Le pouvoir iranien accusé d'être influencé par l'Occident

Le général Mohammad Jafari, commandant des Pasdarans, la force paramilitaire d'élite en Iran, accuse le gouvernement iranien d'être sous l'influence de l'Occident et exige un changement fondamental de politique. /Photo d'archives/REUTERS/Morteza Nikoubazl

par Isabel Coles et Marcus George DUBAI (Reuters) - Le commandant des Pasdarans, la force paramilitaire d'élite en Iran, accuse le gouvernement iranien d'être sous l'influence de l'Occident et exige un changement fondamental de politique. Les commentaires du général Mohammad Jafari, commandant du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI), sont d'une rare sévérité, s'agissant de propos tenus publiquement, depuis l'arrivée à la présidence du modéré Hassan Rohani en août. Le nouveau chef de l'Etat s'est engagé à améliorer les relations entre l'Iran et les pays de la région ainsi qu'avec les pays occidentaux, Etats-Unis en tête. C'est dans ce contexte de détente qu'un accord intérimaire sur le programme nucléaire iranien a pu être conclu fin novembre à Genève, permettant un allégement limité des sanctions internationales qui étranglent le pays. Cet accord a été salué en Iran et à l'étranger mais les partisans d'une ligne dure s'agacent d'un tel revirement diplomatique et craignent de perdre l'oreille de l'homme qui détient le pouvoir suprême en Iran, l'ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême de la révolution. "Les systèmes et procédures militaires qui gouvernent le système administratif du pays sont les mêmes qu'avant (mais) ont été légèrement modifiés et malheureusement infectés par la doctrine occidentale. Il faut donc un changement fondamental", a déclaré Mohammad Jafari mardi selon l'agence de presse Fars. LUTTES D'INFLUENCE Durant les huit années du mandat du précédent président, le conservateur Mahmoud Ahmadinejad, le CGRI a renforcé sa présence dans les cercles politiques et économiques iraniens. Le président Rohani souhaite remettre en question cette influence. "Depuis les tout débuts de sa présidence, Rohani cherche à redéfinir le rôle du CGRI dans la politique. Il le considère comme un obstacle à l'accord nucléaire", dit Siavush Ranjbar-Daemi, maître de conférence à l'université de Manchester. "Il essaie d'acquérir autant d'influence que possible sur Khamenei. Les relations entre Rohani et les Gardiens ne sont pas bonnes, à l'évidence. Il va y avoir de nombreux ajustements et des luttes d'influence." Le président Rohani a pour l'instant le soutien sans faille de l'ayatollah Khamenei, qui a le dernier mot sur les questions de politique étrangère et de sécurité mais fait preuve d'une grande défiance envers les pays occidentaux. Le chef des Pasdarans paraît rejeter les appels de ceux qui demandent au CGRI de ne pas se mêler de politique. Le devoir des Gardiens, selon lui, est de protéger la révolution islamique. "La principale menace pour la révolution se trouve dans le domaine politique (...) et les Gardiens ne peuvent rester silencieux face à cela", a déclaré Mohammad Jafari selon Fars. MÉDIAS SOCIAUX Le chef des Pasdarans s'en est également pris au ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, à la suite de commentaires de sa part sur les systèmes de défense iraniens. Mohammad Javad Zarif a déclaré la semaine dernière selon la presse iranienne que l'Occident ne craignait pas vraiment la défense militaire iranienne et pourrait la détruire s'il le décidait. Le ministre a ensuite dit que ses déclarations avaient été mal interprétées et sorties de leur contexte. "Nous le considérons comme un diplomate expérimenté, mais il n'a pas d'expérience dans le domaine militaire", a déclaré mardi Mohamed Jafari, sans nommer le ministre. Mohamed Jafari était interrogé sur le point de savoir si l'armée américaine était capable de détruire le potentiel militaire iranien avec quelques bombes. Les partisans d'une ligne dure semblent avoir du mal à s'habituer à des ministres au profil de technocrate du gouvernement Rohani, tels que Mohammad Javad Zarif, qui parlent anglais, mettent en avant leur études en Occident et utilisent les médias sociaux pour faire passer leurs messages. Ils redoutent aussi d'être marginalisés sur les questions de sécurité, notamment sur le dossier syrien. Dans les propos cités par l'agence Fars, Mohammed Jafari réaffirme le soutien de l'Iran chiite à son allié arabe, le président syrien Bachar al Assad, lui-même de sensibilité alaouite, une branche de l'islam chiite. "Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir et est nécessaire pour protéger la Syrie parce la Syrie est en première ligne de la révolution islamique", dit le chef des Pasdarans. "Nous avons déjà annoncé que nous avons des forces spécialisées pour apporter expérience et entraînement en Syrie et qui travaillent en tant que conseillers. C'est de notoriété publique." Danielle Rouquié pour le service français, édité par Pascal Liétout et Gilles Trequesser