Wang Bing à Cannes: la patience infinie du roi du documentaire chinois

Le cinéaste chinois Wang Bing auteur d'un monumental documentaire sur la jeunesse employée dans les usines textiles chinoises
Le cinéaste chinois Wang Bing auteur d'un monumental documentaire sur la jeunesse employée dans les usines textiles chinoises

"Ce qui est important, c'est d'aller au bout (...) du sujet" : le cinéaste Wang Bing, en compétition à Cannes, auteur d'un monumental documentaire de 03h30 sur la jeunesse employée dans les usines textiles chinoises, explique à l'AFP sa méthode de travail.

Son film, "Jeunesse", le plus long de la compétition, est le fruit d'un patient travail d'immersion et de tournage, de 2014 à 2019, dans des usines de la ville de Zhili (est), à 150 km de Shanghai.

"Dans ce bourg où je me suis installé, c'est petit à petit, avec le temps, que j'ai fait connaissance avec tous ces petits patrons d'atelier et que j'ai réussi à obtenir de leur part le maximum de libertés que je pouvais obtenir et même un très fort soutien", explique-t-il lors d'un entretien à l'AFP, à Cannes.

"J'étais complètement libre de faire ce que je voulais", poursuit-il, mais "ça m'a pris du temps, à peu près six mois pour arriver vraiment à être libre de mes mouvements".

Filmer chez des petits patrons, organisés de façon anarchique, plutôt que dans les grandes usines généralement montrées par les médias lui a permis de créer un lien plus fort avec ses sujets, et de pénétrer plus facilement leur intimité. Et ce, malgré la barrière de la langue, le cinéaste ne parlant pas le même dialecte.

Ces liens de confiance patiemment tissés permettent à ce grand nom du documentaire, habitué des oeuvres-fleuve depuis les neuf heures de "A l'ouest des rails" (2003), sur un complexe industriel, de montrer l'intimité jamais vue des jeunes Chinois employés de 8h00 à 23h00 dans ces petites usines de confection.

La caméra se fait totalement oublier et livre des scènes inoubliables d'une jeunesse qui vit dans des dortoirs délabrés mais ressemble aussi à toutes les autres, avec ses petits et grands drames amoureux, le temps qu'il faut tuer. S'y ajoute l'épuisement au travail ou les embryons de lutte sociale, dans un système implacable, où l'on est payé à la pièce, et tous les six mois.

Au total, le réalisateur de 55 ans aujourd'hui installé à Paris a engrangé une montagne de 2.600 heures de rushes, organisées au cours de mois de montage.

Le film présenté à Cannes n'est qu'une première partie, Wang Bing expliquant qu'il imagine en livrer deux autres, pour une oeuvre finale de 9 heures 30.

"Le tournage s'est passé sans encombres pour moi avec les autorités", précise le réalisateur, qui se dit toutefois pessimiste sur les possibilités de tourner encore en Chine à l'avenir.

"Ca va être de plus en plus difficile, parce que la Chine rentre dans une phase de son histoire où la délation est au cœur de la société", souligne-t-il. "Les Chinois dans leur ensemble sont confrontés à cette réalité".

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