Comment les sportifs arrondissent leurs fins de mois



Le sport de haut niveau peut se révéler plus ou moins payant selon les disciplines. Mais pour les athlètes sachant cultiver leur image, les contrats publicitaires peuvent être un vrai jackpot.


Il était une fois un sportif un peu... perché ! Frank Lenz, un Américain né en 1867 et comptable de son état, rêvait de faire le tour du monde en grand-bi, ce vélo doté d'une énorme roue avant, dont le diamètre pouvait aller jusqu'à 1 mètre 50. Revenu à un peu de réalisme, il entreprit finalement l'aventure sur une bicyclette dite "de sécurité", plus proche des modèles actuels et infiniment plus stable, aventure dont il ne devait jamais revenir, porté disparu quelque part en Turquie. Pour financer son aventure, ce fou du guidon avait fait appel au magazine Outing, en échange de chroniques et photos de son exploit, sans se douter qu'il était un précurseur d'un marché en pleine expansion aujourd'hui... le sponsoring sportif.

Une bonne image peut rapporter gros


"Si Maria Sharapova est, à 24 ans, la sportive la mieux payée au monde, avec des revenus de 24,5 millions de dollars, ce n'est pas seulement pour ses performances sportives, assure Emmanuel Frattali, co-fondateur de sponsonring.fr, média spécialisé dans le marketing sportif. Les contrats publicitaires représentent plus de la moitié de sa rémunération." Et elle n'hésite pas à zapper d'une marque à l'autre : elle est désormais ambassadrice de Samsung, après avoir vendu son image à Sony Ericsson et... Motorola. Elle est plus fidèle à son équipementier sportif : elle a signé pour huit ans avec Nike, pour un total de... 48 millions de dollars. En marge de leur talent sportif, certains athlètes ont une image à vendre, qui est fonction de plusieurs paramètres : leur histoire personnelle, leur palmarès, et évidemment la portée médiatique de leur sport. Le choix par un annonceur d'un sport plutôt qu'un autre doit répondre, lui, à une logique de communication. "Avec le football, on peut toucher un public jeune et très large, explique Emmanuel Frattali. Le cyclisme véhicule également une image populaire et des valeurs comme le dépassement de soi, avec l'avantage pour l'annonceur d'un ticket d'entrée moins élevé. Quant à un sport comme le golf, il est plus adapté pour toucher une clientèle à fort pouvoir d'achat."

Les performances comptent... en général !

Bien évidemment, pour séduire les marques, mieux vaut avoir des performances "top niveau", comme dans le cas de Sharapova. C'est un sérieux avantage, mais à y regarder de plus près, ce n'est ni nécessaire, ni suffisant. Le cas d'une autre joueuse de tennis russe, Ana Kournikova, est à ce titre très intéressant. Après avoir atteint les demi-finales de Wimbledon à seulement 16 ans, elle ne se montra ensuite jamais à la hauteur des espoirs placés en elle, ne remportant aucun tournoi professionnel en simple. Mais elle sut parfaitement jouer sur son image glamour de "poupée russe" et aligner les contrats publicitaires bien plus vite que les aces, ce qui n'a pas manqué de susciter quelques railleries de la part de ses consoeurs. A l'inverse, si Franck Ribéry est aujourd'hui le sportif français le mieux payé (11,4 millions d'euros en 2011), c'est essentiellement grâce au juteux salaire que lui verse le Bayern de Munich, évalué à 900.000 euros par mois. Les annonceurs, eux ne se bousculent pas : l'affaire Zahia et celle de la Coupe du monde en Afrique du sud continuent de peser sur son image.

Souvent, c'est le parcours passé qui compte, plus encore que les performances actuelles. "Au dernier Masters d'Augusta, Tiger Woods n'a pas brillé et pourtant on ne parlait que de lui. S'il n'est pas à un tournoi, les audiences télé sont divisées par deux", rappelle Emmanuel Frattali. Et si le golfeur a perdu quelques annonceurs (Electronic Arts, Accenture, Gillette) suite à des frasques conjugales fort médiatisées, il reste le sportif le plus "bankable" de la planète : 75 millions de dollars de revenus annuels au dernier pointage !

Un marché en croissance

Parmi les sports qui montent aux yeux des sponsors français, le rugby, encore relativement peu onéreux pour les marques, et la natation figurent en bonne place. Si 7 des 10 sportifs français les mieux payés sont footballeurs, la cote de leur sport est en berne, la période récente ayant terni son image. En témoigne la chute de revenus vertigineuse de Thierry Henry. Il n'a gagné "que" 9,2 millions d'euros en 2011, soit presque 50% de moins qu'en 2010. Il perd ainsi sa première place au classement des sportifs français et tombe même à la quatrième place, mais il reste une valeur sûre.

Le sponsoring sportif est sensible à la conjoncture et on a vu depuis début 2012 le retrait de quelques marques emblématiques (Groupama et Veolia dans la voile, Peugeot en sport automobile). Mais gare aux arbres qui cachent la forêt ! D'après une étude récente, PricewaterhouseCoopers estime que le marché du sponsoring sportif a représenté 35 milliards en 2011 au niveau mondial, ce qui en fait déjà la deuxième ressource du monde sportif, derrière la billetterie mais devant les droits de diffusion. Et avec un rythme de croissance de 5,3% par an sur la période 2010-2015, il pourrait prendre la première place dès 2014 en dépasant 45 milliards de dollars.

Emmanuel Schafroth

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