Élections européennes 2024 : sur les réseaux sociaux, une popularité (très) éloignée des sondages

Aperçu des publications de Jordan Bardella (RN), Raphaël Glucksmann (PP-PS) et Valérie Hayer (Renaissance)
Captures TikTok/Instagram / Montage HuffPost Aperçu des publications de Jordan Bardella (RN), Raphaël Glucksmann (PP-PS) et Valérie Hayer (Renaissance)

POLITIQUE - Il y a bien des évidences. Oui, Jordan Bardella écrase la concurrence sur TikTok comme dans les sondages. Et oui, Raphaël Glucksmann, en dynamique dans les intentions de vote, est particulièrement présent sur Instagram. Pour autant, rien ne serait plus faux que de faire un lien entre une présence marquée sur les réseaux sociaux et la promesse de succès électoraux.

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C’est ce qui ressort des données livrées au HuffPost par la plateforme de veille médiatique Visibrain, mesurant l’activité et l’impact de chaque tête de liste aux élections européennes sur les plateformes numériques. Et pour cause, si le dauphin de Marine Le Pen domine le match, avec 978 032 interactions* sur le mois de mars (et une vidéo virale à 149 237 likes sur TikTok le 25 mars sur fond de Jul), l’influence des personnalités politiques apparaît plus que jamais comme un miroir déformant.

Une surreprésentation de l’extrême droite

Ainsi, dans le top 5 des candidats qui engagent le plus sur les réseaux sociaux (réponses, likes, partages…), on trouve deux personnalités (Florian Philippot et François Asselineau) stagnant sous la barre des 3 % d’intentions de vote et représentant une offre marginale au sein de l’échiquier politique, celle du Frexit assumé. Nicolas Dupont-Aignan (qui a tout récemment jeté l’éponge) figure également dans ce top 5, où apparaît également Marion Maréchal, dont les intentions de vote varient entre 5 et 6 %.

Un classement où l’extrême droite est donc surreprésentée et qui reflète moins l’état politique du pays que la prime au clash et à la polarisation qui dominent sur les réseaux sociaux. Surtout que les contenus nationalistes et porteurs de théories conspirationnistes ont un fort potentiel viral, comme le montrait cette étude de Media Matters for America.

Ce qui est d’autant plus flagrant sur le réseau social X, où Marion Maréchal récolte (comme Éric Zemmour en 2022) son plus fort taux d’engagement. « Ses tweets sur l’affiche officielle des JO 2024, de son intervention dans l’émission Les débats esprits libres du Figaro ou encore les choix du maire de Francfort quant aux décorations pour le Ramadan récoltent le plus de retweets », note Visibrain, alors que la dérégulation du réseau social depuis son rachat par Elon Musk aggrave la polarisation qui était déjà à l’œuvre sur la plateforme à l’oiseau bleu.

En outre, cinq des six posts les plus populaires sur le mois, tous réseaux confondus, sont le fait de candidats d’extrême droite. Seule une publication du socialiste Raphaël Glucksmann concernant la fast fashion sur LinkedIn perce dans ce classement, dominé par Marion Maréchal, Jordan Bardella et Florian Philippot. Notons par ailleurs que le président du RN et la candidate Reconquête ! sont ceux qui ont le plus progressé en termes de « followers » sur le mois : 24 220 abonnés en plus pour Jordan Bardella, contre 21 318 internautes supplémentaires pour Marion Maréchal.

4,3 millions de messages sur les élections européennes

Pour autant, cette surreprésentation de l’extrême droite qui peut biaiser l’analyse ne signifie pas que ces outils devraient être négligés par les états-majors de campagne. Et pour cause, sur le seul mois de mars, 4,3 millions de messages relatifs aux élections européennes ont été publiés sur les réseaux sociaux, « soit près de 5 fois plus que pour les précédentes élections de 2019 », note Visibrain. Par ailleurs, il y a bien un effet « campagne » qui se mesure sur certains acteurs de l’élection, à l’image de Valérie Hayer, dont le nombre d’abonnés a grimpé de plus de 12 000 sur le mois (celui qui suit sa nomination), malgré sa faible notoriété.

Les réseaux sociaux sont aussi une manière de se faire remarquer, en exprimant une préférence pour certains canaux plutôt que pour d’autres. « Raphaël Glucksmann est le seul à avoir désactivé son compte TikTok ce mois-ci, pourtant très suivi (57 800 abonnés) », souligne Visibrain. Une façon pour le socialiste, ex-président de la commission spéciale sur l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, de mettre ses idées en adéquation avec ses actes, au regard du caractère intrusif de l’application chinoise et des inquiétudes sur ses effets sur les démocraties occidentales.

« Je ne l’ai pas vu s’exprimer dessus mais c’est courageux et intelligent de sa part. C’est sortir du buzz pour le buzz, accepter de se couper d’un canal par cohérence. Car c’est quand même assez paradoxal de se dire souverainiste et n’avoir aucun souci à se mettre en scène sur TikTok comme Jordan Bardella », observe auprès du HuffPost une professionnelle de la communication politique en ligne. En réalité, le président du RN pourrait difficilement se passer de cette application, puisque près de 70 % de ses interactions sur les réseaux sociaux proviennent de cette seule plateforme chinoise.

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