Yaël Braun-Pivet réélue au Perchoir, la gauche dénonce le vote des ministres démissionnaires
Battu de 13 voix, André Chassaigne l’aurait sans doute emporté si Gabriel Attal et les autres ministres n’avaient pas pris part au vote.
POLITIQUE - Treize voix. C’est le petit écart qui a départagé Yaël Braun-Pivet et André Chassaigne au troisième tour de l’élection pour la présidence de l’Assemblée nationale. Présidente sortante, la députée macroniste des Yvelines reste au Perchoir où elle a été élue pour la première fois en 2022.
Ces 13 voix restent en travers de la gorge d’une grande partie de la gauche. Plusieurs voix, dans plusieurs partis du Nouveau Front populaire ont le même argument pour dénoncer cette victoire. Autant que l’accord négocié avec le groupe LR de Laurent Wauquiez pour s’assurer la victoire c’est l’identité d’une quinzaine de votants qui pose problème : les ministres démissionnaires. « Le vote à l’Assemblée est le nouveau coup de force d’une clique prête à tout pour garder tous les pouvoirs. Une ligne rouge est franchie avec le vote illicite de ministres. Le système démocratique tout entier est mis en cause », dénonce Jean-Luc Mélenchon.
Panot dénonce « des magouilles et des combines »
« Yaël Braun-Pivet gagne à 13 voix, il y a 17 ministres qui ont voté illégalement. On a jamais vu des ministres parlementaires voter. Il y a un vrai sujet sur la légalité du scrutin », tonne le député insoumis Hadrien Clouet interrogé par Le HuffPost. « Il est inconcevable que des ministres députés aient voté pour voler la victoire des Français. Ce sont des magouilles et des combines », a dénoncé la présidente de son groupe Mathilde Panot.
"Il se trouve que siègent 17 ministres d'un gouvernement qui gère les affaires courantes, et on comprend bien la fébrilité de ce pouvoir qui avait absolument besoin de ces 17 voix pour faire en sorte de battre notre candidature commune", dénonce @MathildePanot. #DirectAN pic.twitter.com/hkqrg7uD3B
— LCP (@LCP) July 18, 2024
Son collègue écologiste Benjamin Lucas dénonce « une violation du principe de séparation des pouvoirs ». Depuis le Sénat, le communiste Ian Brossat a jugé cette victoire « écœurante ».
Grâce aux voix de membres du gouvernement, en violation du principe de séparation des pouvoirs qui est consubstantiel à notre démocratie, la macronie se maintient au perchoir.
C’est du déni des urnes que se nourrit l’anti-parlementarisme.— Benjamin LUCAS (@Benjam1Lucas) July 18, 2024
18 ministres qui votent avec leurs casquettes de députés, deux députés RN qui se rabattent sur Braun-Pivet, magouilles sur les postes avec LR…
L’alliance de ceux qui veulent que rien ne change a eu raison de l’exigence de changement portée par les Français.
Écœurant. pic.twitter.com/V6Bj4PKKXN— Ian Brossat (@IanBrossat) July 18, 2024
C’est en effet mathématique. Sans le vote des ministres démissionnaires dont Gabriel Attal, Gérald Darmanin ou Olivia Grégoire, André Chassaigne aurait pu espérer devenir le premier communiste au Perchoir. Mais en avaient-ils le droit ? Sur ce point, les experts du droit constitutionnel sont divisés.
Un recours quasi-impossible
Pour Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille, il faut s’en tenir à l’article 23 de la Constitution. Il indique qu’il est interdit d’être à la fois ministre et parlementaire. Selon son interprétation, le vote des ministres députés ne serait donc pas fondé.
"L’article 23 de la Constitution est extrêmement clair : on ne peut pas cumuler une fonction ministérielle avec un mandat parlementaire. On a toujours un gouvernement, G. Attal est Premier ministre et il n’est pas supposé pouvoir voter demain". J-P Derosier.@Caroline_Roux pic.twitter.com/o5K4Yyx01y
— C dans l'air (@Cdanslair) July 17, 2024
Seulement, d’autres spécialistes notent que la loi organique qui fixe les contours de cette incompatibilité pose que les ministres démissionnaires peuvent siéger à l’Assemblée nationale. Les défenseurs de cette théorie, parmi lequel les conseillers du gouvernement, rappellent que ce cas de figure n’est pas inédit. En 1988, des membres du gouvernement démissionnaires Rocard I avaient voté pour le président de l’Assemblée nationale avant que le gouvernement Rocard II n’entre en fonction cinq jours plus tard.
Au-delà de la contestation dans les mots ce jeudi soir à l’Assemblée, les cadres du Nouveau Front populaire auront bien du mal à contester cette élection. « Il n’y a pas de contrôle sur ces situations d’incompatibilité », expliquait il y a quelques jours sur Public Sénat Jean-Pierre Camby, professeur associé à université de Versailles Saint-Quentin. Aussi, en 1986, le Conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’élection du président de l’Assemblée.
Plus d’informations à suivre…