Les alliés de Silvio Berlusconi font monter les enchères

Les alliés de Silvio Berlusconi menacent de faire tomber le gouvernement d'Enrico Letta s'ils n'obtiennent pas mardi soir le report des travaux de la commission sénatoriale chargée d'examiner si le "Cavaliere" peut être déchu de son mandat à la chambre haute du parlement italien. /Photo prise le 4 août 2013/REUTERS/Alessandro Bianchi

par Roberto Landucci ROME (Reuters) - Les alliés de Silvio Berlusconi menacent de faire tomber le gouvernement d'Enrico Letta s'ils n'obtiennent pas mardi soir le report des travaux de la commission sénatoriale chargée d'examiner si le "Cavaliere" peut être déchu de son mandat à la chambre haute du Parlement italien. Après une séance inaugurale lundi, la commission de 23 membres doit se réunir de nouveau à 20h00 (18h00 GMT) mais le Peuple de la liberté (PDL, centre droit) estime que la volonté du Parti démocrate (PD, centre gauche) d'accélérer la procédure équivaut à un "acte de guerre". Le gouvernement Letta est soutenu par une fragile coalition réunissant PD et PDL en l'absence de vainqueur aux élections législatives de février dernier. "Nous sommes écoeurés par l'attitude du PD", a écrit le secrétaire du PDL, Angelino Alfano, sur les réseaux sociaux. "Ils sont prêts à mettre le pays à genoux uniquement pour éliminer leur ennemi politique historique." Le PDL, qui refuse de voir Silvio Berlusconi perdre son siège de sénateur, propose de suspendre les auditions de la commission dans l'attente de l'examen d'un recours déposé par les avocats du "Cavaliere" devant la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui pourrait prendre plusieurs mois. "Si le Parti démocrate et les gens de (Beppe) Grillo (chef du Mouvement Cinq-Etoiles) décident ce soir de voter contre ces propositions, le Parti démocrate fera tomber le gouvernement Letta", prévient Renato Brunetta, chef du groupe parlementaire PDL à la Chambre des députés. Les membres de la commission sénatoriale cherchent toutefois à gagner du temps et ils ne devraient finalement pas voter ce mardi soir, a-t-on appris de deux sources proches des discussions. "Il n'y aura pas de vote ce soir", a dit à Reuters un parlementaire ayant requis l'anonymat. "Le président de la commission s'efforce d'éviter un vote." FRAUDE FISCALE Silvio Berlusconi, qui fait profil bas depuis sa condamnation, rencontrera des élus PDL mercredi. Le PD estime que sa condamnation en août par la Cour suprême pour fraude fiscale dans une affaire impliquant son empire médiatique Mediaset lui interdit de siéger au Parlement. La gauche fonde ses arguments sur la "loi Severino" qui rend inéligible toute personnalité politique condamnée en justice. Les avocats du "Cavaliere" arguent du fait que leur client ne tombe pas sous le coup de la nouvelle législation car elle a été votée l'an dernier et ne peut s'appliquer de manière rétroactive. La commission sénatoriale, composée de représentants des principaux partis, est dominée par les adversaires de Silvio Berlusconi, condamné début août à quatre ans de prison, une peine automatiquement ramenée à un an en raison de l'âge de l'ancien président du Conseil, qui a 76 ans. Au moins 14 des 23 membres de la commission sont susceptibles de voter en faveur de l'exclusion. Même en cas d'avis favorable de la commission, Silvio Berlusconi ne pourra être expulsé du Sénat sans un vote de la chambre haute en séance plénière. Sa condamnation le rend en revanche inéligible pour une durée d'un an. DEUX ANS DE RÉCESSION L'éclatement de la coalition ne déboucherait pas forcément sur de nouvelles élections. Le président Giorgio Napolitano, qui nomme le président du Conseil, pourrait tenter de superviser la création d'un nouveau gouvernement autour du Parti démocrate, avec le soutien de dissidents du centre droit ou du M5S de Beppe Grillo. Le PDL lui-même reste divisé entre ceux qui préconisent l'épreuve de force avec les démocrates et ceux qui prônent la modération, craignant que le PDL ne se retrouve isolé. "Les hommes d'affaires proches de Berlusconi lui disent que faire chuter le gouvernement et provoquer de nouvelles élections leur porterait un mauvais coup", explique un membre de l'aile modérée du PDL. Les milieux économiques s'inquiètent d'un retour à l'instabilité politique au moment où l'Italie, qui entrevoit une sortie à la plus longue récession - deux ans - qu'elle ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale, doit composer avec une dette publique de 2.000 milliards d'euros. Pour la première fois depuis mars 2012, les rendements de la dette espagnole sont passés sous ceux de la dette italienne, en raison des préoccupations liées à la situation politique. Avec Paolo Biondi, Jean-Stéphane Brosse et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Gilles Trequesser