"On est dans un bon temps de passage": à un an de Paris 2024, le président de la Fédération française de cyclisme fait le bilan des Mondiaux

"On est dans un bon temps de passage": à un an de Paris 2024, le président de la Fédération française de cyclisme fait le bilan des Mondiaux

RMC Sport: Quel bilan faites-vous de ces mondiaux ?

Michel Callot: C’est un bilan très large. Pour la première fois on avait l’ensemble de nos disciplines réunies en une dizaine de jours, donc ça fait beaucoup de monde. Au total, on a 42 médailles (13 médailles d’or, 19 d’argent, 10 de bronze, toutes catégories d’âge confondues ndlr.). Elles se répartissent sur à peu près tous les terrains de jeu. C’était une belle démonstration pour la France de son éclectisme en matière de cyclisme. On était aussi la plus grosse délégation avec plus de 160 athlètes. On est sans doute la nation qui est capable de performer sur le plus de terrains différents.

La dernière journée des mondiaux a été marquée par un triplé historique en BMX Race…

On parle vraiment d’un exploit. On a eu plusieurs fois au moins trois pilotes français au départ de grandes finales internationales, et puis ça ne nous a jamais trop souris. Là, on en avait cinq en finales et ils ont réalisé ce fantastique triplé qui restera dans l’histoire. On n’avait pas gagné le titre mondial depuis 2018, donc ça faisait un petit moment. En plus avec ce triplé, ça nous permet de regarder un peu différemment le bilan des disciplines qu’on va retrouver l’année prochaine aux Jeux olympiques (le BMX Race est une discipline olympique ndlr.).

Il y a aussi ce doublé de Pauline Ferrand-Prévot et Loana Lecomte en cross-country olympique…

Ça montre leur capacité à allier leurs forces. Quand vous avez des pilotes de ce calibre-là, c’est important de créer une alchimie qui fasse que la réussite de l’une entraîne la réussite de l’autre. Peut-être que ça a été un petit peu compliqué au début. Loana arrivait, Pauline était très installée dans son statut de star du VTT. Aujourd’hui, je pense qu’on a parfaitement réussi à créer cette émulation, et à faire en sorte qu’elles s’entraînent vers la réussite de très haut niveau.

Il y a aussi des résultats plus compliqués dans certaines disciplines. Quel bilan faites-vous des épreuves de route ?

Le circuit de la course en ligne était très particulier. Il s’apparente à ce qu’on peut retrouver sur les classiques flandriennes. Et on sait que ce n’est pas le gros point fort des Français… Mais il y a des choses à nuancer malgré tout. Chez les hommes, la malchance de Christophe Laporte, éliminé par sa crevaison. Chez les filles, il y avait peut-être moins de surprise parce qu’on n'a pas eu une grande campagne de classiques des Françaises. Elles se sont exprimées sur d’autres terrains mais pas sur les classiques. Donc c’était quand même assez compliqué.

Pour autant, Juliette Labous a signé un 5e temps au contre-la-montre. C’est une performance très encourageante pour la suite. Elle n’a que 24 ans. Cédrine Kerbaol a aussi confirmé son maillot blanc du Tour de France en faisant podium sur le chrono. Côté féminin je retiens ces satisfactions, et la victoire en juniors qui augure peut-être de belles choses pour les prochaines années.

Chez les hommes c’est un peu pareil, avec moins de réussite sur le chrono. Mais la splendide victoire d’Axel Laurance en espoirs, il faut aller la chercher. C’est quand même une fierté de repartir avec ces deux titres.

Sur la piste on avait connu un bilan exceptionnel l’an passé (3 médailles d’or, 3 d’argent, 1 de bronze). C’est plus décevant cette année, même s’il y a eu cinq médailles (2 d’argent et 3 de bronze) …

C’est un petit peu plus modeste cette année. On s’approche des Jeux olympiques et on a vu le niveau s’élever par rapport à l’année dernière. Ça pointe aussi du doigt un certain nombre de sujets pour nous, sur lesquels il va falloir se concentrer pour reprendre la marche en avant et pouvoir confirmer par des médailles aux JO. Je pense que ça ne remet pas en cause les fondements, mais c’est un renvoi à nos devoirs assez net. Il faut qu’on le prenne comme tel et qu’on s’y concentre. Mais en même temps on a des choses qui s’affirment. Sur l’endurance féminine la récurrence de résultats est là. C’est sur le sprint où il y a peut-être encore à solidifier nos performances.

Justement, quels vont être les axes d’améliorations pour le cyclisme français avant les Jeux?

Au niveau de nos entraîneurs et de nos staffs la trajectoire est bien ancrée. À Glasgow, ils se sont mis un petit peu en mode olympique, parce que toutes les disciplines étaient ensemble. Ça nous permet de tester un certain nombre de choses. Je fais confiance à Florian Rousseau, le directeur de notre performance olympique, pour tirer les bonnes conclusions, ajuster ce qui doit l’être et remettre certaines priorités. Il y en a sûrement à redéfinir après ces mondiaux. Mais quand on regarde le bilan, sur l’ensemble de ces championnats du monde, on dégage 9 médailles qui correspondent aux épreuves olympiques. Il faut aussi se dire que les bases sont solides et qu’il faut les conserver dans la perspective de 2024.

Le cyclisme français est-il là où il a envie d’être, à un an des JO?

C’est toujours plus confortable quand on est en haut ! On a l’impression que c’est plus facile de partir de plus haut pour y rester. Quand on voit la domination des Français dans l’épreuve de BMX, on se dit qu’on est idéalement placés et qu’on ne peut pas faire mieux ! Sur la piste, on sent qu’il y a encore du travail ou des choses à consolider. Je pense qu’on est dans un bon temps de passage. Mais il faut rester lucide, concentré, impliqué et se dire que même là où on a fait très fort, rien n'est acquis et il faut continuer à être au travail jusqu’au dernier moment.

Comment faire pour retranscrire ces performances le Jour-J l’an prochain, avec un public différent, et une pression décuplée?

Je ne suis pas sûr que la pression soit décuplée. On a des athlètes qui se savent particulièrement observés dans ces championnats du monde, les derniers avant les Jeux olympiques. En plus, certains sont en concurrence pour être sélectionnés aux JO. Donc la pression ils l’ont quand même.

Le public, vous avez raison, c’est différent. On l’a vu avec le public britannique qui est assez chauvin et c’est normal! Il pousse ses athlètes. Tout ça contribue à l’apprentissage de l’approche d’un événement de l’importance des Jeux olympiques. C’est vraiment le travail de l’encadrement de faire les analyses nécessaires, de digérer ces événements là pour faire comprendre aux athlètes ce qui était bon, l’expérience qu’ils doivent en conserver et ce qu’il faut peut-être remettre sur le plan de travail.

Article original publié sur RMC Sport