François Hollande apaise Florange avec un centre de recherche

par Gilbert Reilhac FLORANGE, Moselle (Reuters) - François Hollande a annoncé jeudi la création à Florange d'un centre public de recherche pour la sidérurgie française qui doit permettre "d'assurer l'acier de demain" dans un bassin industriel qui a vu fermer ses derniers hauts-fourneaux. Le président français est revenu sur le site mosellan d'ArcelorMittal pour honorer une promesse faite durant la campagne de l'élection présidentielle aux sidérurgistes qu'il était venu soutenir dans leur combat pour sauver la phase liquide et ses 629 emplois. A son arrivée, l'accueil était plutôt frais, une centaine de manifestants dont certains, de la CGT et du Front de gauche, l'ont hué et sifflé, estimant avoir été trahis par le candidat devenu président. "Hollande comme Sarkozy, le président des patrons", affirmait la pancarte d'un militant de la CGT. Mais après une rencontre de plus de deux heures avec les syndicalistes, ces derniers ont salué les engagements pris par François Hollande. "Aujourd'hui, je suis venu faire une annonce, qui est celle de la création d'une plate-forme publique de recherche et de développement industriel pour la sidérurgie lorraine", a-t-il dit lors d'une courte déclaration. "Cette plate-forme est publique parce qu'elle vise à garantir l'indépendance de la sidérurgie française", a-t-il ajouté en promettant de revenir chaque année à Florange pour vérifier que les promesses sont tenues. Ce centre de recherche sera installé à Florange et doté, dès 2014, de 20 millions d'euros de fonds publics pris sur le Programme des investissements d'avenir. Le montant des interventions de l'Etat pourra atteindre 50 millions d'euros en fonction du succès de l'appel à projets qui va être lancé. DÉBAT "MUSCLÉ" Edouard Martin, syndicaliste CFDT et leader emblématique du combat mené par les "Florange", n'a pas caché sa satisfaction en évoquant cette "lueur d'espoir". "Enfin quelque chose de positif pour la Lorraine et pour la vallée de Fensch", a-t-il déclaré à la presse. Alors qu'ArcelorMittal peut, demain, quitter la Lorraine en emportant les brevets de l'entreprise, cette structure doit permettre, selon lui, à de nouveaux industriels d'émerger et de développer les aciers du futur. "On sort enfin un petit peu des griffes de Mittal", s'est-il réjoui. L'échange avec François Hollande, a-t-il précisé, a été "musclé". "On s'est dit les choses fermement avec tout le respect qu'on doit à la fonction présidentielle, mais on n'a pas mâché nos mots, on lui a dit toute la rancoeur, l'amertume, la colère que nous avions depuis le 30 novembre", a-t-il ajouté. Le 30 novembre 2012 est la date de la signature de l'accord entre le gouvernement et ArcelorMittal qui entérinait l'arrêt des hauts-fourneaux et la disparition de 629 emplois, sans licenciement, avec la promesse d'un investissement de 180 millions d'euros sur cinq ans par le sidérurgiste indien. Bien que tous les syndicats aient qualifié l'accord de trahison, la CFDT et la CFE-CGC ont accepté de participer au comité de suivi mis en place pour en vérifier sa mise en œuvre, tandis que la CGT et FO s'y refusaient. HOLLANDE JUSTIFIE SES CHOIX Même la CGT a pourtant salué l'annonce présidentielle. "On ne va pas cracher dans la soupe", a déclaré Lionel Burriello, secrétaire de la section CGT de Florange. "Mais mine de rien, on parle des emplois de demain alors qu'on n'a pas de garanties pour les emplois d'aujourd'hui." François Hollande n'était pas venu en Moselle pour un exercice d'autoflagellation sur le choix qui a été fait de renoncer à nationaliser le site, contrairement à ce que prônait le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. "Ces choix ont été dans l'intérêt de Florange", a-t-il dit en soulignant les garanties apportées par l'accord de 2012. Celui-ci prévoyait aussi la réalisation du projet Ulcos, une installation pilote de captage et d'enfouissement du CO2 produit par les hauts-fourneaux, auquel ArcelorMittal a pourtant renoncé. Les syndicats espèrent encore des engagements sur la réalisation à Florange d'un démonstrateur pour le projet Lis (Low impact steelmaking), un haut-fourneau à faibles émissions de CO2 qui pourrait succéder à Ulcos. Seule la réalisation de la partie recherche est pour l'instant actée en Lorraine. Enfin, François Hollande a attribué aux travailleurs de Florange la paternité de la loi du même nom dont il admet qu'elle n'aurait pas été adaptée à leur site. En cours de discussion au Parlement, elle ouvre la voie à des pénalités pour les entreprises fermant un site rentable sans chercher un repreneur. "Là encore, le combat des salariés de Florange aura été utile", a expliqué le président français. Avec Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse