Accord historique sur le nucléaire iranien

par Parisa Hafezi et Justyna Pawlak GENEVE (Reuters) - L'Iran a conclu dimanche avec les grandes puissances un accord préliminaire sur son programme nucléaire qui prévoit de limiter l'enrichissement d'uranium en échange d'un allégement des sanctions et qui pourrait changer la donne au Moyen-Orient. Conclu à Genève après quatre jours de négociations, entre Téhéran d'un côté, et l'Allemagne, la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie, de l'autre, il constitue un premier pas vers la sortie d'une impasse diplomatique vieille de plus d'une décennie. Barack Obama a salué un "premier pas important", mais a averti que les sanctions seraient rétablies et que Washington "accentuerait la pression" si Téhéran ne respecte pas ses engagements. "Cela peut être la base de nouvelles actions intelligentes. Sans aucun doute, la grâce de Dieu et les prières de la nation iranienne ont été un facteur de ce succès", s'est pour sa part félicité Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution iranienne, dans une lettre adressée au président Hassan Rohani publiée par l'agence de presse iranienne Irna. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a en revanche parlé d'une "erreur historique". Le secrétaire d'Etat américain John Kerry s'est efforcé de le rassurer. "Je crois qu'à partir d'aujourd'hui et pour les six mois qui viennent, Israël sera en fait plus en sécurité qu'hier parce que nous avons maintenant un mécanisme qui va allonger le délais nécessaire" pour que l'Iran se dote de l'arme atomique, a-t-il souligné sur l'antenne de CNN. Le texte adopté à Genève, qui porte sur une période de six mois, a pour but de rétablir pas à pas la confiance entre Téhéran et les puissances occidentales après des décennies de tensions. Les Etats-Unis et l'Iran, qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis la révolution islamique de 1979, avaient au préalable mené des discussions bilatérales directes et secrètes, a révélé un membre de l'administration américaine. La reprise du dialogue et l'accord de dimanche pourraient bouleverser la géopolitique du Moyen-Orient. SOULAGEMENT EN IRAN Selon les Etats-Unis, l'accord suspend les volets les plus controversés du programme nucléaire iranien. Il prévoit notamment l'arrêt de la construction du réacteur à eau lourde d'Arak, qui produirait du plutonium utilisable à des fins militaires, et celui de l'enrichissement d'uranium au-dessus de 5%, ainsi que la neutralisation des stock enrichis à 20% et des inspections de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Les six grandes puissances s'engagent quant à elle à ne pas imposer de nouvelles sanctions au cours des six prochains mois. Les Etats-Unis estiment que l'allégement des sanctions en vigueur va permettre à Téhéran de bénéficier de 1,5 milliard de dollars de revenus liés au commerce de l'or et des métaux précieux. Certaines restrictions pourraient également être suspendues dans le secteur automobile et les exportations de produits pétrochimiques iraniens pourraient redémarrer. Mais l'essentiel, notamment l'interdiction d'accéder au système bancaire international, restera en vigueur tant que les soupçons sur les réelles intentions de l'Iran n'auront pas été totalement dissipées. "Les quelque sept milliards de dollars d'allègement ne sont qu'une petite partie des coûts qui continueront à peser sur l'Iran durant cette première phase dans le cadre des sanctions qui resteront en vigueur", a déclaré la Maison blanche. "La grande majorité des quelque 100 milliards de dollars d'avoirs iraniens en devises est inaccessible ou d'accès restreint." L'allègement des sanctions commencera effectivement dans deux ou trois semaines, a déclaré Mohammad Javad Zarif, le chef de la diplomatie iranienne, selon l'agence Mehr. La devise iranienne était en hausse de 3% dimanche face au dollar tandis que de nombreux Iraniens ont exprimé leur soulagement. VICTOIRE POUR TOUS Les représentants des grandes puissances sont apparus eux aussi soulagés, voire euphoriques après la lecture du communiqué annonçant l'accord par Catherine Ashton, porte-parole de la diplomatie européenne, en plein milieu de la nuit à Genève. La diplomate britannique et le secrétaire d'Etat américain John Kerry sont tombés dans les bras l'un de l'autre. John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov se sont serré la main. Quelques minutes après, alors que la délégation iranienne posait pour des photos, Mohammad Javad Zarif et son homologue français Laurent Fabius se donnaient l'accolade. Ce dernier, qui a fait preuve de fermeté lors de la précédente série de négociations, il y a 15 jours, s'est prudemment contenté de souligner que l'accord excluait "tout accès à l'arme nucléaire". François Hollande, qui parle d'un "pas important dans la bonne direction", estime que l'accord "constitue une étape vers l'arrêt du programme militaire nucléaire iranien, et donc vers la normalisation de nos relations avec l'Iran." "La France continuera de se mobiliser pour parvenir à un accord final sur ce sujet", a-t-il dit dans un communiqué. A Moscou, Vladimir Poutine a parlé d'une victoire pour tous et a invité toutes les parties à trouver une solution à long terme à même de garantir le droit de l'Iran à exploiter la filière nucléaire à des fins énergétiques et la sécurité de tous dans la région, y compris celle d'Israël. "C'est seulement le premier pas sur un chemin long et difficile (...), mais les principes d'évolution pas à pas et de réciprocité ont trouvé une illustration dans le document approuvé qui a été reconnu internationalement", du le président russe dans un courrier électronique transmis à Reuters. Avec John Irish, Gérard Bon, Parisa Hafezi, Justyna Pawlak, Louis Charbonneau, Arshad Mohammed, Fredrik Dahl et Stephanie Nebehay; Julien Dury, Danielle Rouquié et Jean-Philippe Lefief