Venezuela: l'opposition met la pression pour un nouveau comptage des bulletins

L'opposition Vénézuelienne a mis lundi la pression en vue d'obtenir un nouveau comptage après l'élection du successeur d'Hugo Chavez, appelant à manifester contre la proclamation de la victoire de Nicolas Maduro, dont l'équipe a dénoncé une volonté de "putsch" déguisée. Battu avec une marge de moins de 250.000 voix sur 19 millions d'inscrits, un mois après la mort du charismatique dirigeant socialiste, Henrique Capriles, qui a qualifié de "président illégitime" son adversaire, a réclamé au Conseil national électoral (CNE) de ne pas procéder à un "acte de proclamation", officiellement prévu pour ce lundi. Dans le cas où le CNE ignorerait sa demande, le gouverneur de l'Etat de Miranda (nord) a appelé à ses partisans à un "concert de casseroles" lundi soir, tout en affirmant "refuser la violence". "Qu'on l'entende dans le monde entier", a-t-il déclaré, au cours d'une conférence de presse. Exigeant un nouveau comptage "vote par vote", seul moyen selon lui de "régler la crise", M. Capriles entend aussi organiser mardi matin des manifestations devant le bureau de l'autorité électorale à Caracas et "dans tout le pays". Le pouvoir de son côté a invité les partisans de M. Maduro à se réunir lundi après-midi sur la place Caracas, pour célébrer la proclamation de sa victoire au cours d'une cérémonie au CNE, accusant l'opposition de vouloir faire "un putsch". "Ce qui se cache derrières les paroles d'aujourd'hui, M. Capriles, c'est une convocation à un putsch contre l'Etat, les institutions, la démocratie de ce pays", a lancé Jorge Rodriguez, le chef de la campagne de M. Maduro dans des déclarations à la télévision officielle VTV Pour sa part, la Maison Blanche a estimé par la voix de son porte-parole qu'un nouveau comptage serait une étape "importante, prudente et nécessaire". Idem pour José Miguel Insulza, secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), qui s'est prononcé en faveur d'un "dialogue national". Dans un communiqué, la mission d'observateurs envoyée par l'Union des nations sud-américaines (Unasur) au Venezuela a, quant à elle, demandé que soient "respectés les résultats" émanant du CNE, "unique autorité compétente" en matière électorale. "Nous voulons un nouveau comptage des suffrages pour aller de l'avant, pour être sûrs que nous avons perdu", a déclaré à l'AFP Oswaldo Gomez, un comptable de 56 ans, à Caracas où le sujet alimentait toutes les conversations dans les rues. "Le château de cartes va s'écrouler. La vérité va sortir. Ce sera un gouvernement de mensonges. Il (Maduro) n'a pas le leadership de Chavez. Il ne tiendra pas un an", a prédit Maria Rodriguez, un vendeur de journaux de 48 ans. "C'est une situation très délicate. La marge est tellement étroite dans un pays qui est extrêmement divisé que cela va être difficile à digérer politiquement. Il est clairement divisé en deux", a dit à l'AFP le politologue Ignacio Avalo. "Je ne crois pas que les résultats seront inversés, le système est inviolable, car il est très bon et fait l'objet de beaucoup de contrôles", a indiqué à l'AFP un membre ayant requis l'anonymat d'un des organismes chargés de superviser le scrutin. Dans ce contexte, le nouveau président peut aussi redouter la convocation d'un référendum révocatoire dans les trois ans. Il suffit à ses détracteurs de réunir 20% de l'électorat sur une motion défiance pour pouvoir organiser ce vote. Déconcerté par son score, M. Maduro ne s'est pas opposé à un nouveau comptage des bulletins, tout en affirmant après l'annonce de son élection qu'il avait remporté une "victoire juste, légale et constitutionnelle", devant des partisans déboussolés. "Beaucoup de personnes ont retourné leur veste, des sales types sans aucune reconnaissance. Ils disent qu'ils sont dans la révolution, mais ce sont des mensonges", pestait lundi Elisabeth Torres, 48 ans, dans le quartier du "23 de enero", un bastion "chaviste". Pour de nombre de ses partisans, l'élection de M. Maduro est garante du maintien des programmes sociaux financés par la manne pétrolière du Venezuela, détenteur des plus grandes réserves de brut du monde. Un engagement du pouvoir, qui s'annonce toutefois difficile à tenir dans une économie en crise avec une dette égale à la moitié du PIB et une inflation de plus de 20%, un record en Amérique latine. Son succès a été salué par les alliés traditionnels du régime tels le président cubain Raul Castro, et ses homologues argentin Cristina Kirchner, équatorien Rafael Correa ou encore bolivien Evo Morales. Autant de pays qui bénéficient de l'aide du Venezuela, le plus souvent via la vente à prix préférentiels de barils de brut. Le Brésil a également adressé ses félicitations et s'est dit disposé à "continuer de travailler étroitement avec le gouvernement vénézuélien". Le président russe Vladimir Poutine a quant à lui annoncé un renforcement de "son partenariat stratégique" avec Caracas, tandis que celui du Belarus Alexandre Loukachenko, un ami personnel de M. Chavez, a invité M. Maduro à lui rendre visite.