"Il y a viol et viol": la déclaration d'un avocat fait bondir Gisèle Pelicot et ses enfants au procès
Dominique Pelicot devait être entendu cette semaine. Absent lundi pour raison de santé, puis hospitalisé ce mardi, possiblement pour des coliques néphrétiques, selon son avocate, le principal accusé dans ce procès des viols de Mazan n'a pas encore pris la parole pour s'expliquer sur ces dix années au cours desquelles il a reconnu avoir drogué, violé et invité des hommes rencontrés sur Internet à venir à son domicile pour abuser de son épouse Gisèle.
En son absence, lui qui est considéré comme le "chef d'orchestre" de ces crimes, c'est un enquêteur qui est venu décrire minutieusement les vidéos, que lui et ses collègues ont dû regarder. Ces vidéos réparties dans les 128 sous-dossiers du fichier "Abus" retrouvé sur un disque dur de Dominique Pelicot après son interpellation en septembre 2020. Par groupe de cinq accusés, il est revenu sur les faits pour lesquels ils sont jugés. Dix années de sévices sexuels, 92 abus imposés à Gisèle Pelicot, droguée au préalable par son mari, qui donne la nausée.
"Sur l’intégralité des vidéos, les auteurs ne pouvaient ignorer que Gisèle Pelicot était inconsciente! On voit tout de suite qu’elle dort", disait le policier dans la matinée.
"Il y a viol et viol"
Mais c'est en fin de journée que le ton est monté. À ce moment-là, l'enquêteur venait une nouvelle fois parler des "viols" subis par la victime. Pourquoi utiliser ce mot dès les premières questions des gardes à vue en 2020 et 2021? "Est-ce que vous reconnaissez le fait de juger seul, souverainement la question de savoir si les faits sont des viols?", l'interroge Me Guillaume de Palma, qui représente six accusés, soulevant une nouvelle fois la question de la présomption d'innocence. L'enquêteur lui rétorque que dans les affaires de réglements de compte, on parle de "meurtre" avant même que l'affaire ne soit jugée. "Ca n'a rien de choquant", se défend-il.
"Il y a viol et viol et sans l’intention de le commettre il n’y a pas viol", avance Me Guillaume de Palma.
La déclaration choque. Gisèle Pelicot et ses enfants sont effarés. Pour la défense, sans intention de commettre un viol, les accusés ne peuvent être condamnés. Et c'est bien cela qu'ils tentent d'imposer auprès des magistrats de la cour criminelle du Vaucluse. "En France, il faut la démonstration de l'intention coupable, assume l'avocat à la sortie de l'audience. Si l'auteur est trompé, il n'y a pas viol. Nous réfutons cette analyse faite partiale et partielle. Ce sont des gens dupés, piégés, ils n'ont pas eu le temps de faire demi-tour."
"J'ai honte de la justice"
La défense poursuit son argumentaire. Les premiers échanges avec Dominique Pelicot, notamment sur le site Coco.gg, puis les photos envoyées par le mari, puis les rencontres, ce sont produits dans un "contexte libertin, échangiste, trioliste". Certains des accusés ont toujours maintenu avoir cru à un scénario du couple, assurant ne pas avoir su que la victime était droguée. D'autres rejettent l'absence de consentement, "le mari était présent". "Est-ce que vous pensez avoir assez investigué pour comprendre les ressorts des uns et des autres, comment ils auraient pu être manipulés?", interroge Me Biscarrat, insistant sur le "volet intentionnel, le volet de la manipulation".
"Nous avions des éléments factuels, des déclarations du principal intéressé, leurs premières déclarations qui correspondaient avec les éléments matériels", insiste le policier estimant avoir fait "son maximum" avec ses collègues.
Les avocats n'en démordent pas. Est-ce que leurs clients, ces hommes de tout âge et de tout profil, ne se sont pas fait berner par des clichés intimes sur lesquels Gisèle Pelicot s'est laissé prendre en photo par son mari et dont il a pu se servir lors de ces échanges virtuels avec ces hommes avant de leur donner rendez-vous? La défense estime que ces fichiers lui ont été cachés. Pour les parties civiles s'en est trop. Les avocats de Gisèle Pelicot tente de reprendre la parole, le président les en empêche. Caroline Darian, la fille de la victime, explose en sortant de la salle: "J'ai honte de la justice".
"Ma cliente a donné à voir ce qu'est la réalité d'un viol, la cruauté avec laquelle on défend parfois un viol, ce sont les droits de la défense sur lesquels il n'y a pas à transiger, mais parfois il y a une forme de gratuité sur la violence exprimée", dénonce Me Antoine Camus, l'un des avocats de Gisèle Pelicot.
Dans ce contexte explosif, dans cette ambiance peu régulée, et avec un planning devenu incompréhensible et chaotique, Dominique Pelicot doit revenir mercredi dans le box des accusés. Les médecins qui l'ont examiné dans le cadre de l'expertise médico-légale ordonnée à la cour ont estimé qu'il n'y avait pas de "contre-indication" à ce qu'il comparaisse.