"Ça chamboule tout": quand les élections législatives perturbent mariages, anniversaires et fêtes

"Tout était prêt. Les bénévoles, le DJ, les artistes, les techniciens, même les lots à gagner au rifle." Stéphane Mathieu est le président de Mucovie, une association des Pyrénées-Orientales qui vient en aide aux malades atteints de mucoviscidose. Il avait prévu le week-end des 6 et 7 juillet une grande fête à Saleilles - une commune d'un peu moins de 6.000 habitants voisine de Perpignan - pour les vingt ans de son association. Avec course de couleurs, repas, loto, concert et collecte de fonds.

Mais l'annonce dimanche soir par Emmanuel Macron de la dissolution de l'Assemblée nationale et de la tenue d'élections législatives les 30 juin et 7 juillet prochains a contraint le maire de la commune à annuler l'événement. "Il va falloir tout replanifier, retrouver une date, remobiliser les bénévoles", se désole Stéphane Mathieu. "Le maire est lui aussi très embêté et m'a dit qu'il allait tout faire pour nous aider."

"Mais ça chamboule tout."

Baptêmes, mariages, anniversaires, fêtes des écoles ou d'associations, de nombreux événements privés et associatifs sont bouleversés par le calendrier politique annoncé par le président de la République. Créant, pour les maires de ces communes où la salle des fêtes municipale fait souvent aussi office de bureau de vote, de véritables casse-tête.

Les bureaux de vote délocalisés

Certains, comme Jérôme Field, le maire de La Roche-Clermault, une commune d'Indre-et-Loire d'un peu plus de 500 habitants, a immédiatement fait le choix de délocaliser son bureau de vote. "La salle des fêtes était réservée depuis quatre mois, je ne me voyais pas leur dire qu'ils ne l'avaient plus."

D'autant qu'il s'agit d'un couple d'habitants du village qui célèbrent, lors du premier tour des législatives, leurs 60 ans de mariage. "Quand j'ai entendu l'annonce d'Emmanuel Macron, j'ai tout de suite appelé ma secrétaire de mairie qui m'a confirmé que la salle était louée."

"Il n'était pas envisageable d'annuler la réservation", assure-t-il à BFMTV.com.

Jérôme Field, également président de l'Association des maires ruraux d'Indre-et-Loire, a ainsi demandé à la préfecture l'autorisation de délocaliser son bureau de vote dans l'école du village. "Ça demande un peu de manutention pour retirer les tables et les chaises. Mais c'est à 50 mètres de la mairie et de la salle des fêtes."

"Les petites communes vivent de ce lien social que sont les événements familiaux", pointe l'élu. "On va faire ce qui est nécessaire pour assurer les élections et laisser nos administrés faire la fête."

Plus de salle à 18 jours de la fête

Les choses n'ont été aussi évidentes dans toutes les communes, causant, parfois, un moment de flottement. Comme pour Margot, 22 ans, qui a eu une belle frayeur quand la mairie de Charleville-Mézières (Ardennes) l'a appelée lundi matin pour lui annoncer que la salle réservée depuis un an et demi pour son mariage était réquisitionnée pour les élections. "À 18 jours du mariage, horrible", nous raconte-t-elle avec émotion.

"C'était l'angoisse."

La jeune femme n'en dort pas de la nuit, prévient ses proches, ses parents, ses amis qui tentent en catastrophe de trouver une solution de repli. "Mon compagnon était tellement déçu qu'il était prêt à tout annuler, à ne faire que l'église, la mairie et les alliances."

La belle-famille propose tout de même de prêter son jardin pour recevoir la cinquantaine d'invités. "Mais on ne s'est pas cassé la tête à tout préparer pendant des mois pour rien." D'autant que plusieurs prestataires ont été engagés: DJ, photographe, traiteur, location de vaisselle et pièce montée.

Le lendemain, second coup de tonnerre. Margot reçoit un nouvel appel de la mairie. "J'étais au travail, je n'ai pas pu décrocher. Quand j'ai vu qu'il y avait un message, je ne l'ai même pas écouté, j'ai rappelé directement. J'avais le cœur qui palpitait." On lui annonce que finalement, elle a bien sa salle pour son mariage, que c'était une erreur, qu'il n'était pas question de réquisitionner les lieux et d'annuler la fête.

"J'étais tellement soulagée. Mais ça a été les montagnes russes."

"La personne était catastrophée"

Parfois, l'équation confine à l'impossible. Raphaël Brun, le maire de Châteauneuf-de-Galaure, une commune de la Drôme d'un peu moins de 2000 habitants, a quant à lui été contraint d'annuler un anniversaire prévu le 30 juin dans la salle des fêtes municipales.

"La personne était catastrophée, elle disait qu'elle ne savait pas comment elle allait faire", témoigne-t-il.

L'élu lui a proposé, à titre exceptionnel, de lui prêter une des salles de réunion de la mairie. "Mais c'est une salle avec des tables, des chaises, un écran pour de la vidéoprojection et qui ne peut recevoir que 40 personnes assises. Ce n'est pas une salle pour faire la fête." Raphaël Brun lui a donné quelques pistes pour des salles dans des communes voisines, mais sans certitude quant à leur disponibilité.

"J'espère qu'elle a trouvé mais vraiment, je ne peux pas faire autrement."

Car il assure avoir reçu pour consigne, de la part de la préfecture, de ne pas délocaliser les bureaux de vote "en raison des délais contraints".

"Nous n'avons pas trouvé de solution"

À Moret-Loing-et-Orvanne, une commune nouvelle d'un peu plus de 12.000 habitants de Seine-et-Marne, cinq des six événements associatifs qui doivent se dérouler durant les deux week-ends de vote ont été sauvés. Certains ont été déplacés dans une autre salle municipale, d'autres décalés à une autre date.

Mais cela n'a pas été possible pour le gala de roller. "Il faut une salle assez grande avec un revêtement spécifique", explique à BFMTV.com Christophe Girona, directeur de cabinet du maire. Les communes voisines ont bien été contactées, "mais c'est la même problématique", regrette Christophe Girona.

"Nous n'avons malheureusement pas trouvé de solution."

Heureusement, aucun mariage ou baptême à annuler: les salles qui seront transformées en bureau de vote sont réservées aux activités des quelque 200 associations de la commune. "Ce sont d'autres salles qui sont louées aux particuliers". Et par chance, "nous n'avions aucun événement public, comme une course ou un rallye, prévu à ces dates", souffle, soulagé, Christophe Girona.

"Sans spectacle, je fermais l'association"

Si ces mésaventures peuvent sembler anodines au regard des enjeux politiques, certaines associations jouent pourtant leur survie lors de ce genre d'événement. C'est le cas de celle de Delphine Lefevre, la présidente du Comité de loisir associatif de Busigny (Nord), à la tête de l'école de danse.

"J'avais déjà vendu les 650 places pour les deux spectacles du 29 au soir et 30 après-midi", confie-t-elle à BFMTV.com. "Je ne sais pas comment j'aurais fait s'il avait fallu rembourser."

Parce que Delphine Lefevre avait aussi engagé des frais importants: l'assurance pour l'événement, le DJ, la Sacem, les décors, 4.500 euros de costumes - trois pour chacune de sa centaine de danseuses. Des boissons avaient également été commandées. Car tous les ans, à l'occasion de son spectacle de fin d'année, une buvette propose sandwichs, gâteaux, glaces et barbes à papa. Ce qui lui permet de se rembourser.

Mais le maire de la commune lui a annoncé lundi que la salle où devait se produire ses élèves était réquisitionnée pour les élections, avant de rétropédaler le lendemain et d'accepter de déplacer le bureau de vote. "Heureusement, parce que j'avais contacté une quinzaine de salles dans les communes voisines, même des collèges et des lycées, mais aucune n'était disponible, ou alors elles n'avaient pas de scène, ou des tatamis au sol."

"Si le spectacle n'avait pas pu avoir lieu, je fermais l'association."

Article original publié sur BFMTV.com