De Villepin à la Fête de l’Huma : comment l’ancien Premier ministre est devenu la coqueluche de la gauche
POLITIQUE - Invité spécial. À la Fête de l’Humanité, les fans de Calogero, Pomme ou Sandra Nkaké pourront croiser les militants de diverses formations politiques de gauche, et Dominique de Villepin. L’ancien Premier ministre est l’invité d’un grand entretien, en public, avec les journalistes de l’Humanité, ce dimanche 15 septembre à la mi-journée.
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Une présence pas si incongrue. Le festival, rendez-vous incontournable de la rentrée politique, accorde une large place au débat d’idées dans ses conférences et grands oraux. L’année dernière, c’est le maire du Havre - et désormais candidat à la présidentielle - Édouard Philippe qui participait à un duel avec le secrétaire général du Parti communiste Fabien Roussel.
Parfois âpre entre les deux dirigeants, l’échange avait été ponctué par des vagues de huées visant l’ancien chef du gouvernement d’Emmanuel Macron. Peu de risques cette année, tant Dominique de Villepin, l’homme du « non » à la guerre en Irak, jouera en terrain conquis.
Voix singulière sur le Proche-Orient
Depuis plusieurs mois, le diplomate, ancien Premier ministre de Jacques Chirac entre 2005 et 2007, est devenu la coqueluche d’une partie de la gauche, dont militants et élus relaient les prises de paroles comme autant de plaisirs coupables. Un attrait qui remonte à l’automne 2023, et les événements au Proche-Orient, et qui s’explique entre autres par les positions internationales défendues par Dominique de Villepin, ardent défenseur d’une diplomatie gaulliste équilibrée.
Relativement discret jusqu’ici, l’ancien locataire de Matignon et du Quai d’Orsay a fait un retour médiatique remarqué après les attaques terroristes en Israël. Dès le 12 octobre, il s’invite sur France Inter et fait valoir, d’un ton grave, que « le Hamas, ce n’est pas le peuple palestinien. » Que la « perspective politique » est une impérieuse nécessité.
L’ancien chef du gouvernement se dit également « surpris par l’ampleur, l’horreur et la barbarie » de l’attaque du Hamas, mais reconnaît ne pas avoir été surpris par « cette haine qui s’est exprimée » depuis « cette prison à ciel ouvert » qu’est devenue la bande de Gaza.
Un discours immédiatement applaudi par la France insoumise, alors empêtrée dans une polémique sur le choix de ses mots, et notamment la qualification de « terrorisme ». Mais également par plusieurs communistes ou socialistes, dont le Premier secrétaire Olivier Faure. « Nous partageons avec Dominique de Villepin la condamnation du terrorisme, la solidarité avec Israël, le refus d’une riposte qui se transforme en vengeance aveugle, car l’Humanité ne se partage pas », salue le chef des roses sur les réseaux sociaux.
Allié inattendu
Après le service public, l’ancien Premier ministre multiplie les interventions médiatiques, le 27 octobre sur BFMTV, le 7 novembre sur franceinfo ou le 14 novembre sur CNews, puis LCI ou Quotidien sur TMC. Avec toujours les mêmes envolées… Jusqu’à ces derniers jours et une nouvelle diatribe remarquée, jeudi sur France Inter. Dominique de Villepin s’indigne du silence autour de Gaza, du « plus grand scandale historique », dont « plus personne ne parle. »
Succès garanti à gauche, tandis qu’à droite et au centre, on tient cette personnalité singulière, gaulliste revendiqué, à distance depuis plusieurs mois. Après avoir pactisé avec l’extrême droite, le président des Républicains Éric Ciotti ira jusqu’à qualifier l’ancien chef du gouvernement de Jacques Chirac de « fidèle soutien du Hamas. »
De l’autre côté, la gauche est heureuse de trouver un allié de circonstances chez Dominique de Villepin. Une façon de frapper son discours ou ses prises de position du sceau de la crédibilité, et pas uniquement sur la situation au Proche Orient. En juillet, l’ancien locataire de Matignon appelle par exemple à voter en faveur du Nouveau Front populaire face au Rassemblement national, avant de défendre la nomination de Lucie Castets à Matignon, au nom de la « tradition républicaine ». À rebours des positions de sa famille politique.
« Ce que dit De Villepin relevait jusqu’à aujourd’hui de l’évidence démocratique », salue encore Olivier Faure, a l’unisson des dirigeants de l’alliance des gauches, comme un remerciement. Un échange d’amabilité, et une nouvelle popularité, qui ne s’embarrasse pas, toutefois, des activités opaques, et lucratives, de l’ancien Premier ministre, souvent accusé d’entretenir des liens (d’intérêts) avec des pays du Proche-Orient (notamment le Qatar) à travers son activité de conseil.
Invité sur BFMTV et questionné à ce sujet par Apolline de Malherbe en février dernier, le diplomate avait rétorqué, agacé, que son « activité est complètement liée à deux sociétés françaises de conseils », a qui il « apporte des conseils sur le plan géopolitique, en France pour l’étranger. » Gageons que cette question ne sera pas le principal sujet de son entretien, dimanche, à la Fête de l’Huma.
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