Claude Lanzmann toujours marqué par «Shoah»

Claude Lanzmann à Cannes le 17 mai 2008.

Le cinéaste Claude Lanzmann, qui sera récompensé jeudi d’un Ours d’or d’honneur à la Berlinale pour l’ensemble de son œuvre, estime que cette récompense lui donne raison pour s'être obstiné à faire Shoah, un film dont il pensait qu’il pourrait être «libérateur pour les Allemands».

Que représente pour le réalisateur de Shoah cet Ours d’or d’honneur décerné à Berlin ?

Je vais vous dire: ça me donne raison parce que pendant les douze années du travail sur Shoah, avec des difficultés énormes qui ont fait que j’ai eu souvent l’occasion d’abandonner, une des choses qui m’a poussé à m’obstiner, à m’entêter, c’est que je pensais que Shoah serait un film libérateur pour les Allemands. Je le pensais profondément pendant que je faisais le film. Je pensais que ça aiderait profondément les Allemands à se confronter à ce terrible passé. Il ne faut quand même pas oublier qu’ils sont restés muets pendant de très, très longues années. L’immensité du crime les a bâillonnés, ils ne pouvaient même pas parler de leurs propres souffrances.

Quel souvenir gardez-vous de la projection de Shoah, ici, en 1986 ?

Shoah a été présenté dans la section Forum par Ulrich Gregor (historien et critique allemand de cinéma, ndlr) et je me souviens qu’il y a eu trois ou quatre projections de l’intégralité. Les salles étaient bondées et les genoux des gens s’entrechoquaient. C'était très dur pour eux de voir ce film et c'était très dur pour moi de le leur montrer. De temps en temps, quelqu’un se levait, je me disais: "tiens, en voilà un qui part, qui ne peut plus supporter". Pas du tout, il sortait, tirait deux bouffées sur sa cigarette, il rentrait. Après, on avait des discussions qui duraient la nuit entière, avec des jeunes Allemands, c'était formidable. Dans la boîte aux lettres de mon hôtel sur le Kurfürstendamm (la principale artère de Berlin-ouest), il y avait des masses de lettres qu’ils écrivaient spontanément, il y en avait de très belles.

Comment appréciez-vous le travail (...)

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