Qui est Papacito, le youtubeur d'extrême droite condamné pour des menaces de mort contre un maire ?

Le verdict est tombé : Papacito a écopé de 5 000 euros d’amende pour injures publiques homophobes et provocation à la haine envers le maire de Montjoi, qu'il avait ciblé dans deux vidéos publiées en 2022.

Le Youtubeur Papacito est jugé pour injures et provocation à la haine et au crime envers le maire de Montjoi. (Capture d'écran VA+)
Le Youtubeur Papacito est jugé pour injures et provocation à la haine et au crime envers le maire de Montjoi. (Capture d'écran VA+)

Près de deux ans après les faits, Papacito a été condamné par la justice. Il était poursuivi pour injures et provocation à la haine et au crime envers le maire de Montjoi. Le verdict est tombé ce 26 avril : le youtubeur d'extrême droite Papacito, de son vrai nom Ugo Gil Jimenez, devra payer une amende de 5 000 euros pour "injures publiques homophobes et provocation à la haine".

Lors du procès, le parquet a estimé qu’Ugo Jil Gimenez avait "bel et bien franchi la ligne jaune". Si l’influenceur a répondu qu’il n’était pas responsable de la "réception" de ses vidéos, le vice-procureur a toutefois rétorqué qu’elles avaient contribué à "susciter l’acharnement qui s’est abattu sur le maire" de Montjoi, victime de menaces de mort, rapporte Le Figaro.

Papacito a également expliqué à la barre avoir utilisé "l'outrance et la provocation" afin de " faire émerger médiatiquement l'affaire de Montjoi", rapporte la journaliste de Radio France Charlotte Piret.

Dans les vidéos incriminées, qui totalisaient plusieurs centaines de milliers de vues, Papacito, 37 ans, avait dépeint le maire de la commune en "fouine" qu'il faut chasser et capturer. Dans l’une d’elles, on voyait l’édile interpellé, puis ridiculisé, au sein même de sa mairie, par les auteurs de la vidéo. Elle se terminait avec l'apparition d’une "fouine" géante en peluche, campée par un proche du youtubeur, capturée et soumise à un viol fictif, avant d'être laissée pour morte dans une carrière.

En novembre dernier, Papacito publiait une autre vidéo sur le maire, supprimée depuis. Après leur publication sur Youtube, le maire de la commune avait dû être placé sous protection policière. À l'origine de ces vidéos, un contentieux local : l'édile est accusé d'avoir favorisé un résident anglais aux dépens d'un agriculteur, ce dernier a depuis fait appel au Youtubeur controversé, qu'il présente comme un ami depuis 6 ans, et qui n'en est pas à sa première polémique.

En juin 2021, le vidéaste se fait remarquer en s'en prenant aux électeurs de La France Insoumise. Dans une vidéo publiée sur sa chaîne Youtube, affublé d'un treillis militaire, on le voyait tirer avec des armes à feu sur un mannequin représentant un électeur LFI, ensuite lardé de coups de couteau, "aujourd'hui, on va tester si le gauchisme est pare-balles", lançait-il notamment. Papacito prodigue au passage des conseils pour se procurer des armes et des munitions en toute légalité.

Si la vidéo avait rapidement été retirée de la plateforme, elle avait suscité une vive émotion à l'époque. Jean-Luc Mélenchon avait décidé notamment de porter plainte contre Papacito pour "provocation au meurtre". Après ouverture d'une enquête préliminaire en juin 2021, le parquet de Paris l'avait finalement classée sans suite. Une nouvelle plainte a été déposée en septembre 2022, cette fois-ci avec constitution de partie civile, pour provocation au meurtre ou atteinte à l'intégrité, ce qui permet l'ouverture quasi-automatique d'une information judiciaire dirigée par un juge indépendant.

En juillet 2022, le vidéaste se distingue en menaçant le journaliste de Libération Pierre Plottu : "Je vais faire les 2 000 bornes qui me séparent de son domicile en criant son nom toutes les trois secondes. Plottu ! Plottu ! Plottu j’arrive", a-t-il notamment déclaré dans une vidéo mise en ligne sur Instagram. "Voilà, ça va être ça, bien sûr avec de l’équipement et tout, voilà quoi. Pour avoir une discussion, attention rien de violent. Je ne veux pas que cet extrait soit repris par un article, rien de violent, je veux juste discuter avec ce type", a-t-il ajouté. Le journaliste a déposé plainte, appuyé par sa rédaction.

Papacito est devenu célèbre grâce à la BD "FDP de la mode" qu'il a co-écrite avec le dessinateur Marsault, et publiée aux éditions Ring, réputée pour éditer des figures classées à l'extrême droite. "Papacito Marsault, c'est l'alliance de deux des plus gros méchants du net, qui mettent en commun leur absence de finesse et leur taux anormalement élevé de testostérone pour produire la bande dessinée la plus intolérante de la décennie", résume la maison d'édition.

En 2018, il crée un groupe sur Internet baptisé "Vengeance patriotes" aux côtés d'une autre figure de la fachosphère, Le Raptor dissident, qui réunit 400 membres qui s'entraînent au combat avant l'effondrement de la République.

La violence et l'autorité l'animent particulièrement, comme l'attestent ses propos admiratifs sur le major Gérald, militaire français de la légion étrangère devenu célèbre sur Youtube pendant le confinement. "Niveau pédagogie, c'est ce qu'il nous faudrait à l'Éducation nationale. Il met des énormes coups de lattes en insultant les mecs. Ce qui, jusqu'à preuve du contraire, est le truc qui fonctionne le mieux au monde", explique-t-il dans des propos relayés par LCI. De même que sur son compte Twitter, cet ancien déménageur et agent de sécurité appelait à purger tous les collabos et journalistes, à qui il promettait de briser la nuque sur le trottoir à coups de talons.

Papacito, qui dénonce à l'envi le laxisme de la justice et la féminisation de la société, se dit royaliste et opposé à l'islam, et a été qualifié de "garçon sympathique, intelligent" par Éric Zemmour avant qu'il ne se lance - officiellement - en politique. Papacito a ensuite appelé à voter pour l'ancien journaliste à l'élection présidentielle.

"Lui et ses pairs ont un terme, 'dématrixer', détourner les gens de leur idéologie traditionnelle, ouvrir les yeux aux gauchistes et les faire basculer dans leur camp", expliquait le chercheur Romain Fargier, doctorant et chercheur au Cepel (Centre d'études politiques et sociales de Montpellier), interrogé sur France Inter.

S'il publie peu sur Youtube, neuf vidéos en quatre ans, ses vidéos sont des succès. Il y aborde fréquemment des sujets tels que l'immigration, la violence, le gauchisme ou encore la virilité, n'hésite pas à vanter les mérites de dictateurs tels que Bachar El-Assad, Saddam Hussein, des modèles de virilité auxquels il s'identifie, le tout en étant très vulgaire et en n'hésitant pas à insulter ceux qui ne partagent pas ses idées, faisant de lui une figure du nationalisme sur Internet.

Invité dans des médias étiquetés à l'extrême droite tels que Sud Radio, Valeurs Actuelles ou encore le site pro-russe Sputnik avant qu'il ne soit rendu inaccessible en raison de la guerre en Ukraine, l'écrivain passionné d'histoire et du Moyen-Âge a de plus en plus de visibilité ces dernières années.

Si son compte Twitter a été suspendu en janvier 2021 alors qu'il comptait 75 000 abonnés, il n'a jusqu'ici jamais été épinglé par la loi. Il se sert de l'humour et du second degré pour pouvoir véhiculer ses discours violents et contourner la majeure partie du temps la censure des plateformes, comme le prouvent ces propos lors de sa dernière vidéo désormais supprimée : "Le but de la vidéo n’est pas de vous engager à produire de la violence. Elle est purement expérimentale". Mais si tout passe comme de l'humour avec son art de manier le second degré et la provocation, ses interventions ont bien pour but de faire passer un message politique.

"Quand on croit ce qu'on dit et qu'on le porte avec vigueur, ça finit par être entendu", expliquait-il à Sputnik pour donner la recette de son succès. Une chose est sûre, bien que supprimée, cette dernière vidéo a fait office de très bonne campagne marketing. En juin 2023, sa chaîne a elle aussi été fermée par l'entreprise américaine alors qu'elle flirtait avec les 200 000 abonnés.