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"Ils vont me tuer": un agent de la mairie de Gennevilliers raconte à BFMTV sa violente interpellation

Boubacar Dramé n'a rien oublié de cette soirée du 13 juin 2019 à Gennevilliers dans les Hauts-de-Seine. Il y a tout juste un an, ce père de famille de 31 ans subissait une interpellation particulièrement musclée à la sortie d'une réunion, alors qu'aucune charge ni poursuite n'était retenue contre lui. Une scène filmée par plusieurs passants.

Les vidéos de cette interpellation, à l'époque massivement relayées sur les réseaux sociaux, montrent Boubacar Dramé en train de se faire contrôler par trois policiers en civil, qui disent "être à la recherche d'un suspect". Le trentenaire est d'abord maintenu au sol, tandis que deux fonctionnaires de police sont agenouillés sur son corps. L'homme est ensuite emmené de force dans le véhicule de police.

Le 1er octobre 2019, Boubacar Dramé a porté plainte auprès de l'IGPN pour "violences policières" et "injures à caractères discriminatoires". Une enquête préliminaire est diligentée par le parquet de Nanterre.

"Ils m'ont écrasé la tête, puis la gorge"

"La première personne à se présenter en tant que policier me demande ce que je fais dans la vie. Avec lui ça se passe bien, mais son collègue qui le suit de quelques mètres, lui, est moins cordial", se souvient cet homme.

"Il m'a directement palpé: il a tapé durement au niveau de mes hanches, mis ses mains dans mes poches. Je lui ai dit que mes poches, je préférais les vider moi-même. Ça ne lui a pas plu, du coup ils m'ont mis au sol tous les deux, et la première chose qu'ils ont faite c'est de m'écraser la tête, puis la gorge, puis le torse, puis le ventre. Du coup là j'ai hurlé de douleur", affirme Boubacar Dramé, qui se souvient avoir "crié à quelqu'un de filmer". "C'était mon seul moyen de défense", soutient-il.

Le jeune homme s'estime chanceux que la scène "ait été filmée et que des gens soient venus tout autour." "Parce qu'ils me l'ont dit, ils m'ont dit que j'avais de la chance qu'il faisait jour car s'il avait fait nuit ils m'auraient fait pire".

"A ce moment-là, je me suis dit 'ils vont me tuer'", se souvient-il. "Ils m'écrasaient tellement que quand je criais, le son avait du mal à sortir".

"Mon apparence a fait que j'étais coupable"

Boubacar Dramé est ensuite mis debout puis menotté, avant d'être conduit de force dans le véhicule de police. Là, "il y en a qui prend sa clé de voiture et qui me la plante dans le torse, dans les côtes. Il me tirait la barbe. Ils ont rien voulu savoir. Il y en a un qui a mis sa main entre mes jambes et qui m'a broyé les testicules", rapporte encore le plaignant.

Une fois conduit en cellule, il raconte que des agents assermentés le menacent de lui faire des fouilles anales. Selon son récit, il tente d'expliquer à un autre fonctionnaire de police ce qui vient de se passer, mais celui-ci lui dit "croire ses collègues", lui demande d'arrêter "de se poser en victime" car "il a l'habitude des mecs comme (lui)". Et lorsque Boubacar Dramé avance que "la France est un pays de droits" et qu'il est traité de manière injuste, le fonctionnaire de police lui rétorque: "Arrête de parler comme ça, ça te va pas!".

"Je n'étais coupable de rien du tout, c'est juste mon apparence qui a fait que j'étais coupable d'entrée de jeu", déplore Boubacar Dramé à notre micro.  "Je pensais être un citoyen comme tout le monde, d'ailleurs je suis un citoyen comme tout le monde. Sauf qu'on ne me le reconnaît pas forcément...", regrette l'ancien médiateur, qui a depuis quitté le terrain pour les bureaux de la mairie, ne se sentant plus prêt à assumer son rôle de médiateur.

Les policiers contestent sa version

Le trentenaire sort finalement quelques heures plus tard libre et sans charge, grâce à un coup de téléphone de son employeur. Mais encore aujourd'hui, Boubacar Dramé est affecté par l'incident, et il a développé un syndrome de stress post-traumatique. "Ça va faire un an, mais mon corps n'a pas oublié, ma tête n'a pas oublié. Et à côté de ça, eux ils ont continué de travailler normalement, moi j'ai pas travaillé pendant cinq mois", défend le père de famille, qui dit espérer que les policiers soient "condamnés à hauteur de ce qu'ils méritent".

La police, contactée par BFMTV, n'a pas répondu à nos sollicitations. Quant aux policiers directement mis en cause dans cette affaire, ils sont toujours en poste et contestent la version des faits de Boubacar Dramé: une confrontation doit être organisée prochainement. Aucune enquête administrative n'a été ouverte.


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Article original publié sur BFMTV.com