François Hollande, cible de la polémique dans l'affaire Leonarda

PARIS (Reuters) - François Hollande a pris la place de son ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, comme principale cible de la polémique déchaînée par l'expulsion de la collégienne d'origine kosovare Leonarda Dibrani et de sa famille. Jusqu'ici discrète sur ce dossier, la présidente du Front national a jugé "grotesque" et "dangereuse", lundi, la tentative du chef de l'Etat de désamorcer ce qui a pris des allures de crise au sein de sa propre majorité en offrant à la seule Leonarda la possibilité de revenir en France. "Je crois qu'on a touché le fond", a déclaré sur France 2 Marine Le Pen, qui a jugé que le chef de l'Etat avait "abaissé" et "humilié" la France en intervenant dans une affaire "qui ne relève même pas de la responsabilité d'un sous-préfet". "Mais c'est surtout dangereux parce que, en faisant cela, François Hollande a appuyé sur le bouton de l'aspirateur à clandestins", a-t-elle ajouté. Le chef de l'Etat a estimé samedi, à la suite d'un rapport de l'inspection générale de l'administration, que l'expulsion de la famille Dibrani était conforme à la loi, tout en déplorant un manque de "discernement" des policiers lors de l'interception de Leonarda en cours de sortie scolaire. Il a offert à la jeune fille de revenir en France pour reprendre le cours de sa scolarité mais a exclu un retour du reste de sa famille, en particulier de son père. Leonarda a aussitôt répondu de Mitrovica, au Kosovo, qu'elle ne reviendrait pas seule en France et a accusé le chef de l'Etat de manquer de coeur et de compréhension. "Cette affaire a été un coup terrible porté à l'autorité de l'Etat", a déclaré lundi sur France Inter le président de l'UMP, qui plaide pour une refonte de la politique d'immigration. "Où y a-t-il humanité dans l'idée du président de la République de vouloir séparer une enfant de sa famille ?" a ajouté Jean-François Copé, tout en estimant qu'un retour en France de la famille Dibrani serait "un appel d'air terrible". Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Christian Jacob, a pour sa part dénoncé sur RTL des "propos irresponsables sur le plan juridique et politique" de la part de François Hollande, qui "en est à interpréter en direct, avec une enfant de 14 ans, les conditions d'application de la loi". "INDÉCENCE" Le premier secrétaire du Parti socialiste, Harlem Désir, qui avait souhaité ce week-end le retour en France de la mère et des frères et soeurs de Leonarda, a fait machine arrière : "A partir du moment où le président a pris une décision, cette affaire est close", a-t-il déclaré lundi sur BFM TV. Leonarda était scolarisée en 3e à Pontarlier (Doubs), quand elle a été interpellée le 9 octobre par la police de l'air et des frontières (PAF). Le rapport de l'inspection générale de l'administration justifie l'expulsion du père, Resat Dibrani, après épuisement de tous les recours, par le fait que son comportement ne "dénotait pas une réelle volonté de s'intégrer à la société française". Il mentionne notamment la dégradation de l'appartement occupé par la famille, des problèmes de voisinage et des menaces, l'absence de recherche sérieuse d'emploi et des absences répétées des enfants, dont Leonarda, des établissements scolaires qu'ils fréquentaient. La main tendue par François Hollande à la jeune fille demeure le "bon choix, a cependant dit le ministre de l'Intérieur, qui a dénoncé l'emballement médiatique et une "forme d'indécence" autour de cette affaire. "Quand je vois cette enfant de 15 ans interrogée par les médias à chaud sur un sondage, sur le rapport de l'inspection générale de l'administration, sur l'intervention du président de la République, je dis ça suffit", a ajouté Manuel Valls. "Laissons-là, cessons de l'utiliser." Il a souligné que c'était maintenant à sa famille de réfléchir "hors des caméras" et de ce "cirque médiatique". Pour le reste, il a déclaré faire confiance aux autorités du Kosovo pour assurer la sécurité et l'intégration de la famille Dibrani mais assuré que si le père de Leonarda revenait en France illégalement comme il en a exprimé l'intention, il s'exposerait à une nouvelle reconduite à la frontière. Il a enfin adressé un avertissement à la majorité de gauche, où les Verts ont été particulièrement virulents à l'égard de François Hollande : "Nous ne pouvons pas créer nous-mêmes le désordre à partir de nos propres rangs", a-t-il dit. Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse