Les visages parlent au CND

A Pantin, une exposition fait dialoguer des films autour de la danse expressionniste.

Un enfant de 4 ans pourrait reproduire le masque : celui que chaque humain adopte pour exprimer sa désolation: tête inclinée façon chiot de la SPA et sourcils en circonflexe. Facile. Plus dur : faire passer la même émotion avec une centaine de milliers d’autres nuances expressives.

Dansant sur l’écran télé, le visage de Vera Mantero n’est pas seulement virtuose dans l’art du morphing. Il est sublime de poésie parce qu’on le voit prononcer en boucle la même phrase avec une émotion chaque fois renouvelée, formant ainsi comme un catalogue d’expressions prêt-à-porter à l’usage de l’apprenti tragédien. Ce «catalogue» est une pièce intitulée Une mystérieuse chose, a dit e.e cummings (2004). Et, on insiste, il ne montre pas une actrice en train de répéter son texte et de chercher l’intonation la plus juste, mais une chorégraphe en train d’expérimenter à quel point les mots, la façon dont on les cherche ou les accentue, produisent une palette de corporalités d’une richesse folle. Le plaisir est immense de revoir Vera Mantero ici, dans le hall du Centre national de la danse à Pantin (Seine-Saint-Denis), pile en face d’archives vidéos montrant Joséphine Baker rouler ses yeux dans leurs orbites, alors que plus loin, dos à la symphonie d’éclats de rire composée par Maguy Marin, c’est une captation de Valeska Gert, icône des cabarets berlinois des années 20, qui nous certifie qu’on est bien où l’on pensait atterrir : dans une histoire subjective de la danse expressionniste, ramifiée du côté des arts plastiques avec des figures tutélaires comme Bruce Nauman (présent ici avec sa vidéo Lip Sync, 1969). Mais c’est tout autant un moodboard géant de sa pièce l’Œil, la Bouche et le reste que nous propose le jeune Brésilien Volmir Cordeiro avec cette exposition où ricochent et résonnent des écrans devant lesquels on passerait volontiers la journée entière.

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