Le débat dans l'UE réformes contre soutien financier en panne

par Emmanuel Jarry BRUXELLES (Reuters) - L'idée de "contrats" par lesquels les Etats de l'Union européenne s'engageraient à effectuer des réformes structurelles en échange d'un soutien financier a buté lors du Conseil européen de Bruxelles sur les réticences de nombreux pays. Ces "partenariats pour la croissance, l'emploi et la compétitivité" prônés par Berlin mais considérés avec prudence par d'autres, dont Paris, sont au coeur du débat sur l'approfondissement de l'union économique et monétaire (UEM). Ces arrangements engloberaient un large éventail de mesures destinées à favoriser la croissance et l'emploi, notamment en ce qui concerne le marché du travail, l'efficacité du secteur public, la recherche, l'innovation, la formation, etc. Le soutien financier associé à l'engagement dans une telle politique serait destiné à aider le pays signataire à surmonter le coût économique et social initial de telles réformes. Mais ce concept se heurte précisément à la question du financement et de l'équilibre entre nouvelles contraintes et effort de solidarité exigé des autres pays en contrepartie. "Le problème c'est qui apporte les soutiens financiers, et comme cette question n'est pas pour l'instant réglée, il y a une interrogation", a expliqué jeudi soir François Hollande lors d'une conférence de presse en marge du Conseil européen. En tout état de cause, ces soutiens ne peuvent être financés par le budget européen, ni par une éventuelle "capacité budgétaire" dont serait dotée la zone euro, dans la mesure où ces arrangements concerneraient potentiellement toute l'UE, a fait valoir le président français. Il a estimé que la Banque européenne d'investissement pourrait jouer un rôle d'accompagnement. Mais il se dit surtout favorable, comme le président du Conseil italien Enrico Letta, à la possibilité de recourir à l'emprunt - ce qu'il appelle une "capacité financière". Le Conseil européen a renvoyé à octobre 2014 la poursuite des discussions au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, au lieu de juin comme initialement prévu. QUI VEUT DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS ? Il demande au président du Conseil, Herman Van Rompuy, et à celui de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de poursuivre d'ici là les travaux sur ces arrangements contractuels et les mécanismes de solidarité associés, "afin qu'un accord global puisse intervenir sur ces deux éléments". Mais en juin, après les élections européennes, l'UE entrera en plein processus de désignation d'une nouvelle commission et Herman Van Rompuy sera sur le départ. Lors du dîner des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, jeudi soir, la France, l'Espagne et l'Italie ont fait valoir que le sujet n'était pas mûr, dit-on de source européenne. La chancelière allemande, Angela Merkel, pousse pour sa part en faveur de la mise sur pied de tels arrangements, mais Berlin souhaiterait limiter au maximum le volet solidarité pour insister sur le côté contraignant. "Si vous voulez une union économique et monétaire, vous avez besoin de plus de coordination des politiques économiques", a-t-elle souligné devant des journalistes. Elle a cependant admis que la mise sur pied de mécanisme de solidarité en contrepartie de l'engagement à procéder à des réformes structurelles demandait "beaucoup de travail". La France, l'Italie et l'Espagne, et plus généralement les pays d'Europe du Sud, préfèrent pour leur part un dosage plus orienté vers la solidarité que vers les contraintes. Entre ces deux attitudes, nombre de pays s'interrogent sur l'utilité de tels mécanismes. "En vérité, personne n'en veut à part les Allemands et Herman Van Rompuy", souligne-t-on de source européenne. "Et il n'y a pas le début d'une idée de comment on va financer les mécanismes de solidarité et dans quel cadre." La même source estime qu'il aurait été plus facile de faire passer cette idée il y a un an, quand l'UE n'était pas encore sortie de la crise de l'euro. "Ça n'a plus le même sens. Il faut prouver que ça apporte quelque chose", ajoute-t-elle. Avec Paul Taylor, édité par Yves Clarisse