Y a-t-il vraiment un lien entre jeux vidéo et violence ?

Photo d'illustration / Getty Images
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C'est l'une des pistes évoquées par certains chroniqueurs après la mort d'une professeure d'espagnol, poignardée par un élève à Saint-Jean-de-Luz. Une allégation qui va à l'encontre des dernières études sur le sujet.

Comment expliquer une telle violence ? Après la mort d'une professeure d'espagnol, poignardée en classe par un de ses élèves âgé de 16 ans à Saint-Jean-de-Luz, les recherches d'explications sur les plateaux de télévision poussent à étudier toutes les pistes. Y compris celle des jeux vidéo.

Sur CNews, Kevin Bossuet a ainsi pointé du doigt l'usage des jeux vidéo pour tenter d'expliquer le geste du jeune homme. "Les élèves sont sans arrêt sur leurs jeux vidéo en train de jouer à des jeux extrêmement violents, et quand ils se retrouvent dans la vie réelle, ils ne savent plus s'ils sont encore dans le jeu ou s'ils sont encore dans la vie réelle" a-t-il lancé sur le plateau, dans une séquence isolée par le compte "Caisse de grèves".

94% des 15-17 ans jouent aux jeux vidéo

Selon une étude de Médiametrie pour le SELL (Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs), 94% des 15-17 ans jouent à des jeux vidéo. "Les jeux vidéo sont dans la culture populaire aujourd'hui, donc il y a de fortes chances qu'un jeune de 16 ans qui passe à l'acte joue aux jeux vidéo, tout comme il y a de fortes chances qu'il porte des chaussures d'une marque. Pour autant, on ne s'interroge pas sur le lien entre passage à l'acte et le port de chaussures d'une certaine marque", remarque Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée dans les pratiques numériques, les jeux vidéo et leurs impacts.

La question revient souvent sur le devant de l'actualité, notamment lors des fusillades dans les établissements scolaires aux États-Unis, poussant les chercheurs à s'interroger sur un éventuel lien entre jeux vidéo et comportement violent.

"Pas de lien entre un jeu vidéo violent et un comportement violent"

"Les jeux vidéo ne rendent pas violent. Les études ne montrent pas de lien entre un jeu vidéo violent et un comportement violent", nous explique la spécialiste. En 2019, une étude menée par l'Oxford Internet Institut (en anglais) concluait qu'il n'existait aucune corrélation entre la pratique des jeux vidéo et la violence dans la vie réelle.

Fin 2020, une autre étude (également en anglais), menée sur une dizaine d'années, enfonce le clou et démontre l'absence de lien entre comportement violent et jeux vidéo. Lancée en 2007 auprès de 500 jeunes d'une dizaine d'années, l'étude menée sur une durée de 10 ans cherche à montrer si le fait de jouer à des jeux violents durant l’adolescence pouvait mener les individus à montrer des comportements violents à l’âge adulte. Dans leur conclusion, les auteurs remarquent que les personnes ayant joué à des jeux violents durant leur adolescence ne sont pas plus violentes que les autres à l’âge adulte.

"Le reflet d'une société violente"

"Le jeu vidéo est le reflet de notre société, donc ils mettent en scène de la violence. Ça ne veut pas dire en tout cas que l’on va développer des problématiques psychiatriques associées ou qu’on va aller passer à l’acte. Quand on regarde les chaînes d'info en continu et que l'on voit les images de la guerre en Ukraine, parfois violentes, on ne s'interroge pas sur un lien entre le fait de voir ces images et un passage à l'acte", prolonge la spécialiste.

L'auteur présumé de l'assassinat de Saint-Jean-de-Luz, l'adolescent âgé de 16 ans dit avoir entendu "une petite voix" qui lui a "suggéré de commettre un assassinat, selon le procureur de Bayonne. "C'est surtout entre 16 et 18 ans que les bouffées délirantes peuvent arriver. C'est comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, même s'il peut y avoir effectivement des petits signes préliminaires comme il semble y avoir eu pour cet enfant", explique à FranceInfo le psychiatre Serge Hefez.

La question mentale, grande oubliée ?

"On tape sur les jeux vidéo, mais il faudrait surtout se poser la question de la santé mentale de la jeunesse, de la détection du mal-être ou des premiers signes, et mettre des moyens pour les accompagner et les aider", plaide la psychologue clinicienne.

"Nous recrutons plus de psychologues de l’Éducation nationale et plus d’infirmières dès l’année prochaine. Il faut également le temps de la formation pour les années à venir (…) Soit 20 % de plus pour ce qui concerne les infirmières et les psychologues de l’Éducation nationale", a annoncé ce jeudi matin le ministre de l’Éducation interrogé sur France Bleu.

VIDÉO - Professeure tuée: le suspect évoque "une petite voix qui lui parle"