Souha Arafat ressuscite de vieux fantômes palestiniens

Les accusations de Souha Arafat, qui affirme que le représentant historique de la cause palestinienne mort en 2004 près de Paris a été assassiné par un membre de son "premier cercle", ont été accueillies avec mépris par les héritiers politiques de Yasser Arafat. /Photo prise le 6 novembre 2013/REUTERS/Fadi Al-Assaad

par Noah Browning RAMALLAH, Cisjordanie (Reuters) - Les accusations de Souha Arafat, qui affirme que le représentant historique de la cause palestinienne mort en 2004 près de Paris a été assassiné par un membre de son "premier cercle", ont été accueillies avec mépris par les héritiers politiques de Yasser Arafat. Ces allégations s'appuient sur des examens menés par un laboratoire suisse dont les résultats confortent l'hypothèse selon laquelle "Abou Ammar" a été empoisonné au polonium 210 sans toutefois pouvoir l'affirmer avec certitude. Annonçant mercredi que l'examen médico-légal pratiqué sur la dépouille de son mari avait révélé la présence anormale de cette substance radioactive, Souha Arafat a dénoncé un "assassinat politique". "Je suis certaine que c'est quelqu'un qui appartenait au cercle de ses proches", a-t-elle dit à Reuters au Qatar, après être intervenue sur l'antenne d'Al Djazira. "L'expert a dit que le poison avait été versé dans son thé, ou un café, ou de l'eau, par conséquent, ça devait être un proche", a-t-elle ajouté. Ses affirmations rallument d'anciennes controverses au sein de l'Autorité palestinienne, dont les responsables ont toujours considéré comme un handicap le mariage en 1992 de Yasser Arafat avec cette chrétienne convertie à l'islam, éduquée en France et de 34 ans sa cadette. "Nul ne devrait lancer des accusations de ce type, il est le leader du peuple palestinien. Nous ne devrions pas nous diviser sur un sujet pareil. C'est une catastrophe pour notre cause nationale", a réagi Abbas Zaki, un des responsables du Fatah, le parti que dirigeait Arafat, un des rares à avoir réagi publiquement. Wasel Abou Youssef, un haut responsable de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), a réclamé la constitution d'une commission d'enquête internationale. "Ceux qui avaient un intérêt à ce qu'il meure, ce sont les occupants (Israël, NDLR)", a-t-il dit à Reuters. "TEMPÊTE DANS UN VERRE D'EAU" Le gouvernement israélien nie pour sa part toute implication dans la mort d'Arafat, le 11 novembre 2004 à l'hôpital militaire de Clamart, dans la région parisienne. "A mon avis, c'est une tempête dans un verre d'eau", a commenté Silvan Shalom, actuel ministre de l'Energie qui était en 2004 à la tête du ministère des Affaires étrangères et siégeait au conseil de sécurité intérieure. "Nous n'avons jamais pris la décision de nous prendre physiquement à lui", a-t-il ajouté. Yasser Arafat a vécu les derniers mois de sa vie à Ramallah, retranché à la Moukataa, le siège de l'Autorité palestinienne encerclé par les blindés de l'armée israélienne. Son état de santé s'est brutalement dégradé le 12 octobre 2004 après avoir pris un repas. Avec l'accord d'Israël, il a été évacué en France, où il est mort un mois plus tard, à l'âge de 75 ans, sans s'être jamais remis. Accourue à son chevet, Souha Arafat, qui avait fui les Territoires palestiniens après le début de la seconde intifada et ne l'avait pas revu depuis plus de trois ans, avait à l'époque déjà dénoncé un complot contre son mari. "Ils tentent d'enterrer vivant Abou Ammar", déclarait-elle à Al Djazira quelques jours avant son décès, laissant entendre que des caciques palestiniens souhaitaient le voir mourir. Depuis la mort d'Arafat, elle a partagé sa vie entre Malte, Paris et le Golfe. "Al Djazira en serait bien capable", affirme Abbas Zaki quand on l'interroge sur les rumeurs selon lesquelles la chaîne de télévision panarabe aurait versé de l'argent à Souha Arafat. "Tout ceci ressemble désormais à du cinéma." Avec Nidal al Mughrabi à Gaza, Henri-Pierre André pour le service français, édité par Gilles Trequesser