"Une vraie volte-face": pourquoi les LR, hostiles à un rapprochement avec Macron, se retrouvent en force au gouvernement

Un sacré changement de pied. Laurent Wauquiez avait beau assurer jusqu'a la fin du mois d'août ne vouloir "participer à aucune coalition gouvernementale", son parti compte désormais pas moins d'une quinzaine de membres dans le gouvernement de Michel Barnier.

La donne politique a-t-elle changé avec l'arrivée d'un Républicain pur sucre à Matignon ou la droite, dans l'opposition depuis 12 ans, y a-t-elle vu une opportunité qu'elle ne pouvait pas refuser?

"On a réalisé une vraie volte-face. Personne n'a été consulté, ni les parlementaires ni nos militants. Ce n'est pas la première fois qu'on assiste à un changement de pied mais là, quand même", soupire le sénateur LR Étienne Blanc, pourtant proche du nouveau ministre François-Noël Buffet (Outre-mer), auprès de BFMTV.com.

Une arrivée de Barnier à Matignon qui "fait réfléchir"

Si la droite n'a eu de cesse de fermer la porte à toute arrivée au sein du gouvernement depuis 2017, l'arrivée de Michel Barnier, figure appréciée dans son parti, a tout changé.

En seulement 16 jours, le nouveau Premier ministre a réussi à convaincre largement son camp de le rejoindre. Et tant pis si l'un des piliers du nouveau gouvernement, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, a eu longtemps des mots très durs à l'encontre du chef de l'État.

"La droite n'est pas soluble dans le macronisme", assurait encore en juillet dernier le nouveau locataire de la place Beauvau au micro de BFMTV. Au second tour de la présidentielle de 2022, celui qui était encore le président des sénateurs LR avait annoncé voter blanc. "Aucune voix pour Marine Le Pen, aucun accord avec Emmanuel Macron", avait résumé Bruno Retailleau.

"C'est l'esprit de responsabilité de la droite qui a prévalu", se félicite la députée macroniste Constance Le Grip, longtemps élue de droite. "À partir du moment où l'hôte de Matignon est de cette famille politique, ça change les choses, ça fait réfléchir", se félicite cette ex-conseillère de Nicolas Sarkozy à l'Élysée.

"Une belle opportunité alors qu'on rame depuis des années"

Plus acide, un député LR un temps pressenti pour le gouvernement y voit surtout "une belle opportunité alors qu'on rame depuis des années". "On est quand même passé de 185 députés après l'élection de François Hollande en 2012 à 47 aujourd'hui, le tout avec un score de 4,7% à la dernière présidentielle."

Pour l'ancien député Pierre-Henri Dumont, c'est "le pacte législatif" présenté par Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau début juillet qui aurait tout fait basculé. "Il a été au cœur des discussions avec Michel Barnier. Quand quelqu'un à Matignon met en place notre politique, évidemment qu'on y va", juge cet ancien porte-parole de Xavier Bertrand.

Le Premier ministre s'est pourtant pour l'instant bien gardé de rentrer dans le concret jusqu'ici. À peine a-t-il évoqué sur TF1 le lendemain de son arrivée à Matignon puis dimanche soir sur France 2 la question des impôts, promettant "de ne pas alourdir encore l'impôt sur l'ensemble des Français" et "d'améliorer" la réforme des retraites.

"On ne va pas pouvoir se fâcher avec les macronistes"

Le pacte présenté par la droite début juillet était, lui, plutôt précis, réclamant par exemple "la suppression des allocations familiales en cas de condamnation d'un mineur", la "simplification pénale" ou encore la "systématisation" des obligations de quitter le territoire français (OQTF) pour les étrangers refusés à l'asile.

"Je ne sais pas ce que Barnier a dealé avec ceux qui sont entrés au gouvernement mais beaucoup de choses réclamées par la droite ne seront jamais votées à l'Assemblée", décrypte un député LR.

"On ne va pas pouvoir se fâcher avec les macronistes. La fin de l'aide médicale d'État, par exemple, ça ne passera jamais même si ça fait des années que la droite la réclame", juge encore ce routier de la droite.

"On n'y va pas pour regarder passer les trains", juge pourtant un soutien de Michel Barnier. Avec en guise d'illustration le fait que Matignon va pouvoir garder la main sur le dossier brûlant des finances publiques. Pour la première fois depuis 1976, le Budget est directement rattaché directement au Premier ministre.

"Un gage comme Bercy, ça montre qu'on va pouvoir mener notre politique et qu'on ne vient pas faire du Macron", veut croire l'ex-député Pierre-Henri Dumont.

"Ce serait bien qu'on n'y soit allé pas juste pour se faire plaisir"

Le constat peut cependant se discuter: c'est l'ancien député Renaissance Laurent Saint-Martin qui a récupéré le Budget, sous la houlette d'Antoine Armand, un autre élu macroniste, le tout dans un contexte de forte dégradation des finances publiques.

Bruno Retailleau a d'ailleurs joué ce lundi matin lors de la passation de pouvoir avec Gérald Darmanin la carte de "l'ordre dans la rue" et promis d'avoir "le courage de la fermeté", sans s'exprimer sur les finances de son ministère. Des responsables de syndicats policiers se sont d'ailleurs dits inquiets d'éventuels coups de rabots budgétaires.

"Évidemment que si tout ce qu'on a mis dans le pacte présenté par Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez est jeté à la poubelle, on en tirera les conséquences", avance le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse qui juge cependant l'hypothèse "assez improbable".

"Ce serait bien qu'on n'y soit pas allé juste pour se faire plaisir, avoir quelques postes. Il faut qu'on ait un peu de temps pour montrer que gouverner, on sait faire", soupire un député de droite, inquiet qu'une motion de censure fasse tomber le gouvernement à l'automne ou à l'hiver.

Pour donner du cœur à l'ouvrage à la droite, Emmanuel Macron a promis de son côté à ses nouveaux ministres de "les aider à réussir".

Article original publié sur BFMTV.com