Les USA manient avec prudence l'arme des sanctions contre Moscou

par Warren Strobel et Anna Yukhananov et Lesley Wroughton WASHINGTON (Reuters) - Les sanctions imposées cette semaine par les Etats-Unis contre la Russie ont été soigneusement pensées pour viser le cercle des proches de Vladimir Poutine sans provoquer de ripostes russes contre des entreprises américaines, ont expliqué vendredi de hauts responsables de l'administration fédérale. Les craintes de représailles russes "ont contribué à encadrer les discussions sur ce que seraient des sanctions appropriées", dit un responsable américain. "Nous avons conscience que même des sanctions ciblées peuvent avoir de larges effets." Jeudi, alors que les députés russes venaient de ratifier l'annexion de la Crimée à la Fédération de Russie, Barack Obama a annoncé un gel des avoirs et une interdiction de commercer avec des entreprises américaines contre 20 ressortissants russes ainsi que la banque Rossiya, détenue en partie par Iouri Kovaltchouk, un proche de Vladimir Poutine depuis les années 1990. Ces sanctions, nettement plus dures que le premier train dévoilé trois jours plus tôt par le président des Etats-Unis, ont été un des facteurs du décrochage de la Bourse de Moscou lors de la séance de vendredi tandis que le ministère des Finances indiquait que la Russie pourrait être contrainte de renoncer à ses projets d'emprunts extérieurs cette année. En visant la banque Rossiya, présentée par le département américain du Trésor comme le 17e établissement bancaire de Russie, Washington a prévenu Poutine que le secteur financier russe n'était pas à l'abri, dit-on de sources américaines. D'autant que la banque Rossiya compte parmi ses actionnaires et parmi ses clients des membres du premier cercle de Vladimir Poutine. Compte tenu de la structure très personnalisée du pouvoir russe, l'objectif est bien de frapper directement les proches du chef de l'Etat. Davantage que leurs entreprises, précise un porte-parole du Trésor. ÉVITER UNE DÉFLAGRATION SUR L'ÉCONOMIE MONDIALE Si de nouvelles sanctions s'avèrent nécessaires, l'administration américaine s'efforcera d'être encore plus précautionneuse. Pas question d'exclure un secteur entier de l'économie russe, comme le pétrole ou les métaux. Un tel embargo risquerait en effet de provoquer des répliques dans toute l'économie mondiale. Il suffit pour s'en convaincre de mesurer la dépendance de l'Europe au gaz naturel russe, qui représente le tiers environ de son approvisionnement. Les compagnies publiques majeures que sont les géants de l'énergie Gazprom et Rosneft de même que la firme d'exportations d'armes Rosoboronexport ne sont pas touchées par les sanctions américaines. Le doute entoure toutefois l'efficacité de ces sanctions et leur capacité à dissuader Poutine de nouvelles incursions en Ukraine, sans parler de l'amener à revenir sur l'annexion de la Crimée et à accepter des négociations. Fiona Hill, de la Brookings Institution, estime ainsi que "pour avoir réellement un impact, ces sanctions devraient ressembler à celles que nous avons mises en oeuvre contre l'Iran". "Elles doivent être globales et frapper au coeur de l'économie russe", ajoute la chercheuse de ce think tank basé à Washington. "A mon sens, les Russes font le calcul que nous n'irons pas trop loin, parce que cela jetterait un voile sur le climat des affaires." (Henri-Pierre André pour le service français)