Wall Street finit en baisse de plus de 1%

(Reuters) - La Bourse de New York a fini en nette baisse jeudi, dans la crainte de voir la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine freiner la croissance économique.

L'indice Dow Jones a cédé 286,14 points, soit 1,11% à 25.490,47 et le S&P-500, plus large, a perdu 34,03 points ou 1,19% à 2.822,24.

Le Nasdaq Composite a reculé de son côté de 122,56 points (1,58%) à 7.628,28 après avoir perdu plus de 2% en séance.

L'intensification du conflit commercial, avec l'instauration mutuelle de droits de douane et la décision de Washington vendredi dernier de placer le groupe chinois Huawei sur liste noire, a remis les marchés dans une spirale descendante et le S&P est parti pour afficher en mai sa plus mauvaise performance mensuelle depuis sa correction de décembre.

La joute verbale a continué jeudi avec le ministère du Commerce chinois qui a déclaré que les Etats-Unis devaient corriger leurs erreurs s'ils souhaitaient reprendre les négociations.

Juste avant la clôture, le président Donald Trump a redit espérer conclure un accord, ajoutant qu'il ferait avec si tel n'était pas le cas.

Aux paroles se sont ajoutés des indicateurs économiques qui montrent que la guerre commerciale commence à impacter l'économie américaine. Selon une étude de la Fed de New York, les nouveaux droits de douane de 25% sur 200 milliards de dollars d'importations chinoises entraîneront un surcoût de 831 dollars par an pour le ménage américain moyen.

"Les investisseurs prennent conscience qu'un accord va être plus difficile à trouver et cela est vraiment préjudiciable pour l'environnement économique", explique Luke Tilley, chef économiste chez Wilmington Trust à Wilmington (Delaware), en qualifiant la séance de "mouvement classique d'aversion au risque."

Les principaux indices ont réduit leurs pertes en fin de séance dans l'espoir que la dégradation de la situation amène la Réserve fédérale à baisser ses taux directeurs. Selon le baromètre FedWatch de l'opérateur boursier CME Group, la probabilité que les taux restent à leur niveau actuel en octobre prochain n'est plus que de 36,2% contre 50,8% mercredi.

Les volumes se sont étoffés avec 7,61 milliards de titres échangés contre une moyenne de 6,99 milliards sur les 20 séances précédentes.

VALEURS

Neuf des 11 grands indices sectoriels S&P ont fini dans le rouge, les services aux collectivités (+0,82%) et l'immobilier (0,51%) tirant leur épingle du jeu grâce à leur profil défensif.

Signe des temps, l'immobilier a rejoint les technologiques comme secteur le plus performant depuis le début de l'année, avec pour l'un comme pour l'autre un gain d'environ 17,8% - à comparer à une hausse de 12,6% pour l'indice S&P-500.

La plus forte baisse sectorielle a été pour l'énergie, qui a dégringolé de 3,13% dans le sillage des cours du pétrole. Les technologiques, les industrielles et les matériaux, sensibles au commerce, ont lâché respectivement 1,73%, 1,59% et 1,53%.

Les financières n'ont pas été en reste, cédant 1,49% avec la détente des taux longs.

Aux valeurs individuels, le distributeur Best Buy a chuté de 4,84% malgré des résultats trimestriels meilleurs que prévu, son PDG Hubert Joly ayant averti que la dernière salve de droits de douane promise par l'administration Trump "entraînera des hausses de prix et pénalisera le consommateur américain."

La plus forte baisse du S&P 500 a été pour le spécialiste du stockage de données NetApp, sanctionné d'un recul de 8,11% après une publication inférieure aux attentes.

A l'inverse, des résultats meilleurs que prévu ont permis au distributeur L Brands (12,84%) de signer la meilleure performance de l'indice, tandis que Target a ajouté 2,37% aux 7,75% pris la veille après sa publication.

LES INDICATEURS DU JOUR

La croissance de l'activité manufacturière a pratiquement calé en mai selon l'indice des directeurs d'achat d'IHS Markit, qui est habituellement peu suivi aux Etats-Unis mais a fait parler de lui jeudi dans le contexte particulier de la guerre commerciale. Dans sa version flash, cet indice est ressorti à 50,6, au plus bas depuis septembre 2009 et tout près de la marque de 50 qui sépare croissance et contraction. Les économistes l'attendaient en moyenne à 52,5 après 52,6 en avril.

Les ventes de maisons neuves en avril, en baisse de 6,9%, ont aussi baissé plus que prévu.

Ces indicateurs ont éclipsé un recul inattendu des inscriptions au chômage la semaine dernière, à 211.000, qui confirme que le marché du travail reste vigoureux.

LA SÉANCE EN EUROPE

Les Bourses européennes avaient auparavant terminé en nette baisse elles aussi, affectée par les tensions commerciales et aussi des indices PMI décevants dans la zone euro conjugués à un recul plus fort que prévu du climat des affaires en Allemagne.

À Paris, le CAC 40 a lâché 1,82% à 5.281,37 points. Le Dax allemand a perdu 1,78%, le Footsie britannique 1,41% et le FTMib italien 2,12%.

L'indice EuroStoxx 50 a cédé 1,76%, le FTSEurofirst 300 1,42% et le Stoxx 600 1,42%. [.EUFR]

TAUX

L'aversion pour le risque a entraîné des achats massifs d'obligations du Trésor et leur corollaire, une baisse des rendements.

Le rendement de l'emprunt à 10 ans s'est enfoncé jusqu'à 2,292%, son plus bas niveau depuis octobre 2017, avant de finir autour de 2,293% contre 2,393% mercredi soir.

Celui du papier à deux ans, le plus sensible aux taux directeurs, a reculé à 2,121%, un plus bas de 15 mois, avant de revenir à 2,129% contre 2,231% mercredi.

La courbe des rendements entre les bons à 3 mois et le papier à 10 ans et celle entre les notes à 2 ans et 5 ans se sont inversées, relançant les craintes d'une recession en devenir aux Etats-Unis - et les espoirs de baisse de taux.

Le rendement des obligations à 30 ans a pour sa part touché un creux de 16 mois à 2,731%.

CHANGES

Comme les Treasuries, le dollar a profité de son statut de valeur refuge et l'indice qui mesure sa valeur face à un panier de devises de référence a atteint un plus haut depuis mai 2017 de 98,371.

Il s'est toutefois retourné à la baisse en fin de séance (-0,2% à 97,859), les inquiétudes sur la croissance venant relancer les anticipations de baisse des taux de la Fed.

L'euro/dollar, affaibli par des indicateurs décevants en zone euro et la perspective d'un vote populiste aux élections européennes qui pourrait fragiliser la monnaie unique, a touché un creux d'un mois à 1,1109 avant de repasser dans le vert en fin de séance (+0,28% à 1,1183) avec le recul du dollar.

Les incertitudes autour du Brexit et les informations sur un départ prochain de la Première ministre britannique Theresa May ont fait reculer la livre sterling pour une 14e séance d'affilée contre l'euro, du jamais vu en 20 ans d'existence de la monnaie unique.

PÉTROLE

Les cours du pétrole ont terminé en forte baisse sur le Nymex, emportés eux aussi par les craintes de ralentissement de l'économie mondiale.

Le contrat juillet sur le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) a chuté de 3,51 dollars, soit 5,71%, à 57,91 dollars le baril, après avoir reculé en séance jusqu'à 57,33, son plus bas niveau depuis le 13 mars. Le Brent de mer du Nord a lui cédé 3,23 dollars ou 4,55% à 67,76 dollars, après un creux à 67,02.

(avec April Joyner à New York et Shreyashi Sanyal à Bangalore, Véronique Tison pour le service français)