L'armée thaïlandaise maintient sa neutralité

BANGKOK (Reuters) - Les leaders de la contestation en Thaïlande ont exposé leurs projets samedi à des responsables de l'état-major des forces armées qui refusent pour l'heure de prendre parti dans la crise politique. "Nous vivons en fonction des règles et de la raison. Une chose est sûre, nous protégeons la vie et les biens du peuple. Réprimer des émeutes ou ce genre de choses, ce n'est pas l'objet de mon travail", a déclaré le commandant suprême des forces armées, Thanasak Patimaprakorn, qui participait à un séminaire public avec les chefs de file de la contestation. La dissolution du Parlement décidée par le Premier ministre, Yingluck Shinawatra, et l'annonce d'élections législatives anticipées le 2 février n'ont pas calmé les esprits, même si la mobilisation dans la rue semble en recul. "Le gouvernement n'a aucune légitimité pour diriger notre pays. Aujourd'hui, la Thaïlande n'a ni gouvernement, ni Parlement. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un vide politique", avait déclaré plus tôt dans la journée Suthep Thaugsuban, chef de file de la contestation. Thaugsuban prône une suspension des institutions en place et la mise en place d'un "Conseil du peuple" qui serait chargé de mener des réformes et d'en finir avec l'influence de Thaksin Shinawatra, le frère de Yingluck et ancien Premier ministre renversé par l'armée en 2006. Dans une note diffusée tard vendredi soir, les chefs de file de la contestation précisent qu'un gouvernement intérimaire aurait pour mission prioritaire de réformer les lois électorales et l'encadrement législatif des partis politiques "pour en finir avec les achats de voix et les fraudes électorales". Ils promettent aussi d'éradiquer la corruption, de lancer un processus de décentralisation et de mettre fin "aux politiques populistes insignifiantes qui permettent la corruption". La contestation souhaite aussi réformer certaines agences de la fonction publique, dont la police, pour les rendre davantage comptables de leurs actions devant le peuple. L'armée, qui a mené 18 coups d'Etat ou tentatives de coup d'Etat au cours des 80 dernières années, s'est tenue pour l'heure à l'écart de la crise actuelle mais a proposé sa médiation. Thanasak Patimaprakorn a réaffirmé samedi que le rôle de l'armée était de servir tous les Thaïlandais. "Si vous prenez une décision, si vous choisissez un camp, la crise sera réglée, si vous choisissez vite, le peuple vous couvrira d'éloges, vous serez un héros", lui a dit Suthep Thaugsuban. Pour Boonyakiat Karavekphan, politologue à l'université Ramkamhaeng de Bangkok, il ne fallait pas attendre grand'chose de cette rencontre. "L'armée est tout à fait consciente qu'elle ne peut prendre parti et qu'elle ne peut agir comme elle l'a fait dans le passé parce que la communauté internationale l'observe de près", expliquait-il avant la rencontre. Alan Raybould et Orathai Sriring; Henri-Pierre André pour le service français, édité par Jean-Loup Fiévet