Football: Belounis va porter plainte contre ses clubs au Qatar

Le footballeur franco-algérien Zahir Belounis, tout juste revenu du Qatar où il a été retenu un an et demi sur fond de litige avec son club, va porter plainte à Paris contre trois personnes dont un frère de l'émir. /Photo prise le 3 décembre 2013/REUTERS/Charles Platiau

par Gregory Blachier PARIS (Reuters) - Le joueur de football franco-algérien Zahir Belounis, tout juste revenu du Qatar où il a été retenu un an et demi sur fond de litige avec son club, va porter plainte à Paris contre trois personnes dont un frère de l'émir, a annoncé mardi son avocat. Belounis est rentré en France la semaine dernière après avoir obtenu le visa de sortie que les autorités lui refusaient en raison d'une procédure en justice lancée contre le club d'Al Jaish, auquel il réclame deux ans et demi de salaires impayés. Pour obtenir son visa, il dit avoir dû signer une lettre de licenciement antidatée à février 2013, qui le prive du reliquat du contrat signé avec Al Jaish en 2010 pour une durée de cinq ans - 120.000 à 150.000 euros selon son avocat. "On va saisir le parquet de Paris d'une plainte sur trois fondements : escroquerie, extorsion de fonds et travail dans des conditions particulièrement inhumaines", a déclaré son avocat, Me Franck Berton, lors d'une conférence de presse. "La circonstance est aggravée en raison de la nationalité étrangère de Zahir au Qatar", a-t-il ajouté, en référence au système dit de la "kafala", une tutelle entre un travailleur étranger et son employeur. Trois personnes, dont un membre de la famille royale, seront visées par la plainte, a précisé Me Berton : Dahlan Gamaan al Ahmad, président de Military Sports Association, où Zahir Belounis a joué entre 2007 et 2010, et deux personnes liées à Al Jaish, émanation du premier créé en 2010. Il s'agit du secrétaire général du club et le Cheikh Jooan Bin Hamad al Thani, frère de l'émir du Qatar, que Me Berton a présenté comme le président d'Al Jaish. JUSTICE FRANÇAISE COMPÉTENTE Selon l'organigramme visible sur le site internet de la Fédération qatarie de football, le club est présidé par le chef d'état major des armées, Hamad bin Ali al Attiyah. Mais Frank Berton, qui défend également un entrepreneur emprisonné au Qatar, affirme viser les bonnes personnes et s'en est expliqué à Reuters par téléphone. "J'envisage de saisir la justice concernant le cheikh parce qu'on me le présente au Qatar et de manière publique comme le propriétaire du club", a-t-il souligné, ajoutant qu'une instruction, s'il y en a une, pourrait permettre d'établir les responsabilités réelles. "Si de fait il est propriétaire du club, nous l'entendrons. Si cet homme me dit 'je ne suis pas responsable' et que c'est le chef d'état major, nous entendrons le chef d'état major", a-t-il ajouté. L'avocat a précisé que la justice française était compétente puisqu'il s'agissait d'une affaire concernant un ressortissant français. Le parquet dispose de six mois pour éventuellement confier le dossier à juge d'instruction. "IMAGINEZ UN PHILIPPIN" En marge de cette annonce, Zahir Belounis et son avocat ont souhaité que le football puisse mener la charge en faveur d'une amélioration des droits des travailleurs étrangers au Qatar, notamment les ouvriers employés pour construire des stades en vue du Mondial 2022. Le syndicat international des joueurs professionnels, la FIFpro, a délégué la semaine dernière Mads Olsen à Doha pour tenter d'obtenir la suppression de la kafala. Il y a été reçu par le secrétaire général du comité d'organisation de la Coupe du monde 2022, Hassan al Thawadi. Cet appel fait écho à celui lancé début novembre par le rapporteur spécial des Nations unies sur ce dossier. "Le système qui régule les relations entre employeurs et travailleurs immigrés, avec un permis de travail lié à un seul employeur, est problématique et source de violations envers les immigrés," avait alors dit le rapporteur, François Crepeau. L'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International a pour sa part dénoncé dans un rapport le "niveau alarmant d'exploitation" des ouvriers étrangers au Qatar. Lors de la conférence de presse organisée mardi dans les locaux parisiens de la FIFpro, son président, Philippe Piat, a estimé que le Mondial était l'occasion de faire pression sur les autorités qataries. "La Coupe du monde est un levier car le Qatar voudrait que la tension baisse", a-t-il dit. Zahir Belounis et son avocat ont, de concert, rappelé que leur combat devait avoir valeur d'exemple. "Je ne suis pas un héros, je ne cherche pas la notoriété, je dénonce un système", a assuré Zahir Belounis, qui dit avoir vécu "l'enfer" et dont la situation a nécessité l'intervention de la diplomatie française à très haut niveau. "Je suis Français, footballeur et ça a pris des mois. Imaginez un Philippin, travailleur sur des grues..." Edité par Gilles Trequesser