Violences sexuelles: l'Eglise tranchera au printemps sur sa structure pour les victimes majeures
S'interrogeant encore sur la structure la plus adéquate, les évêques français ont préféré retarder au printemps leur décision sur le très attendu dispositif de réparation pour les victimes de violences sexuelles à l'âge adulte dans l'Eglise.
"Si le principe est acquis, nous voyons qu'il nous reste encore du travail avant de décider des modalités de mise en œuvre", a affirmé dimanche Eric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (CEF).
"Les cinq mois qui nous séparent de l’assemblée de mars nous permettront de préciser les points qui restent incertains", a-t-il ajouté à l'issue de l'assemblée plénière d'automne de la CEF.
Une assemblée aux thèmes variés (Ukraine, Afrique...), sur fond de projet non encore officiel de visite du pape en Corse mi-décembre. Après la réouverture de Notre-Dame le 8, "s'il s’avérait que le pape François vienne à Ajaccio la semaine suivante, comme le bruit en court, nous en recevrions une stimulation de plus", a affirmé le président de la CEF.
Les évêques espéraient présenter lors de cette réunion d'automne leur dispositif "d'accueil, d'écoute et d'accompagnement" pour les victimes majeures de violences sexuelles. Certaines d'entre elles "seront déçues et blessées de ce retard", a reconnu le président de la CEF, tout en les assurant de la "détermination" de l'Eglise à avancer.
Pourquoi un tel retard? Les évêques hésitent entre deux options, qui n'ont pas été publiquement détaillées.
De source proche de plusieurs évêques, il s'agirait soit d'instaurer une instance centralisée de type CRR (Commission reconnaissance et réparation, qui s'occupe des victimes dans les congrégations), soit d'avoir un dispositif adossé à des cellules dans les provinces ecclésiastiques (qui réunissent plusieurs diocèse).
"Nous voulons ouvrir une voie de reconnaissance et de réparation solide et durable" et que les prêtres mis en cause "assument leurs responsabilités", a assuré Mgr de Moulins-Beaufort.
Dans ce processus, il ne s'agit pas de se substituer à la justice: "le premier chemin doit être celui de la justice républicaine", avec également un recours éventuel à la justice canonique, a assuré le président de la CEF.
- "Emprise" -
Mais certains faits sont sans doute prescrits, ou des agresseurs décédés. Reste alors la voie de la justice restaurative, mais "nous savons qu'elle n'est pas exempte de critiques" et "il nous faut être sûrs de la compétence" des personnes chargées de cette mission, a plaidé Mgr de Moulins-Beaufort.
Trois ans après le rapport choc de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), qui faisait état de 330.000 mineurs agressés dans l'Eglise entre 1950 et 2020, le sujet des violences sexuelles continue d'occuper l'Eglise.
Les révélations sur des agressions sexuelles de l'Abbé Pierre se sont succédé depuis l'été.
Vendredi encore, un prêtre a été condamné dans le Cantal à 18 ans de prison pour un viol et des agressions sexuelles sur mineurs. "Une fois de plus des responsables ecclésiaux n’ont pas agi comme il aurait fallu", a déploré Mgr de Moulins-Beaufort en assurant que l'Eglise travaillait "pour que de telles cécités ne soient plus possibles".
L'Eglise a pour l'instant beaucoup travaillé sur les cas des victimes mineures, avec notamment une "Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation" (Inirr).
Les majeurs sont un public différent, comme le rappelait dans un rapport en mars le groupe de travail mis sur pied par la CEF: d'abord parce que "le cadre juridique n'est pas le même", et parce qu'il existe "un certain nombre d'a priori" concernant les majeurs.
La notion d'"emprise" est ainsi déterminante, dans le cas de ces victimes dont il est impossible de chiffrer le nombre.
Quant à l'indemnisation financière, "elle sera possible et nous ferons ce qu'il faut" pour qu'elle le soit, a souligné Eric de Moulins-Beaufort. "Cela peut être un élément nécessaire" mais "ce n'est pas l'élément principal", a-t-il ajouté.
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