La géolocalisation des suspects va redevenir possible

PARIS (Reuters) - Un texte de loi sera déposé en urgence pour sécuriser juridiquement la surveillance par les policiers des portables et des véhicules des suspects lors des enquêtes préliminaires en France, une technique qui a été interdite fin octobre. Le texte devrait être adopté avant l'interruption pour les élections municipales de la session parlementaire, fin février, a-t-on indiqué vendredi de source proche du dossier. Deux arrêts de la cour de cassation imposant aux policiers d'avoir recours à la géolocalisation sous le seul contrôle d'un juge indépendant -et non plus du parquet- au nom du respect de la vie privée, ont semé la consternation chez les policiers. Cinq syndicats de policiers et de magistrats se plaignent d'une "situation intenable" pour les enquêteurs de terrain, qui se disent en quasi chômage technique. Ils ont saisi le président de la commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas, expliquant "l'urgence de mettre en oeuvre une disposition législative. Les enquêtes préliminaires ou flagrantes sous l'autorité des procureurs de la République représentent en effet l'écrasante majorité (90%) des affaires traitées par les officiers de police judiciaire (OPJ). Pour tenir compte de la décision de la cour de cassation, le ministère de la Justice a diffusé le 29 octobre une circulaire qui interdit les mesures de géolocalisation dans toutes les enquêtes menées sous la direction du parquet. Surtout, le ministère a étendu cette interdiction à l'utilisation des balises, des capteurs GPS que les policiers placent sous les voitures des suspects. Ces mesures seront reprises, "si nécessaire", dans le cadre d'une information judiciaire, sous le contrôle d'un juge indépendant, précise la circulaire. ÉVITER L'ANNULATION DES PROCÉDURES Si le passage en information judiciaire est décidé, le procureur devra toutefois saisir la cour d'appel pour annuler tous les éléments déjà collectés relatifs à la géolocalisation. Depuis, des centaines d'affaires sont retardées, des interpellations prévues n'ont pas eu lieu et des situations absurdes défraient la chronique. Certains magistrats du parquet désapprouvent aussi cette directive qui leur demande de supprimer dans tous leurs dossiers les actes d'enquête liés à la géolocalisation. Cette situation n'est toutefois que provisoire, le but pour la Chancellerie étant de sécuriser les procédures en cours pour éviter que les avocats de suspects demandent l'annulation d'actes de procédure ou des remises en liberté. Le ministère de la Justice n'a pas été en mesure d'évaluer, pour l'instant, le nombre de procédures susceptibles d'être fragilisées. Les délits comme l'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, les affaires de stupéfiants ou les vols aggravés sont les premiers concernés. Par deux arrêts rendus le 22 octobre, la cour de cassation avait donné raison à deux plaignants, dont Mohamed Achamlane, l'ex-chef de file de Forsane Alizza -groupe salafiste dissous- arrêté en Loire-Atlantique le 30 mars 2012. La chambre criminelle a considéré qu'il y avait bien violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. "La technique dite de 'géolocalisation' constitue une ingérence dans la vie privée" et ne peut être exécutée que "sous le contrôle d'une autorité judiciaire, ce que n'est pas le parquet, qui n'est pas indépendant". Gérard Bon, édité par Yves Clarisse