Willy Schraen veut faire des chasseurs des "policiers de proximité"

Après avoir fait polémique avec ses propos sur la "régulation" et la chasse, Willy Schraen propose que les chausseurs soient le relais des gendarmes en territoire rural.

CHASSEURS - Un grand écart aux airs de “et en même temps”. Ce dimanche 14 novembre, Le Journal du Dimanche publie une longue interview d’une personnalité très médiatisée à l’approche de la présidentielle: le patron de la Fédération nationale des chasseurs Willy Schraen. Un homme qui déplore que les chasseurs et plus largement la ruralité soient trop souvent oubliés, mais qui juge aussi que les accidents de chasse font trop parler dans les médias.

À ce propos, le conseiller municipal de Bayenghem-lès-Éperlecques, près de Saint-Omer, compte d’ailleurs suggérer que dans le cas où un chasseur tuerait ou blesserait grièvement quelqu’un, il ne “soit plus possible pour lui de récupérer son permis de chasse”. Un geste visant à éteindre la polémique qui gronde alors que les “accidents” se multiplient ces dernières semaines, avec notamment la mort d’un automobiliste en Ille-et-Vilaine.

Mais au-delà de cette question de la dangerosité de la chasse, l’interview de Willy Schraen au JDD lui permet aussi d’évoquer une proposition qu’il compte faire aux maires de France, réunis du 16 au 18 novembre pour leur congrès annuel. Son idée est de rajouter un “maillon” régalien “au niveau des territoires” en faisant des chasseurs des “policiers de proximité” à même de “dresser des procès-verbaux et de constater des flagrants délits”. Cela pour lutter contre “une délinquance rurale et environnementale” en pleine augmentation, selon lui.

Une proposition qui part de ce constat: “On assiste dans les communes rurales à une disparition de la police de proximité concernant la surveillance des espaces agricoles et forestiers.” Au côté de la gendarmerie, et alors que le métier de garde champêtre est en voie de disparition, Willy Schraen aimerait ainsi fournir des agents pour lutter contre les “dépôts d’ordure illégaux, la divagation des animaux domestiques, les problèmes liés à la présence de véhicules motorisés dans la forêt à des endroits sensibles”.

D’autant, affirme-t-il, que les chasseurs disposent de “professionnels formés et assermentés” qui interviennent d’ores et déjà à la demande de certaines communes pour “réguler des espèces nuisibles”. “Ils pourraient, demain, sous le contrôle de l’Etat et des maires, avoir des missions plus larges”, poursuit le président de la FNC, qui souhait “donner un cadre légal” à l’intervention de ses troupes.

“Provocation ou poisson d’avril?”

Une suggestion qui a rapidement suscité l’indignation chez des personnalités écologistes. Les portes-parole de Yannick Jadot, Marine Tondelier et Matthieu Orphelin ont notamment déploré une prise d’initiative déplacée au vu du contexte actuel. ”À ce stade, c’est de la provocation. Ou un poisson d’avril?”, s’interroge notamment l’élue municipale d’Hénin-Beaumont et conseillère régionale des Hauts-de-France. “Peut-être faudrait-il commencer par arrêter de tuer des gens”, demande de son côté le journaliste Hugo Clément, particulièrement engagé dans la défense des animaux.

Des réactions anticipées par Willy Schraen dans les colonnes du JDD où il assure que de toute façon, “l’opinion publique est parfaitement dirigée par des gens antichasse et, dans le contexte actuel, la chasse incarne le camp du mal”.

Il n’en reste pas moins que sa proposition de faire des chasseurs des “policiers de proximité” a fait rire jaune de nombreux observateurs, en particulier chez les journalistes, qui ont multiplié les rapprochements entre les accidents liés à la chasse récemment déplorés et son idée d’en faire des dépositaires de l’ordre public.

Retour sur la régulation


Car le contexte médiatique, s’il lui donne une large place, n’est pas forcément favorable à Willy Schraen. Le 10 novembre, il s’est effectivement retrouvé au cœur d’une polémique après avoir déclaré dans une émission de RMC n’en avoir “rien à foutre de réguler” les espèces par la chasse, y trouvant bien davantage un loisir et une passion qu’un devoir citoyen. Une sortie très commentée qu’il a en partie contredite dans son interview du jour. “Si demain la chasse était interdite, les animaux se multiplieraient, les risques de collision sur la route augmenteraient, et ça provoquerait la mort de centaines de personnes”, assure-t-il ainsi pour justifier la légitimité de son loisir et des chasseurs. Et d’assurer dans le même temps qu’ils ne sont “ni des fonctionnaires de la mort ni des machines à tuer”, et que s’ils servent “l’intérêt général en faisant de la régulation”, pour eux, la chasse est aussi “un moment de partage et de bonheur entre amis”.

Ainsi, Willy Schraen assure qu’il a “volontairement jeté ce pavé dans la mare” avec sa déclaration dans “Les grandes gueules”. Car pour lui, les chasseurs font “une erreur de fond” depuis des années en se présentant d’abord comme des régulateurs. “Nous sommes en même temps des chasseurs passionnés et des régulateurs vigilants. Il faut donc mettre en avant notre passion et l’assumer, même si ça crée une polémique.”

Surtout à une époque où, affirme-t-il, la chasse est uniquement montrée comme “quelque chose d’accidentogène” par conviction politique de ses détracteurs. “La chasse, c’est dangereux, on n’a jamais dit le contraire. Mais chaque accident est monté en épingle.”

Se disant aujourd’hui incapable de “s’asseoir à la même table” que ceux qui multiplient les insultes et les “menaces de mort” à son égard, et saluant le dialogue mené avec Emmanuel Macron depuis son arrivée à l’Élysée, Willy Schrae assure pourtant n’avoir aucune envie de se lancer lui-même en politique à la tête de son propre mouvement.

Ce qui ne l’empêche pas de prévenir: “Si les attaques continuent à être aussi violentes, c’est tout l’électorat rural qui va se sentir pousser des ailes et va se mobiliser contre les extrémistes de l’écologie radicale.” Et de conclure: “Un jour, il faudra créer un mouvement politique pour défendre les intérêts des 25% de Français qui vivent dans les communes rurales.” De quoi augurer d’une nouvelle passe d’armes politique en pro et anti-chasse, et de s’assurer encore un peu plus de la place de son loisir dans le paysage médiatique.

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

VIDÉO - Dans le Lot, la tension demeure, un an après un accident de chasse mortel

undefinedundefined