Publicité

Zimbabwe: Mugabe apparaît en public, son parti veut sa démission

Le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, est apparu vendredi en public pour la première fois depuis la prise du pouvoir par les militaires à Harare, mais sa position s'est encore fragilisée. /Photo d'archives/REUTERS/Mike Hutchings

par MacDonald Dzirutwe

HARARE (Reuters) - Le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, est apparu vendredi en public pour la première fois depuis la prise du pouvoir par les militaires à Harare, mais sa position s'est encore fragilisée.

Le parti au pouvoir, la Zanu-PF, a en effet comme on s'y attendait demandé sa démission, a rapporté vendredi soir The Herald, le principal organe de presse du gouvernement.

Une motion approuvée lors d'une réunion de la Zanu-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe - Front patriotique) demande en outre la démission de la première dame, Grace Mugabe, des instances du parti.

Le chef de l'Etat, qui est âgé de 93 ans et se considère toujours comme le dirigeant légitime du pays, s'est rendu dans une université de la capitale pour présider une cérémonie de remise de diplômes.

Vêtu d'une robe universitaire jaune et bleue et coiffé d'une toque, il s'est assis dans un grand fauteuil en bois d'où il a proclamé, sous les "youyous" de la foule, la cérémonie ouverte.

Robert Mugabe occupe la présidence du Zimbabwe depuis décembre 1987, après avoir été Premier ministre depuis l'indépendance en 1980 de l'ancienne Rhodésie.

L'armée s'est emparée du pouvoir dans la nuit de mardi à mercredi et négocie avec le vieux président pour une transmission en douceur du pouvoir à Emmerson Mnangagwa, ex-vice-président limogé le 6 novembre.

"BLUE ROOF"

Les militaires, dans un communiqué lu à la télévision, ont tenu à ne pas brusquer les choses en présentant toujours Robert Mugabe, héros de la lutte anti-coloniale, comme le commandant en chef de l'armée.

La situation a pris un nouveau tour jeudi lorsque le président, tout sourire, a été vu serrant la main du chef d'état-major de l'armée, le général Constantino Chiwenga, l'homme qui a coordonné le coup d'Etat.

Quittant sans crier gare sa résidence luxueuse "Blue Roof", où il a été assigné depuis le coup d'Etat, il s'est rendu en voiture à la maison de l'Etat ('State House') où des médias officiels ont pris des photos le montrant en compagnie de Constantino Chiwenga et de médiateurs sud-africains.

Grace Mugabe, jugée par certains responsable du limogeage d'Emmerson Mnangagwa, est aussi placée en résidence surveillée et ses principaux alliés politiques sont en détention.

Le président du Botswana, pays qui partage 800 km de frontière avec le Zimbabwe, a jugé vendredi que Robert Mugabe devait quitter le pouvoir.

"Personne ne devrait rester président pendant une si longue période", a estimé Ian Khama. "Nous sommes des présidents, nous ne sommes pas des monarques. C'est simplement du bon sens."

WASHINGTON ATTEND UNE "ÈRE NOUVELLE"

Le président sud-africain Jacob Zuma, lui, a dit suivre "avec une grande inquiétude les événements politiques en cours au Zimbabwe". "Nous espérons que cela ne conduira pas à un changement de gouvernement qui serait contraire à la Constitution", a-t-il ajouté.

Les Etats-Unis, pour leur part, ont dit souhaiter "une ère nouvelle" pour le Zimbabwe. "C'est une transition vers une ère nouvelle, c'est vraiment ce que nous espérons", a dit le secrétaire d'Etat adjoint chargé des affaires africaines, Donald Yamamoto.

En prenant le pouvoir, les militaires avaient pour principal objectif d'empêcher l'épouse du chef de l'Etat, âgée de 52 ans, de lui succéder, estime-t-on dans les milieux politiques.

Détestée par les militaires et peu populaire, Grace Mugabe est considérée comme une personnalité clivante dont les goûts de luxe lui ont valu le surnom de "Gucci Grace".

Des documents émanant des services de renseignement et consultés par Reuters suggèrent qu'Emmerson Mnangagwa, également ancien chef des services secrets, prépare depuis plus d'un an l'après-Mugabe avec l'armée et l'opposition.

Robert Mugabe est considéré comme un despote par les Occidentaux qui estiment que sa gestion désastreuse de l'économie et son recours à la violence pour se maintenir au pouvoir ont ruiné l'un des Etats les plus prometteurs du continent africain.

(Avec Ed Cropley à Johannesburg et Warren Strobel à Washington, Jean-Stéphane Brosse, Benoît Van Overstraeten, Guy Kerivel et Gilles Trequesser pour le service français)