.

Mediapart rappelle par ailleurs que Jordan Bardella ne siège que dans une seule commission, celle consacrée aux pétitions. Et encore « siéger » paraît un bien grand mot, puisque l’intéressé a participé seulement à quinze sessions de vote sur les quarante organisées par ladite commission. « D’habitude, on s’inscrit dans cette commission PETI (pétition, ndlr) à titre secondaire, en complément d’une commission qui a un impact plus lourd comme les affaires internationales, économiques ou juridiques. Le pire, c’est qu’on n’y a jamais vu Bardella. Il n’a même pas siégé », tacle dans La Tribune Dimanche une élue membre de la commission. Autant d’éléments que la riposte du Rassemblement national omet de mentionner.

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