Amertume après le procès de la légionellose, malgré des peines maximales

Le jugement des responsables d'une épidémie de légionellose qui avait fait 14 morts fin 2003-début 2004 dans le Pas-de-Calais en France laissait jeudi un sentiment d'amertume aux familles, malgré la condamnation d'industriels à des peines d'amendes maximales. A la sortie de l'audience, plusieurs proches de victimes confiaient qu'ils auraient voulu "qu'on reconnaisse quand même la gravité de la chose et là ça n'en a pas l'air", a expliqué bouleversée Mme Delaby, dont le mari est décédé pendant l'épidémie. Noroxo, filiale d'ExxonMobil, et son sous-traitant GE Water, chargé du traitement de l'eau, ont pourtant été reconnus "responsables pénalement" par le tribunal correctionnel de Béthune de l'épidémie de légionellose qui s'était propagée autour de l'usine pétrochimique d'Harnes (Pas-de-Calais). Les deux sociétés ont été condamnées chacune à une amende de 375.000 euros, comme l'avait demandé le parquet. Elles étaient poursuivies pour homicides et blessures involontaires, mais les faits ont été requalifiés en "complicité" pour GE Water. Noroxo a été reconnu coupable de n'avoir pas respecté un arrêté préfectoral qui lui imposait la fermeture en raison d'une concentration en légionelles largement supérieure au seuil autorisé. Les condamnations "sont des peines maximum, nous ne pouvons que nous en réjouir (...) Au bout de 9 ans de procédure, c'est une grande satisfaction", a estimé l'avocate des parties civiles Me Sylvie Topaloff. L'avocate a en revanche jugé "généreuse" l'attitude du tribunal envers l'ancien directeur de Noroxo, Johnny Malec, "compte tenu de l'importance des conséquences qu'avait eu ce geste terrible de ne pas fermer l'usine". M. Malec a été condamné à 35.000 euros d'amende et un an de prison avec sursis, alors que le parquet avait demandé le double. Pendant les dix jours du procès en décembre, l'ancien responsable avait nié toute responsabilité, et l'avocat de Noroxo avait fait valoir qu'un arrêt immédiat des installations était impossible à cause de risques d'explosion. L'épidémie s'était propagée en deux vagues, de novembre 2003 à janvier 2004, dans l'ancien bassin minier lensois autour de l'usine Noroxo, seule source de contamination identifiée et démantelée depuis par son propriétaire, le groupe américain ExxonMobil. "Il faut continuer la lutte, des gens ne peuvent pas mourir comme ça, inutilement", a tempêté Alain Leduc, dont le père avait été emporté par la légionellose, et qui espérait "plus que ça" pour les responsables. La légionellose avait fait 83 victimes dont 14 morts. Cette infection pulmonaire grave, mais non contagieuse, est due à une bactérie qui prolifère dans l'eau tiède ou chaude. La contamination se fait par inhalation de micro-gouttelettes d'eau contaminée. Le montant de la compensation accordée par le tribunal, 300 euros par famille, a aussi suscité une vive émotion chez certains. "C'est un manque de respect. C'est pas le montant de la somme, mais c'est la représentation de ce que c'est de tuer quelqu'un", a regretté Mme Delaby. La majorité des quelque 80 parties civiles a toutefois déjà été indemnisée par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI). GE Water France, chargée du traitement de l'eau sur le site, a d'ores et déjà fait appel du jugement, "fondé sur une mauvaise interprétation des textes applicables en la matière (et) en inadéquation avec les faits", selon un communiqué. Les avocats de Noroxo ne se sont pas exprimés à la sortie de l'audience, mais Me Topaloff "n'imaginait pas" qu'ils ne fassent pas appel.