Michel Barnier veut continuer à être "utile" à l'Europe

Michel Barnier veut mettre à profit les six mois à venir pour consolider la réforme du système financier européen mais se verrait bien piloter la stratégie industrielle de l'Union européenne après les élections de mai prochain. /Photo prise le 3 décembre 2013/REUTERS/Jacky Naegelen

par Emmanuel Jarry et Yves Clarisse PARIS (Reuters) - Michel Barnier veut mettre à profit les six mois à venir pour consolider la réforme du système financier européen mais se verrait bien piloter la stratégie industrielle de l'Union européenne après les élections de mai prochain. Le commissaire européen au marché unique fait figure à 62 ans de candidat potentiel du Parti populaire européen (PPE), qui réunit les partis conservateurs des Vingt-Huit, pour succéder à José Manuel Barroso à la présidence de la Commission européenne. Mais il refuse d'évoquer une éventuelle candidature et s'en remet au PPE qui devrait, a-t-il précisé dans une interview à Reuters, faire son choix au début de l'an prochain : "Je suis prêt à être utile mais je ne veux pas en dire plus." L'ancien co-organisateur des Jeux Olympiques d'hiver d'Albertville, plusieurs fois ministre de gouvernements de droite et de centre-droit en France, n'en livre pas moins une vision de l'avenir de l'Europe qui ressemble à un programme. "J'ai envie de travailler à une stratégie européenne de compétitivité industrielle pour investir ensemble, mutualiser davantage", dit-il. "Je veux qu'on revienne vers l'économie sociale de marché compétitive. Ça c'est ma ligne." Il se dit attentif à ce qui se passe au Royaume-Uni, où une poussée d'euroscepticisme a conduit le Premier ministre, David Cameron, à lancer un examen des conséquences de l'appartenance de son pays à l'Union européenne dans tous les domaines. Pour Michel Barnier, tous les pays de l'UE devraient s'inspirer de cette démarche pour confirmer des "raisons d'être ensemble" qui "ne sont plus évidentes" aux yeux des opinions. NE PAS AFFAIBLIR LES NATIONS Face à la montée des populismes, il se présente en défenseur des Etats-nations: "Nous ne faisons pas un Etat fédéral, ce n'est pas mon objectif. Nous constituons une communauté de 28 Etats-nations. Ça ne veut pas dire qu'on fait tout ensemble." "Il ne faut pas affaiblir les nations. Nous en avons besoin pour combattre le nationalisme", ajoute cet européen convaincu. Il glisse que le socialiste Jacques Delors a été "un très bon président" d'une Commission très forte sous sa direction, sans avoir été Premier ministre, ce qu'il n'a pas non plus été. "Personne n'a intérêt à avoir une Commission faible", souligne-t-il. Ses partisans font valoir que ce gaulliste de gauche, qui se présente en "militant du marché unique" mais également en partisan d'institutions européennes fortes, est une des rares personnalités du PPE acceptables à la fois pour les libéraux, les sociaux-démocrates, les centristes et les écologistes. "Il faudra que le président de la Commission réunisse sur son nom une majorité qualifiée de gens de centre droit et de centre gauche et gouverne pendant cinq ans en rassemblant", fait valoir l'intéressé en dressant le portrait du candidat idéal. Un oecuménisme d'autant plus nécessaire que les analystes prévoient une poussée des extrêmes aux élections de 2014. ACHEVER L'UNION BANCAIRE "Ça conduira à davantage de travail en commun entre les différentes forces européennes, qu'elles soient de centre-droit, de centre-gauche ou du centre", souligne Michel Barnier. En attendant, il dit vouloir achever la "reconstruction" d'une gouvernance des marchés et la constitution d'un "marché unique des services financiers" pour redonner à "l'industrie financière européenne" un avantage compétitif. Cela passe par l'achèvement de l'union bancaire, qui achoppe sur des divergences sur un mécanisme de résolution unique des crises (MRU), au menu du Conseil européen des 19 et 20 décembre. "Je suis prêt à des étapes, je suis prêt à des flexibilités mais je veux que ça fonctionne", dit Michel Barnier, qui pilote les travaux de la Commission sur ce dossier. A l'Allemagne, qui s'inquiète de la base juridique du MRU, il répond que les traités actuels en offrent une suffisamment solide mais "qu'on peut plus tard, à la faveur d'un changement de traité dans une deuxième étape", consolider ce mécanisme". Alors que Berlin souhaite limiter le champ d'application du MRU aux plus grosses banques de la zone euro, il réaffirme que le "même cadre" doit s'appliquer à tous les établissements. Mais "on peut imaginer certaines différenciations au niveau national ou au niveau européen, selon que les banques ont ou pas une activité transfrontalière", ajoute-t-il. Il juge possible un accord définitif avant les élections européennes, pour application en 2015. Il estime en revanche que la réforme des structures bancaires, que la Commission proposera dans quelques semaines, ne pourra pas être votée avant la fin 2014 et la mise en place des institutions issues des élections. Edité par Yves Clarisse