La zone critique, un laboratoire planétaire

C'est une fine pellicule à la surface de la Terre, la "peau" de notre planète. Là où s'épanouit la vie. Des scientifiques de toutes disciplines l'auscultent pour éclairer les interactions qui s'y jouent. Entre le sol, le ciel et l'eau.

Cet article est issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°215 daté octobre/ décembre 2023.

Rien ne distingue le minuscule ruisseau du Strengbach de ses voisins vosgiens. Son bassin versant ne fait que 80 hectares, peuplés à 80 % d'épicéas et 20 % de hêtres accrochés aux fortes pentes du massif granitique. Entre 880 et 1.150 mètres d'altitude, la petite vallée située sur la commune d'Aubure, à 60 kilomètres au sud-ouest de Strasbourg, n'a pourtant rien d'ordinaire : c'est un laboratoire de pointe dont l'importance ne cesse de grandir.

Le Strengbach est un nom de plus en plus célèbre dans le monde des hydrogéologues, géochimistes, agronomes, pédologues, écologues et de nombreux autres chercheurs ayant à faire avec une fine pellicule à la surface de la Terre, qui débute dans les couches basses de l'atmosphère et se termine sur le socle de la croûte terrestre. Quelques centaines de mètres d'air, de dix à cent mètres de roches : voilà la "zone critique" dont le Strengbach est l'une des portes d'entrée scientifiques.

Zone critique ? L'expression, aux relents militaires ou radioactifs, nous vient des États-Unis pour définir cette zone étroite où s'épanouit la vie partout à la surface du globe, essentielle pour le fonctionnement géologique de la planète, mais aussi parce que c'est l'habitat des humains. Elle est le théâtre d'une conversation à trois entre les couches rocheuses, le rayonnement solaire et le travail chimique de l'eau et des micro-organismes, qui transforment les premières en sol fertile favorable au vivant.

Ces phénomènes d'altération de la roche ont été décrits pour la première fois en 1845 par le chimiste français Jacques-Joseph Ebelmen, dont les travaux sur la décomposition des silicates ont ouvert la voie aux recherches sur la façon dont les plantes, le Soleil, la géochimie ont permis de rendre la planète habitable. "Ebelmen décrit en précurseur le cycle du carbone, admire aujourd'hui Jérôme Gaillardet, géochimiste à l'Institut de physiq[...]

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