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À quoi ressemble l'avenir de l'économie islamique ?

L’ambition est clairement affichée : Dubaï souhaite devenir le noyau de l’économie islamique et fait tout pour devenir une capitale innovante au sein de ce système. Dubaï est-elle sur la bonne voie et à quoi ressemble la concurrence ? La banque islamique est sans doute aussi vieille que la religion en elle-même, mais elle s’est particulièrement développée ces cinquante dernières années. Ce système bancaire promeut une économie conforme aux textes sacrés et aux préceptes de l’Islam – le profit est par exemple partagé plutôt que de faire payer des intérêts sur les prêts. L’économie islamique pourrait peser 3000 milliards de dollars à l’horizon 2021, avec des pays comme la Malaisie, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis en tant que leaders du marché. Des banques islamiques présentes dans 60 pays Même si elle est l’une des économies qui se développe le plus en ce moment, la finance islamique reste extrêmement minoritaire. Elle ne représenterait que 1% de l’économie mondiale, selon l'estimation de la banque des Émirats NBD. L’industrie bancaire islamique a doublé sa croissance chaque année jusqu’en 2014, et connaît un ralentissement ces quatre dernières années. Selon certains experts, introduire une plus large régulation serait nécessaire pour attirer de nouveaux clients, séduits par l’idée de produits financiers estimés conformes aux textes islamiques. «Si vous autorisez toutes les institutions à entrer dans le marché avec leurs propres règles, vous vous retrouvez avec un méli-mélo administratif qui sera ensuite très compliqué à démêler. Tôt ou tard, on ira vers une standardisation des nouveaux produits », explique Kamran Sherwani, spécialiste de la Charia. Alors que les banques islamiques sont présentes dans plus de 60 pays, le FMI doit annoncer des régulations et des recommandations dès l’année prochaine pour leur développement. Les "sukuk" : la clé de la finance islamique Certains analystes considèrent que la clé de ce système réside dans les crédits islamiques, appelés « sukuk ». L’équivalent des obligations dans la finance classique. Il s’agit en fait d’un certificat d’investissement conforme à la charia, qui interdit le concept de « l’argent pour l’argent », et qui offrirait plus de stabilité que des investissements traditionnels. « Si on regarde les obligations du marché émergeant américain de l’année dernière, on constate une perte de 3,8%. Alors que les « sukuk » n’ont engendré une perte que de 2,09%. Ils font donc mieux », analyse Anita Yadav, chef de la recherche économique chez NBD Les banques misent tout sur ces obligations islamiques et prévoient d’accueillir encore plus de clients durant l’année à venir. « Lorsque les entreprises se portent bien, elles ont tendance à investir et à avoir besoin de plus de financements. Donc on s’attend à un intérêt croissant pour les « sukuk ». 2018 pourrait bien être une année de développement sans précédent pour l’économie islamique », prédit Anita Yadav. La région du golfe Persique avait d’ores et déjà battu un record en 2017 avec des émissions d’obligations à hauteur de 70 milliards de dollars… Les banques espèrent faire encore mieux cette année. Dubaï se voit capitale de l'économie islamique « Dubaï : capitale de l’économie islamique » : voilà le nom d’une initiative mise en place il y a cinq ans aux Émirats. Depuis, le développement de l’économie et l’impact de chaque secteur ont été méticuleusement surveillés. La croissance de l’économie islamique est devenue un pilier pour Dubaï à l’ère post-pétrolière. Les Émirats ont l’ambition de devenir la plaque tournante de cette économie, en développant ce que l’on appelle « l’investissement responsable », tout en soutenant l’innovation et l’entreprenariat dits « halal ». Symbole du développement de cette économie islamique : le secteur de la restauration et du « lifestyle » devrait atteindre à lui seul 3 milliards de dollars d’ici 2022. La finance islamique attend également beaucoup de l’émergence d’autres secteurs halal, comme le tourisme, la mode, les médias ou même l’industrie pharmaceutique. Le Centre de développement de l’économie islamique de Dubaï est en première ligne pour exploiter le potentiel des Emirats. Son directeur général Abdulla al-Awar nous explique les challenges et les opportunités drainés par cette économie. L'interview de Abdulla al-Awar pour Inspire Middle East Rebecca McLauglin-Duane pour Inspire : Commençons par les priorités du Centre cette année… La vision est là, l’ambition est là mais êtes-vous vraiment sur les rails ? Nous avons d’ores et déjà lancé plusieurs initiatives, 36 pour être précis. Par exemple, nous avons recensé toutes les obligations islamiques, les fameux « sukuk ». Quand l’initiative a été lancée en 2013, Dubaï était troisième sur le marché pour attirer de nouvelles inscriptions. Aujourd’hui, Dubaï est premier. Mais il y a la concurrence des autres pays et des autres villes qui veulent aussi être le moteur de l’économie islamique. On peut penser à la Malaisie ou même à Londres. Est-ce qu’il ne faut pas plutôt privilégier le regroupement ? S’il n’y avait pas de compétition, je ne pense pas que Dubaï serait devenue ce qu’elle est aujourd’hui. Avec tout le respect que je dois aux autres centres d’économie islamique, je pense que Dubaï a l’avantage. Nous sommes au cœur d’une région très dense économiquement. Je ne pense pas seulement aux pays du Golfe et au Moyen-Orient, mais aussi aux 42 pays qui nous entourent dont des pays d’Afrique du Nord et d’Asie du Sud. En 2016, l’économie islamique représentait 8,3% du PIB. Quels sont les derniers chiffres et quelles sont les prévisions pour l’année prochaine ? Nous n’avons pas encore évalué tous les secteurs, mais je peux déjà me référer à la finance islamique, et au secteur clé de l’industrie et du commerce halal. Pour le moment, cela ne représente que 8,3% du PIB. Mais si l’on inclut les autres secteurs, ce que l’on va étudier ces prochaines années, je suis sûr que le chiffre sera plus élevé. Quelle est l’importance des jeunes musulmans dans cette stratégie ? Ils sont très importants. On permet en fait à cette jeune génération - ces entrepreneurs, ces PME – de contribuer à l’économie grâce à leurs idées et leurs technologies. C’est pourquoi certaines de nos initiatives sont directement à leur intention, le secteur de la « fin-tech » par exemple. Nous faisons tout pour attirer ces jeunes entrepreneurs et pour leur fournir une plateforme idéale pour proposer leurs technologies innovantes. Nous faisons le lien entre eux et la communauté, que ce soit celle de la finance islamique ou celle de l’économie islamique plus largement. C’est l’une de nos missions. Et cette communauté d’investisseurs dont vous parlez, qui sont-ils ? Sagit-il uniquement de musulmans ? En 2016, les consommateurs ont dépensé plus de 2000 milliards de dollars pour des produits dits conformes à la Charia. Et cela concerne aussi bien des musulmans que des non-musulmans. De la même manière, les obligations islamiques proviennent d’institutions ou de gouvernements afin d’élever les financements. De nombreuses obligations islamiques sont justement issues de gouvernements non-musulmans. La "fintech" islamique bouscule les codes de la finance D’après un rapport de Standard & Poor’s, l’industrie de la finance islamique devrait connaître une croissance lente durant les prochaines années. Malgré ce contexte, la fintech, ou technologie financière, promet de belles perspectives. Damon Embling s’est rendu à Londres pour rencontrer des innovateurs qui font bouger l’industrie. La capitale britannique se tourne aujourd'hui vers les nouvelles technologies pour devenir l’un des moteurs de ce que l’on appelle la « fintech ». Londres va même jusqu’à court-circuiter la finance islamique en allant sur le terrain des produits conformes à la Charia, un secteur qui a le vent en poupe. A 27 ans, Zeeshan Uppal dirige l’une de ces start-ups. Son entreprise, baptisée Yielders, bouscule le marché des investisseurs au Royaume-Uni, en se basant sur le crowdfunding musulman. « La finance traditionnelle a connu un véritable bouleversement, notamment avec la génération de ces jeunes musulmans qui n’avaient pas envie de participer au système financier conventionnel. La fintech a notamment permis à certains Britanniques d’investir dans l’immobilier. Mais l’élément de finance islamique ou de finance de la Charia a souvent été oublié. C’est un vraiment à ce marché là qu’on veut s’adresser », souligne Zeeshan Uppa, co-fondateur de Yielders. Ces jeunes désintéressés par les banques traditionnelles sont à l’image de Joseph Alanazi, 22 ans : « En fait, je préfère tout faire en ligne. Je n’aime pas aller à la banque ou dans ce genre d’endroit. Je fais tout depuis mon téléphone, c’est beaucoup plus facile. » Le Royaume-Uni est le premier pays occidental à avoir initier une obligation islamique (le sukuk). La trésorerie britannique soutient et reconnaît le potentiel de cette révolution islamique fintech. Mais le pays va devoir faire des efforts s’il veut tenir tête aux concurrents du Moyen-Orient. Abdul Haseeb Basit a fondé le "Panel islamique Fintech" pour tenter d'offrir une feuille de route aux Britanniques : "La fintech est construite sur trois piliers principaux : le capital, le talent et la régulation. Le Royaume-Uni excelle en termes de talent et de régulation, mais on a eu un problème de capital pendant longtemps. C’est en train de changer. C’est primordial car les banques commencent à participer et à soutenir le business de la technologie financière. Elles commencent à devenir partenaires et à investir. Dans le secteur islamique, les banques n’ont pas encore saisi l’opportunité, mais là aussi c’est en train de bouger. C’était notre objectif en créant ce « Panel islamique Fintech » au Royaume-Uni. Il fallait créer un réseau au sein de la communauté islamique et fintech pour accompagner les Britanniques, et ne pas tout céder aux autres juridictions, comme Dubaï, le Bahreïn ou les pays du Golfe." D'après Abdul Haseeb Basit, le Brexit n'aura que peu de conséquences sur l'économie islamique : "Comme le secteur conventionnel de la fintech, les technologies islamiques devront sûrement s’adapter à de nouvelles législations européennes. Nous ne pensons pas que cela aura un impact énorme. La question est de savoir : où ces technologies vont-elles se développer ? Ici au Royaume-Uni, leur lieu de naissance, ou ailleurs en Europe ?" Quoi qu’il se passe avec le Brexit, il semble que la fintech islamique ait encore de beaux jours devant elle chez les Britanniques.